Adulé par beaucoup, détesté par certains, que l’on aime ou que l’on n’aime pas, 2001 : L’odyssée de l’espace n’en reste pas moins l’un des plus grands classiques du cinéma de science-fiction, voire du cinéma tout court. Spécial, complexe, hermétique, radical, mystérieux, le film est à l’image de son auteur Stanley Kubrick, une œuvre vertigineuse et insaisissable. Aujourd’hui, son statut de pièce artistique légendaire en fait un film encore souvent discuté, contemplé, exposé, analysé. Et outre les projections, les documentaires et les bouquins, 2001 est parfois au cœur d’expositions sur le cinéaste ou sur l’auteur-scénariste Arthur C. Clarke. Sauf que généralement, il n’y a pas grand-chose à exposer justement, seuls quelques vestiges qui ont survécu au temps… mais surtout à Kubrick lui-même !
Ce n’est pas un secret mais Kubrick était un auteur brillant mais un brin fou et surtout paranoïaque, qui aimait s’imaginer, à tort ou à raison, des craintes diverses et variées. L’une de ses peurs pour 2001, était de voir son travail réutilisé par la suite pour d’autres productions à plus petit budget. La coutume est assez courante à Hollywood. Pour faire des économies, les studios n’hésitent pas à taper dans leurs vastes entrepôts de stockage pour réutiliser décors, accessoires ou costumes d’un film à l’autre. Comme l’énorme sulfateuse utilisée par Schwarzenegger dans Predators et réutilisée dans Terminator 2. Comme cet artefact en or trouvé par les gamins de Spy Kids 2 (visible aussi dans The Majestic) et qui est en réalité une statuette représentant la déesse de la fertilité issue du tournage d’Indiana Jones, les aventuriers de l’arche perdue. Ou comme la tête coupée de Gwyneth Paltrow fabriquée (mais non utilisée) sur Se7en qui a finalement servi sur le Contagion de Soderbergh.
Craignant cette pratique et très obsessionnel avec son travail, Kubrick a décidé de tout faire pour empêcher que cela se produise avec son film. Il était pour lui totalement inconcevable que les pièces de son film et ses travaux soient réutilisés hors contexte pour des trucs miteux. En l’occurence, Kubrick pensait surtout à toutes ces productions de SF à petit ou moyen budget alors à la mode et qu’il détestait tant. Résultat, le cinéaste a pris le mesures nécessaires… et a fait détruire la majorité des accessoires, costumes et décors de 2001 dans la foulée du tournage, de sorte à ce qu’ils ne soient pas réutilisés ! Et au passage, afin de mettre des bâtons dans les roues à toute tentative de projet de suite (style 2010, l’année du premier contact). Du fameux monolithe noir à plusieurs décors de vaisseaux en passant par l’ordinateur HAL ou les costumes, une immense majorité des objets et décors ont aujourd’hui disparu à jamais. Et quelque part, comment en vouloir à sieur Stanley ? Car parmi les rares choses qui ont survécu, un costume bleu de spationaute a été réutilisé des années plus tard après dans la première saison de la série Babylon 5 !
Voilà qui explique pourquoi la mise en vente en 2015 d’une pièce rarissime du tournage de 2001 ayant survécu à la folie kubrickienne (précisément, un vaisseau lunaire) s’est envolée à près de 350.000 dollars. C’est le musée de l’Académie des Oscars qui a pu mettre la main dessus pour l’intégrer à sa collection. Aaaah, sacré Kubrick !
Par Nicolas Rieux