Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : La Traque
Père : Serge Leroy
Livret de famille : : Mimsy Farmer, Jean-Pierre Marielle, Philippe Léotard, Jean-Luc Bideau, Michel Constantin, Michel Robin, Michael Lonsdale, Paul Crochet, Gérard Darrieu, Françoise Brion, Michel Fortin…
Date de naissance : 1975 / Nationalité : France
Taille/Poids : 1h35 – Budget NC
Signes particuliers (+) : Un drame français tragique aux allures de survival qui excelle dans l’art de faire passer le « divertissement » au second plan, pour faire place à une satire sociale de la petite bourgeoisie et du genre humain dans toute sa bassesse, sa laideur, sa lâcheté et son cynisme dès lors que les apparences sont menacées. Un film courageux, cruel et marquant, porté par un immense casting.
Signes particuliers (-) : x
CHASSE À LA FEMME
Résumé : Normandie. Un groupe d’amis chasseurs organise une battue au sanglier. Parmi eux, les Danville, deux frères ferrailleurs à l’entreprise prospère, un peu éméchés après le traditionnel copieux petit-déjeuner matinal qu’ils ont bien arrosés. Lorsqu’ils croiseront la route de la pauvre Helen Wells, une jeune anglaise en visite dans la région, ils vont commettre l’irréparable. Violée, la jeune femme veut porter plainte. Le groupe, tous des notables du coin qui ont peur pour son image, va tout faire pour l’en empêcher…
Venu du monde de la télévision et fasciné par le cinéma américain, à plusieurs forte raison par celui de la fin des soixante qui entre dans une ère de renouveau, de modernisation et de libéralisation thématique et visuelle, Serge Leroy signe avec La Traque, son troisième film, de loin son plus dérangeant et marquant. Pas tant par son impressionnant casting réunissant une incroyable galerie de gueules du cinéma français de l’époque, que par l’extrémisme de son sujet de la façon de le traiter, un sorte de drame aux accents de survival tragique et désespéré mais abordé depuis les agresseurs et non l’agressé, comme le cinéma de genre aimera a le faire par la suite avec des métrages jusqu’au-boutistes qui n’ont manqueront pas de choquer la bonne morale bien-pensante. Le bien-pensant, La Traque, lui, n’en a cure. Faisant fi des limites, de l’acceptable et du politiquement correct, il met les mains dans un cambouis fait de glauque, d’horrifiant, de saleté vile et crasseuse de la conscience humaine. Le film pourrait même préfigurer des La Dernière Maison sur la Gauche ou I Spit on Your Grave mais il est à des années lumières des ces péloches sensationnalistes rentre-dedans (toutes aussi bonnes soient-elles).
Serge Leroy plonge une pauvre jeune femme anglaise en visite en Normandie avec dans l’idée d’occuper certains weekend une demeure locale, dans l’enfer du bocage normand qui prend des allures de cauchemar interminables lorsqu’elle croisera la route de chasseurs un brin éméchés. Comme un doux lapin pris dans les phares d’une voiture, cet ange qui transpire la pureté va par malchance faire les frais de toute la bestialité puante de l’homme et de sa lâcheté ignoble. Bestialité de ses assaillants qui vont sauvagement la violer, et lâcheté de ceux qui préfèreront couvrir le drame pour sauver leur peau, leur image, leur petit confort. La pauvre jeune femme, c’est l’égérie du giallo des seventies, Mimsy Farmer. Les agresseurs répugnants, sont deux membres d’un groupe de huit chasseurs, Philippe Léotard et Jean-Pierre Marielle. Les lâches : Jean-Claude Bideau, Michel Constantin, Michel Robin, Michael Lonsdale, Paul Crochet, Gérard Darrieu.
Le viol, la séquence redoutée de cet impressionnant et glaçant thriller dramatico-psychologique, ne sera que le face émergée de l’iceberg qui personnifie toute l’horreur tant de l’histoire que du propos d’un film extrêmement sombre et viscéral. Car d’une petite chose choquée par la brutalité du drame, la pauvre Helen Wells va devenir comme une bête traquée, apeurée, alors que la menace de la meute des ces gens devenus fous se resserre autour d’elle. La Traque devient à la fois un intense thriller haletant, une chasse forestière où le gibier est une femme innocente et impuissante et un drame dévoilant toute la perfidie du monde des petits bourgeois dans ce qui se transforme en une critique sociale aussi magistrale que cruelle. A la façon du cinéma d’un Boisset ou d’un Chabrol, La Traque est une satire dure et douloureuse trahissant avec beaucoup de noirceur, les apparences de ces petits notables aisés dont l’image publique cache toute leur vilénie sous-jacente. Serge Leroy est violent avec ses personnages, tous des misérables qui ont quelque chose à se reprocher, aucun ne valant finalement mieux que les autres soit par leur cruauté affichée, soit par la bassesse de leur laisser-faire par manque de courage et par égoïsme. Une galerie de minables qui anime cette dérive horrifiée donnant une puissance incroyable à ce petit film de genre sous-estimé, véritable expérience grinçante dressant un portrait terrible écornant l’image de ces hommes bestiaux affligés de beaucoup de laideur humaine.
Serge Leroy accouche d’un petit chef d’œuvre qui tourne le dos à la gratuité, au complaisant, qui ne cherche jamais à flatter ou à caresser le spectateur dans le sens du poil. Son but s’impose clairement, sa visée reste et restera sans cesse la satire sociale, la peinture d’un monde cynique. Sa charge ultra-violente moralement et psychologiquement, plonge le spectateur dans un marécage humain répugnant, révoltant, où la petite bourgeoisie est rabaissée à une franchouillardise de bas étage avant d’être présentée comme un monde ignoblement cynique régi par l’orgueil et l’égoïsme, où l’entraide est dictée par l’intérêt personnel, où les apparences prennent le pas sur la notion de bien et de mal. Le résultat est plus proche des Chiens de Paille que de I Spit on your Grave et tend à montrer que Leroy n’était pas seulement le bisseux capable d’un Emmanuel 4 mais avant tout, un courageux cinéaste français doté d’une personnalité fermement marquée et capable de s’attaquer à des sujets sensibles sans détour ni facilité. Petit grand film méconnu, La Traque est un moment de cinéma marquant capable de s’élever dans le fond comme dans la forme au détour de séquences magistrales (celle du tunnel), le tout au son de dialogues aussi jouissifs que parfois abrupts et cinglants. Un sec et tranchant coup d’épée mais pas dans l’eau.
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