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A BIGGER SPLASH de Luca Guadagnino : la critique du film

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Nom : A Bigger Splash
Père : Luca Guadagnino
Date de naissance : 2015
Majorité : 06 avril 2016
Type : Sortie en salles
Nationalité : France, Italie
Taille : 2h05 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de famille : Tilda Swinton, Ralph Fiennes, Dakota Johnson, Matthias Schoenaerts, Aurore Clément…

Signes particuliers : Un « remake » du chef-d’oeuvre La Piscine de Jacques Deray.

CELUI PAR QUI LE SCANDALE ARRIVA…

LA CRITIQUE

Résumé : Lorsque la légende du rock Marianne Lane part sur l’île méditerranéenne de Pantelleria avec Paul, son compagnon, c’est pour se reposer. Mais quand Harry, un producteur de musique iconoclaste avec qui Marianne a eu autrefois une liaison, débarque avec sa fille Pénélope, la situation se complique. Le passé qui ressurgit et beaucoup de sentiments différents vont faire voler la quiétude des vacances en éclats. Personne n’échappera à ces vacances très rock’n’roll…

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L’INTRO :

En approchant de loin A Bigger Splash, difficile de ne pas songer à La Piscine, le brûlant chef-d’œuvre de Jacques Deray tourné en 1969. Pas étonnant au final, de se rendre compte que le nouveau long-métrage du cinéaste italien Luca Guadagnino (Melissa P., Amore) en est tout simplement un remake librement actualisé, réunissant Tilda Swinton, Matthias Schoenaerts, Ralph Fiennes et Dakota Johnson, reprenant tous respectivement les rôles de Romy Schneider, Alain Delon, Maurice Ronet et Jane Birkin. Mais la grande question qui va prédominer tout au long de la découverte de ce drame passionnel aux allures de thriller psychologique sulfureux, sera de savoir quel était l’intérêt fondamental de revisiter un tel classique emblématique du cinéma français, qui n’a d’ailleurs pas pris la moindre ride, 47 ans après sa sortie. Pour Luca Guadagnino, la parade est claire. Avec A Bigger Splash, il souhaitait à la fois conserver et se défaire des thématiques développées en son temps par Deray, profitant de la modernité de l’histoire jadis écrite par Jean-Claude Carrière sur la base du roman d’Alain Page, pour confectionner un portrait contemporain de notre époque, sur cette volonté commune à tous de vouloir échapper au monde extérieur avant que la réalité ne nous rattrape et ne fasse naître des instincts primaires inquiétants. Mais surtout, c’est sur la question du désir que souhaitait travailler le metteur en scène. Comment celui-ci peut avoir ce pouvoir de « se transformer en force destructrice ou productrice et féconde », explique t-il.

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L’AVIS :

Abordé par le prisme de son visage « d’énième remake inutile d’un film culte », A Bigger Splash trouvera rapidement des limites toutes faites et désignées non sans facilité. Pouvait-on faire mieux que Jacques Deray ? Peut-être, peut-être pas. Ce qui est sûr, c’est que l’on pouvait faire autrement. Et sur ce point, Luca Guadagnino réussit autant son pari qu’il ne le loupe. Embrassant un style radicalement différent de celui de son aîné, le transalpin met au placard la délicatesse, la suggestion et la finesse tout en latence de La Piscine, pour se plonger dans une œuvre volontairement plus excentrique, plus grossière diront certains. Ce qui est sûr, c’est que de l’ambiance incandescente à la mise en scène électrique en passant par les performances de comédiens subtilement piégés dans leurs rôles à sensualité aggravée, quelque chose se produit à l’écran. Quelque chose d’envoûtant, de fascinant, parfois d’irradiant. Et avec toute sa vulgarité formelle assumée, son énergie bouillonnante jouant en permanence avec les ruptures, son mélange d’érotisation brûlante, de mystère et de violence passionnelle, A Bigger Splash captive et fait vibrer des sens perpétuellement mis en alerte par une foi indéniable de l’entrechoquement, qu’il soit de ton, de fond ou plastique.

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Citant Rossellini, Scorsese ou le Falstaff de Verdi en inspirations premières, auxquelles on pourrait bien volontiers rajouter le polar noir, parfois même le giallo, ou encore Greenaway ou Pasolini (son Théorème par exemple, avec Terence Stamp), A Bigger Splash est une sorte d’ivresse cinématographique, une vision plus ofniesque et débridée de La Piscine, où clairement, Luca Guadagnino a cherché à mettre en avant cette force mécanique et destructrice du désir incontrôlé et incontrôlable. Le désir est en effet au centre de toutes les relations entre ce quartet de personnages pris au piège de cette île de Pantelleria, véritable protagoniste à part entière du film, devenant rapidement le théâtre d’affrontements psychologiques violents entre adultes confinés, ne pouvant échappés à une micro-tragédie humaine sans cesse en apesanteur au-dessus des têtes. La piscine chère à Deray, celle autour de laquelle s’était cristallisée jadis la tension, devient chez Guadagnino cette île aux allures de prison, comme si les moteurs de l’histoire ne pouvaient y échapper, pas plus qu’ils ne peuvent échapper à ce qui va se tramer. Et c’est finalement assez brillamment que le cinéaste va mener sa barque, hypnotisant un spectateur placé sous la coupe d’enjeux à la fois obscurs et terrifiants.

RZ6A3323.JPGOn reprochera beaucoup de choses à A Bigger Splash, et Luca Guadagnino en particulier. Notamment, de s’être dispersé dans cet effort semblable à un geste cinématographique tonitruant, brassant beaucoup de choses en arrière-fond de son cœur central, au risque de se perdre dans sa richesse hasardeuse. Paul et Marianne (documentariste et ex-rockeuse star) filaient un amour paisible, niché dans le calme splendidement lointain de cette île éloignée de la réalité de leur monde bruyant et sous acide. L’arrivée non souhaitée de Harry, ami gueulard et outrancier, ex-manager et amant de Marianne, accompagné de sa fille Pénélope (une Dakota Johnson aussi sexy qu’énigmatique) va alors bouleverser cet équilibre immobile. Comme un détonateur, celui par qui le scandale arriva (pour reprendre Vincente Minelli) va alors réveiller des démons endormis, faire voler en éclat cette quiétude (re)trouvée. C’est avec lui que, sous la chaleur suffocante du sud de l’Italie, les passions vont se déchaîner dans un maelstrom iconique de convoitise, de sexe et de violence. La douceur fait face à la tempête, la beauté de la sensualité fait face à l’envie refoulée, la tendresse affrontera les pulsions. Et le drame viendra de ce choc sous tension entre sérénité et débordement torrentiel déchirant l’écran dans un nouage crispant des sentiments. Irritant pour les uns, hypnotique pour les autres, une chose est sûre, A Bigger Splash ne laissera pas insensible. Et c’est déjà en soi, une première et petite réussite à laquelle viendra se joindre, une volonté permanente de balader le spectateur pour mieux le cerner de toute part, à la force de la montée croissante d’une atmosphère tempétueuse.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

3 thoughts on “A BIGGER SPLASH de Luca Guadagnino : la critique du film

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