Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : Ender’s Game
Père : Gavin Hood
Livret de famille : Harrison Ford (Colonel Graff), Asa Butterfield (Ender Wiggin), Ben Kingsley (Mazer Rackham), Hailee Steinfeld (Petra), Abigail Breslin (Valentine), Viola Davis (Anderson), Aramis Knight (Bean), Nonso Azonie (Sgt Dap), Moises Arias (Bonzo)…
Date de naissance : 2013
Majorité au : 06 novembre 2013 (en salles)
Nationalité : USA
Taille : 1h54
Poids : 110 millions $
Signes particuliers (+) : Une belle distribution dans un film de SF qui avait tout pour être intelligent…
Signes particuliers (-) : …mais qui avait aussi malheureusement Gavin Hood. Le tâcheron hollywoodien nous livre d’une fable SF insipide expurgeant le roman de ses enjeux les plus forts pour tomber dans le nanar inter-cosmique ressemblant à une ratatouille colorée décousue et mal fichue au goût fade. Nivelant son univers par le bas, cet Ender’s Game est tragique et laid. Il n’y a pas grand-chose à en tirer.
LA STRATÉGIE DE L’ÉCHEC
Résumé : Dans un futur proche, une espèce extraterrestre hostile, les Doryphores, ont attaqué la Terre. Sans l’héroïsme de Mazer Rackham, le commandant de la Flotte Internationale, le combat aurait été perdu. Depuis, le très respecté colonel Graff et les forces militaires terriennes entraînent les meilleurs jeunes esprits pour former des officiers émérites et découvrir dans leurs rangs celui qui pourra contrer la prochaine attaque. Ender Wiggin, un garçon timide mais doté d’une exceptionnelle intelligence tactique, est sélectionné pour rejoindre l’élite. A l’académie, Ender apprend rapidement à maîtriser des manoeuvres militaires de plus en plus difficiles où son sens de la stratégie fait merveille. Graff ne tarde pas à le considérer comme le meilleur élément et le plus grand espoir de l’humanité. Il ne lui manque plus qu’à être formé par Mazer Rackham lui-même, pour pouvoir commander la Flotte lors d’une bataille homérique qui décidera du sort de la Terre.
Attention, planquez-vous, Gavin Hood est de retour ! Le promu tâcheron hollywoodien qui est entré aux Etats-Unis grâce à son Oscar du meilleur film étranger en 2006 (pour Mon nom est Tsotsi) avant de se faire récupérer pour signer des daubes comme le premier X-Men : Wolverine, s’empare cette fois d’un classique de la littérature SF paru en 1985 sous la plume du controversé Orson Scott Card : La Stratégie Ender. Un roman de guerre futuriste s’attachant au destin d’une jeune recrue d’une école militaire choisie pour ses aptitudes en matière de génie tactique, dans l’espoir d’en faire le prochain commandant de la flotte et de contrer ainsi une menace extraterrestre qui a déjà frappé la Terre quelques années plus tôt. En ce moment, SF et adolescents semblent faire bon ménage. Après After Earth et surtout les Hunger Games, La Stratégie Ender sent à plein la nez la nouvelle franchise-star sur laquelle capitaliser puisque la saga compte aujourd’hui pas moins de 15 tomes. Sauf que les scores décevants du film au box office américain pourraient bien enterrer le projet. Il est en tout cas l’occasion de retrouver devant la caméra, le jeune Asa Butterfield, talentueux gamin découvert dans le Hugo Cabret de Martin Scorsese, mais aussi le culte Harrison Ford, ici en colonel cynique. Viola Davis, Ben Kingsley ou Abigail Breslin complètent la distribution de cette grosse production calibrée à 110 millions $.
Gavin Hood se retrouve donc aux commandes de ce qui était censé être dans l’âme une fable SF en forme de récit initiatique cruel intégré dans un univers cynique qui devait l’être tout autant. Sauf que du roman originel qu’il convoquait avec ses thématiques questionnant la morale, il ne transparaît plus grand-chose dans cette adaptation insipide expurgeant tout ce qu’elle pouvait avoir d’intéressant en matière de noirceur, pour toucher du bout du doigt le nanar inter-cosmique préfabriqué grand public et synthétisant l’œuvre pour n’en garder que l’action spectacle (et encore) et une infime idée de fond retravaillée de façon minimaliste. Bâti autour d’un arc dramatique bien mal pensé et vidant de son sens le bouquin duquel il est tiré, le récit initiatique repris de façon mollassonne par La Stratégie Ender, tourne rapidement en rond au gré d’un enchaînement de rituels fondateurs assemblés sans habileté d’écriture ni finesse dramatique, alors que les idées défendues par le film (et le roman) sont à peine effleurées avant de voir le film enfoncer porte ouverte sur porte ouverte avec une linéarité tragique conférant au somnifère. D’une métaphore science-fictionnelle au propos fort, on se retrouve alors avec dans l’assiette, une daube en sauce indigeste à laquelle il manquerait les olives et les aromates. Un produit de fast food cheap au goût fade et en l’occurrence désincarné et sans relief, reposant sur un script décousu ne s’embarrassant pas de réponses aux nombreuses questions qu’il soulève ou les affirmant très mal. On se demande d’une part, pourquoi recruter des gamins (on parle du poste d’amiral en chef de la flotte spatiale quand même) et d’autre part, le soi-disant « génie tactique » de ces élus ne transpire pas l’évidence dans cette purge sans âme et d’une nonchalance déconcertante à laquelle même le casting en roue libre ne peut donner corps entre un Butterfield tiède et un Ford dans le surjeu permanent.
Prévisible à souhait dans sa première partie, puis tirant une balle dans le pied de ses rebondissements attractifs dans la seconde, La Stratégie Ender nivelle par le bas son univers et ses idées les plus intéressantes, en plus de considérablement sous-exploiter ses enjeux dramatiques dans un film avarié, qui ne compense même pas le manque d’intelligence de son approche, par une imagerie potable, se vautrant au contraire dans un visuel méga-moche (mis à part un ou deux effets) et pas loin de la ratatouille couchée sur pellicule, l’odeur alléchante en moins. Gavin Hood nous balance dans un film où s’allume et où tout clignote comme un geek lâché dans une convention sur les dernières technologies en matière de jeux vidéo. Que croyait le cinéaste ? Que son public a 2 ans d’âge et que comme un bébé, il gazouille au moindre jouet Mattel qui fait des sons et de la lumière ? Non, décidément, d’ici à devenir « Gavin Good », il va falloir trimer dur. Ou pas. Parce que le talent, ça ne s’invente pas.
Bande-annonce :
Par Nicolas Rieux