Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : The Birth of a Nation
Père : Nate Parker
Date de naissance : 2016
Majorité : 11 janvier 2017
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 1h50 / Poids : NC
Genre : Drame, Historique
Livret de famille : Nate Parker, Armie Hammer, Mark Boone Junior…
Signes particuliers : Le sujet a déjà été traité à de nombreuses reprises au cinéma, et de façon bien meilleure.
LE COMBAT DES JUSTES
LA CRITIQUE DE THE BIRTH OF A NATION
Résumé : En un temps précédant la Guerre Civile américaine, Nat Turner est un prédicateur et un esclave cultivé. Son propriétaire, Samuel Turner, financièrement sous pression, accepte une offre visant à utiliser les dons de prédication de Nat dans le but d’assujettir des esclaves indisciplinés. Après avoir été témoin des atrocités commises à l’encontre de ses camarades opprimés, Nate conçoit un plan qui peut conduire son peuple vers la liberté.The Birth of a Nation arrivera fièrement en France début janvier, précédé d’une réputation flatteuse, précédé d’échos dithyrambiques venus de Sundance où il a remporté les Prix du Public et du Jury, et précédé par un vent qui le promettait déjà à un carton plein aux prochains Oscars. « Promettait » au passé, car une affaire autour d’une vieille et sordide histoire de viol impliquant le réalisateur et son co-scénariste, pourrait bien lui faire pas mal de tort dans sa campagne, alors qu’il s’apprêtait à répondre à la polémique de l’an passé sur l’absence d’afro-américains dans la sélection. Mais revenons au film. Il faut bien avouer que son sujet avait tout pour séduire, aussi bien le public sensible aux histoires fortes et bouleversantes, que l’Académie jamais en reste pour couronner ce genre de biopic à émotion maximale. Prenant pour cadre le début des années 1800 et les sombres temps de l’esclavagisme, The Birth of a Nation revient sur l’histoire vraie de Nathaniel Turner, jeune noir exploité dans une plantation de coton sudiste. Sa particularité ? Être un lettré. Contrairement à ses semblables, Nat a appris à lire et à écrire. L’horreur qui s’étale au grand jour tout autour de lui, la traite des noirs, la torture, l’exploitation, la déshumanisation, va finir par avoir raison de sa résignation, et le pousser à organiser et conduire la révolte.Reprenant à son compte et non sans ironie, le titre du classique de David W. Griffith (1915) décrié et controversé pour sa réinterprétation de l’histoire, The Birth of a Nation s’imposait comme une vision juste des temps de l’esclavagisme. Pas question de lisser quoique ce soit, pas question de travestir quoique ce soit, Nate Parker entendait remettre en avant l’horreur et la barbarie dont ont été victimes ses ancêtres dans l’Amérique naissante de l’avant-Guerre de Sécession. Et au passage, le cinéaste entendait poursuivre le combat contre le racisme contemporain qui continue de s’exprimer largement aux États-Unis. The Birth of a Nation repose ainsi sur un sujet extrêmement lourd et horrifiant, et d’ailleurs, Nate Parker ne nous épargne rien de ladite horreur. Noirs traités comme des animaux, meurtres, femmes violées, conditions de vie déplorables, mépris, insultes, violences, dénigrement humain… Le film nous met avec brutalité, face à la sanglante naissance de l’Amérique, sans concessions et sans détourner le regard, avec une volonté affichée et affirmée, de hisser le film au rang de devoir de mémoire, de devoir d’histoire, de devoir de connaissance de cette atroce réalité passée. Problème, Nate Parker est très loin d’être le premier à s’y employer, et certainement pas le meilleur du lot.De la première à la dernière minute, The Birth of a Nation baigne dans la lourdeur de son sujet. L’ennui, c’est que de son côté, Nate Parker (qui est réalisateur, scénariste, producteur et acteur principal) baigne dans la lourdeur tout court. Le jeune cinéaste n’a manifestement rien de plus à ajouter à un sujet déjà archi-traité au cinéma et son long-métrage se contente de répéter ce que bien d’autres films avant lui, ont déjà illustré à l’écran. À commencer par le pas si vieux 12 Years a Slave, qui narrait déjà le quotidien abominable de ces esclaves traités comme des moins que rien par ces exploiteurs blancs sans pitié. Mais le problème ne s’arrête pas à cette absence d’originalité, c’est d’ailleurs peut-être même le moins gênant dans l’affaire. Que ce soit sur la forme ou sur le fond, The Birth of a Nation est un film lesté par son permanent béotisme. Nate Parker semble se sentir obligé de toujours tout appuyer au marqueur afin de sur-signifier ses intentions, au point de basculer dans une grossièreté du geste dénué de toute subtilité. A mi-parcours, on ne compte même plus les plans allégoriques sur les levers et les couchers de soleil, on ne compte même plus les plans métaphoriques venant lourdement soutenir la moindre idée. La seule chose que l’on compte, ce sont les minutes qui défilent bien lentement alors que le film souffre d’une cruelle absence de rythme et d’une écriture aux abois, alourdie par ses nombreuses répétitions et son incapacité à faire autre chose que « meubler » son cœur par manque d’inspiration et d’idées. Et c’est sans compter l’imagerie christique à la finesse éléphantesque, qui finit par couronner de ridicule, ce pavé indigeste aussi fin qu’une brique de plomb.Passablement fastidieux et digne d’un long exposé asséné à grands coups de marteau, The Birth of a Nation est tellement poussif, voire parfois même horripilant de surcharge et de maniérisme, qu’il finit par en perdre toute sa puissance et sa portée émotionnelle. Dommage. D’autant que Nate Parker essaie à tout prix de nous convaincre que son film est « important ». Certes, le sujet l’est, sans nul doute. Mais son film lui, l’est beaucoup moins.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux