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L’AMOUR ET LES FORÊTS de Valérie Donzelli : la critique du film

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Nom : L’amour et les forêts
Père : Valérie Donzelli
Date de naissance : 2023
Majorité : 24 mai 2023
Type : sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h45 / Poids : NC
Genre : Drame, Thriller

Livret de Famille : Virginie EfiraMelvil PoupaudDominique Reymond

Signes particuliers : Le meilleur film de Valérie Donzelli

Synopsis : Quand Blanche croise le chemin de Gregoire, elle pense rencontrer celui qu’elle cherche. Les liens qui les unissent se tissent rapidement et leur histoire se construit dans l’emportement. Le couple déménage, Blanche s’éloigne de sa famille, de sa sœur jumelle, s’ouvre à une nouvelle vie. Mais fil après fil, elle se retrouve sous l’emprise d’un homme possessif et dangereux.

AMOUR TOXIQUE

NOTRE AVIS SUR L’AMOUR ET LES FORÊTS

Elle est partout. Mais son talent est tel qu’on ne s’en plaint pas. Virginie Efira enchaîne les rôles comme une work addict (4 films en 2022 !). Comme si le fait d’avoir vu sa carrière démarrer tardivement la poussait à rattraper frénétiquement le temps perdu. Cette année à Cannes, la comédienne franco-belge fraîchement césarisée ne présente non pas un film mais deux. D’un côté Rien à Perdre de Delphine Deloget (sélection Un Certain Regard) , de l’autre L’amour et les forêts (Cannes Première). Nouveau long-métrage de Valérie Donzelli coécrit à quatre mains avec la formidable Audrey Diwan (L’événement), L’amour et les forêts est une conjugaison de talents derrière et devant la caméra. Virginie Efira face à Melvil Poupaud, peut-on rêver meilleure affiche ? Tout ce beau monde met sa pierre à l’édifice pour ériger l’un des films les plus forts de cette année 2023. Le meilleur film de Donzelli pour sûr, et un drame d’actualité poignant et viscéral, qui ne manquera pas de figurer dans bien des tops de fin d’année.
A l’heure où la société réfléchit beaucoup sur la place de la femme, son traitement dans la société patriarcale séculaire, les violences qu’elle subit, le vent de rébellion qu’elle essaie de souffler, les rapports de pouvoir francs ou insidieux avec lesquels elle compose, Valérie Donzelli signe un film d’une grande puissance sur le sujet. Son héroïne est un modèle. Ou plus précisément un modèle d’exemple. La cinéaste ausculte comment une situation simple dérape, comment des rapports normaux dérapent, comment des personnes à priori saines d’esprit peuvent se laisser piéger dans l’enfer d’un engrenage incontrôlable. Pourquoi faire ? Parce qu’au fond, toutes les femmes peuvent devenir cette Blanche du film, et qu’il est presque trop facile de dire « ça ne pourrait jamais m’arriver à moi ». Donzelli décortique des mécanismes qui ne s’improvisent pas de manière évidente du jour au lendemain. Derrière certains faits divers parfois plus « extrêmes », il y a toutes ces histoires aux drames plus sourds, tristement plus banals.
Quand Blanche rencontre Gregoire, tout va bien, tout est beau, tout est romantique. Par le truchement d’un montage qui perturbe la linéarité de la chronique romanesque, la réalisatrice prépare le terrain. Le spectateur sait. Il sait que ça finira mal. Il ne sait ni comment, ni pourquoi, mais il sait. C’est très progressivement que Donzelli replie son récit sur une histoire de relation toxique, de jalousie toxique, de masculinité toxique. L’avancée du scénario est ainsi d’une immense finesse car il serait trop évident (et trop facile) de planter de grosses balises directionnelles. L’intention de Donzelli est de montrer comment des petites choses invisibles conduisent à un drame horrifiant en cas de non vigilance. Tout le problème et toute la gravité de la chose est là. La femme doit constamment être vigilante. C’est bien ça son malheur au fond. Qu’elle doit se rebeller, on le sait, on l’a dit, on en parle. Qu’elle ne doit plus se laisser faire et qu’elle doit se révolter contre la position à laquelle on l’a assignée depuis toujours aussi. Le nouveau problème 2.0 est désormais celui-ci. Passée la réaction (#MeToo et tout le tremblement), vient le souci du devoir de vigilance. Le devoir d’être toujours en alerte. Quelle affreuse vision pour elles. Le gros de la tempête a été exposée sur la place publique ces dernières années. Et après ? Prise de conscience générale et tranquillité une fois que les choses ont (ou auront) changé ? Non. Malheureusement non. Tragiquement non. Désormais, il y a pour elles ce besoin de rester en éveil pour que cela ne recommence pas. L’amour et les forêts est-il un film au fond très pessimiste sur l’avenir des femmes ? Peut-être. Peut-être pas. Peut-être pour un temps. Peut-être pour un long temps. Pour exemple (qui n’a strictement rien à voir au demeurant) : le aujourd’hui de la communauté juive. Ce qu’il s’est passé il y a 80 ans, on le sait. L’histoire s’est chargée de le faire savoir à tous. Et maintenant ? Malheureusement, la communauté juive est aujourd’hui contrainte de rester en alerte, pour que cela ne recommence pas, pour surveiller les émergences, les tentatives, les résurgences.
Valérie Donzelli évoque un film qui commence chez Rohmer et finit chez Hitchcock. On dirait plus Sautet ou Lelouch que Rohmer mais l’idée est belle et bien celle-ci. Débutant dans la candeur séduisante de la romance, le film vrille lentement mais sûrement vers le thriller anxiogène au fur et à mesure que l’amour se transforme en emprise amoureuse, que le romanesque s’effondre sous le poids d’une forme de psychose empreinte d’inconsciente cruauté tragique. Un basculement puissamment incarné par le formidable duo Efira-Poupaud et tout aussi puissamment imagé par Valérie Donzelli, même si la mise en scène (très/trop stylisée) de la cinéaste manque parfois d’un peu d’épure. A l’arrivée, une chronique d’actualité formidablement évocatrice sur l’maour possessif et les violences faites aux femmes.

 

Par Nicolas Rieux

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