Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Maggie
Père : Henry Hobson
Date de naissance : 2014
Majorité : 27 mai 2015
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 1h33 / Poids : 8 M$
Genre : Drame, Épouvante
Livret de famille : Arnold Schwarzenegger (Wade), Abigail Breslin (Maggie), Joely Richardson (Caroline), Laura Cayouette (Linda), Denise Williamson (Barbara), J.D. Evermore (Holt)…
Signes particuliers : Arnold Schwarzenegger en père bouleversant dans un drame d’épouvante à petit budget. Un pari audacieux relevé par le réalisateur Henry Hobson, auteur de son premier long-métrage…
PRÊT POUR UN TOUR DE MAGGIE ?
LA CRITIQUE
Résumé : Alors qu’une terrible pandémie se propage à travers les États-Unis, le gouvernement impose de placer les malades infectés par le virus en quarantaine, où ils se transformeront en zombies, totalement retranchés du monde. Lorsque Maggie, 16 ans, apprend qu’elle a été contaminée, elle s’enfuit. Mais son père, Wade Vogel, est déterminé à la retrouver et à la protéger coûte que coûte, même s’il lui faut affronter les forces de police…L’INTRO :
Un bon moment déjà que Maggie intriguait les fans de cinéma de genre, au moins autant que ceux de la montagne musculeuse Arnold Schwarzenegger. A 67 ans, le colosse autrichien vieillissant s’aventure hors de sa zone de confort, probablement car il est temps de braver les secousses d’une carrière sur le déclin. L’ex-Gouvernator, qui a toujours eu tendance à privilégier principalement les registres de l’action ou de la comédie, se frotte à un cinéma où on ne l’attendait pas forcément avec ce drame horrifique visant plus l’émotion que l’aventure trépidante. Maggie était pour lui une opportunité intéressante, tenter de mettre son charisme légendaire au service d’un jeu tout en puissance où ses biceps n’auraient que peu d’importance. Réalisé par Henry Hobson, graphiste-designer réputé dont c’est le premier long-métrage, Maggie réussit-il son pari ?L’AVIS :
Les tentatives de s’éloigner un peu des sentiers battus du cinéma « zombie » classique sont rares. Ou plutôt, disons qu’elles sont rarement bonnes et convaincantes, parce qu’il est souvent bien trop difficile de concilier respect des codes d’un genre ultra-balisé et éloignement narratif, stylistique ou thématique. Maggie vient pourtant relever plutôt brillamment ce défi ambitieux en se rangeant avec modestie, dans le sillage de ces films qui utilisent un genre très spécifique pour raconter tout autre chose en se servant de lui comme toile de fond sans toutefois trahir son essence, respectant avec sincérité ce qu’il est intrinsèquement. Ne vous attendez donc pas à des hordes de zombies en furie à la 28 Semaines Plus Tard ou déambulant en traînant leur carcasse putréfiée à la recherche de chair fraîche à dévorer façon George Romero. Ne vous attendez pas non plus à un survival rageur dans un monde post-apocalyptique où l’humanité serait partie en lambeaux style Walking Dead, pas plus qu’à un carnage jouissif à la Zombieland. Sans action haletante, sans envolées horrifiques dégueulassement gores, sans petit groupe se battant pour leur survie et sans infectés agressifs, Maggie ne fait jamais dans le pur survival horrifico-putréfiant sur fond d’apocalypse zombie, il raconte simplement et sobrement, une poignante histoire d’amour filial sur fond d’accompagnement vers la mort d’un être cher condamné. Que ne serait-on pas prêt à faire pour protéger son enfant ? Comment accompagner un proche sur le chemin qui le mène lentement vers une mort imminente et inéluctable ? Voilà de quoi parle Maggie.L’imaginarium zombie est bien là dans le film d’Henry Hobson, incarné en arrière-plan par un monde en proie à un mal touchant les populations inquiètes de voir les leurs atteints, incarné par cette adolescente infectée qu’un père veut protéger à tout prix. Mais le cœur du film, réaliste, dramatique et intimiste, se refuse aux codes du genre tout en les respectant à sa manière. Et c’est là qu’est le tour de force. Maggie affiche toutes les scènes emblématiques du film de zombie traditionnel mais en les reprenant à son compte dans sa démarche visant le drame personnel et bouleversant sur un amour père/fille déchirant qui explose à l’écran dans toute l’horreur d’une tragédie terriblement émouvante, doublée d’une métaphore, certes peu subtile mais intelligemment et magnifiquement universelle, sur l’accompagnement des êtres chers en fin de vie, traversant l’interminable et angoissant couloir menant à une mort terrifiante. Car au fond, c’est ni plus ni moins que ça que raconte le cœur du film d’Henry Hobson. Une jeune adolescente en phase terminale d’une maladie « zombiesque », effrayée par l’approche d’une « mort » horrible et inéluctable (comprenez par là, transformation en zombie, même si le mot n’est jamais prononcé), effrayée par sa lente déliquescence physique et mentale. A ses côtés, un père protecteur, soucieux d’être là jusqu’au bout, quoi qu’il en coûte, incarné par un Schwarzy fabuleux dans ce contre-emploi tardif qui révèle une carcasse abîmée animée par quelques grammes d’intensité à fleur de peau.Maggie, magistrale pépite surprenante ? Disons que le film d’Henry Hobson arbore des intentions intéressantes et affiche une vraie proposition de cinéma. Le récit de la lente dégénérescence d’un ou une infectée n’a rien de nouveau en soi, mais le réalisateur renverse la façon de raconter cette histoire éculée, détaillant un processus physique et mental sur plusieurs jours, comme une phase terminale de maladie où les proches, impuissants, essaient de profiter du peu de temps qu’il leur reste avec l’être aimé, en attendant l’issue dramatique de ce calvaire psychologique. Malheureusement, beaucoup de maladresses accompagnent ces partis pris, essentiellement sur le plan narratif. Le principal souci de Maggie est qu’il n’a fondamentalement pas grand-chose à raconter sur la forme pour animer les contours des thématiques profondes qu’il développe. Et même si le film est relativement court (un peu moins de 1h30 sans le générique), il paraît déjà presque trop long pour contenir la maigreur d’un script qui tourne en rond autour d’une démarche louable mais insuffisante pour remplir l’espace d’un long-métrage. Par manque d’étoffe et par manque d’enrichissement de sa mécanique, Maggie étire, répète les mêmes scènes, allonge ce qui ne demandait pas à l’être. Et c’est le rythme qui finit logiquement par en pâtir alors que le cinéaste était parti sur une voie des plus audacieusement brillante. A l’inverse, c’est en même temps cette différence qui nourrit l’essence de la démarche du metteur en scène. S’ancrer dans un genre en respectant ses conventions mais tout en leur tordant le cou pour raconter ce qui d’ordinaire est abandonné à la marge. A l’image du travail effectué, par exemple, par un John Hillcoat sur La Route, qui reprenait à son compte les codes du cinéma post-apocalyptique pour vriller vers un drame existentiel quasi-contemplatif. Sauf que La Route baignait dans une intensité dont Maggie peine à se charger avec régularité.
Au final, réussite en demi-teinte à la beauté formelle saisissante, qui aura vite fait de décevoir les aficionados d’un cinéma zombie classique et les non-amateurs d’un cinéma lent et anxiogène, Maggie ravira en revanche, tous ceux prêt à s’abandonner à de nouvelles formes d’exploration de la mythologie des morts-vivants. Il suffira juste pour cela d’accepter une œuvre à cheval entre l’anti-film de zombie… et le pur film zombie quand même. « Pur » est un mot qui résume finalement bien le film d’Henry Hobson, qui brille d’une pureté replaçant non sans fascination, l’humain, le mélancolique et le crépusculaire, au centre d’un sous-genre d’ordinaire très tourné vers le massacre spectaculaire et la survie rageuse. Voilà qui change un peu !
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux