Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : Saving Mr Banks
Père : John Lee Hancock
Livret de famille : Tom Hanks (Walt Disney), Emma Thompson (Pamela Travers), Paul Giamatti (Ralph), Colin Farrell (Travers Goff), Jason Schwartzman (Morton Sherman), Bradley Whitford (DaGradi), Annie Buckley (Ginty), Ruth Wilson (Margaret), B.J. Novak (Robert Sherman), Rachel Griffiths (Tante Ellie)…
Date de naissance : 2013
Majorité au : 5 mars 2014 (en salles)
Nationalité : USA
Taille : 2h05 / Poids : 35 millions $
Signes particuliers (+) : Une belle histoire pour un joli film, prenant racine dans un récit plus ou moins véridique, revenant sur la conception d’un film culte : Mary Poppins. A la fois intéressant et émouvant, Dans l’ombre de Mary est l’exemple même d’un cinéma « mignon » et inoffensif, qui ne laisse en mémoire que des sourires amusés et un coeur chargé en émotions simples, lez tout couronné par de magnifiques prestations d’acteurs.
Signes particuliers (-) : Bien entendu, il ne faudra pas prendre toute cette histoire comme argent comptant. La réalité est nettement travestie par le prisme d’une vision Disneyenne des évènements, polissant les aspérités pour la rendre rendre plus « feel good movie ». Mais bon, l’important est que ça fonctionne et qu’on soit prévenu.
DISNEY PAR DISNEY : UNE AFFAIRE D’AUTOPORTRAIT
LA CRITIQUE
Résumé : Lorsque les filles de Walt Disney le supplient d’adapter au cinéma leur livre préféré, Mary Poppins, celui-ci leur fait une promesse… qu’il mettra vingt ans à tenir ! Dans sa quête pour obtenir les droits d’adaptation du roman, Walt Disney va se heurter à l’auteure, Pamela Lyndon Travers, femme têtue et ferme qui n’a aucunement l’intention de laisser son héroïne se faire malmener par la machine hollywoodienne. Mais quand les ventes du livre commencent à se raréfier et que l’argent vient à manquer, elle accepte à contrecoeur de se rendre à Los Angeles pour entendre ce que Disney a imaginé. dans l’ombre de Mary est le récit de ces deux semaines en 1961 où Walt Disney va se démener pour convaincre la romancière, armé de ses story-boards et des chansons composées par les talentueux frères Sherman… Petit à petit, il va découvrir ce qui angoisse et hante tant l’auteure au point de la rendre si inflexible…
Qui ne connaît pas le classique du cinéma qu’est Mary Poppins… Tout le monde, ou presque, a déjà vu au moins une fois ce petit bijou du septième art signé Robert Stevenson en 1964. En revanche, bien peu connaissent l’étonnante histoire cachée derrière le chef d’œuvre mythique. C’est l’incursion que propose à sa manière Dans l’ombre de Mary (excellent titre français pour une fois) qui, comme son nom l’indique, nous emmène dans l’ombre de Mary Poppins à la découverte de la petite histoire nichée derrière la grande, celle de sa conception rocambolesque qui a pris un ton épique en mettant aux prises l’écrivain réservée Pamela Travers et le mogul insistant Walt Disney. La première était une auteure un brin névrosée, femme de tradition pincée, tout ce qu’il y avait de plus « british » dans l’âme. Le second était une sorte de grand-père idéal gouailleur et familier, parfaite incarnation de la réussite et de la puissance américaine, désireux des droits d’adaptation et peu habitué à ce qu’on lui résiste. Des étincelles de leur rencontre naîtra un film qui occultera presque l’œuvre littéraire dont il est tiré.
Pour la première fois de son histoire, la Walt Disney Company met à son scène son illustre fondateur dans une fiction. Dans l’ombre de Mary revient plus précisément sur l’extrême genèse de la création du long-métrage qui a émerveillé petits et grands, avec le récit des âpres négociations des droits et le travail d’écriture pour donner corps à un projet qui tenait à cœur au père de Mickey Mouse souhaitant honorer une promesse de longue date faite à ses enfants. Devant la caméra, qui de mieux que Tom Hanks pour incarner Walt Disney, acteur nounours, quintessence de l’Amérique et aujourd’hui sorte de grand-père idéal. Emma Thompson prête ses traits à la rigide Pamela Travers et autour de ce duo animant un bras de fer drolatique, de beaux seconds rôles interprétés par une galerie de comédiens alignant Paul Giamatti, Colin Farrell, Jason Schwartzman, Ruth Wilson, Bradley Whitford ou encore B.J. Novak.
Pour sûr, Miss Travers n’aurait guère apprécié en voyant ça après s’être autant jalousement battue pour garder la main sur sa Mary Poppins avec un Walt Disney qu’elle haïssait mais bon… L’empire Disney dans un esprit légèrement mégalo et nombriliste a décidé d’exploiter son propre héritage (ils ne perdent pas le nord au royaume de la célèbre souris) et de réaliser un film sur lui-même. Disney qui parle de Disney en somme. Le long-métrage suscitera logiquement de nombreuses interrogations sur la véracité de son récit fortement enjolivé et retravaillé tant vis-à-vis de l’histoire réelle que vis-à-vis du « Père » (d’emblée, Walt Disney était un gros fumeur invétéré mort d’un cancer mais charte oblige, pas une cigarette au bec de tout le film) mais au final, on serait presque tenté de s’en foutre pas mal, parce que c’est chou pour ne pas dire « choupinou » !
Réalisé par le pourtant médiocre John Lee Hancock (Alamo, The Blind Side), Dans l’ombre de Mary fait parti de ces jolis films inoffensifs profondément touchants, en plus d’être sérieusement passionnant dans la petite histoire révélée et jusqu’ici méconnue d’un grand public obnubilé par les phares d’un classique enchanteur d’exception. Avec tendresse et drôlerie parsemée d’une touche dramatique émouvante, Dans l’ombre de Mary essaie de délivrer par son récit ancré dans l’anecdote, la même magie savoureuse que celle livrée par le film lui-même dont il narre les coulisses où s’est joué une pièce de théâtre étonnante, un affrontement tragi-comique en forme de duel d’opinion, de vécu et de caractère. Cuit en papillote et servi avec nappage sucre-glace, miel en supplément, Dans l’ombre de Mary est un déluge de bons sentiments dans un film mignon comme un bébé chat. C’est beau, c’est doux, c’est lavé avec Mir Laine, c’est « feel good movie »… C’est Disney.
Parce que dans une vision œdipienne, la firme aux grandes oreilles touche au père fondateur, prévoir une vision sans aspérité aucune. Un peu comme si les exécutifs d’Apple produisaient eux-mêmes un film sur Steve Jobs. Walt Disney est le monsieur le plus gentil de la planète, avec ses collaborateurs considérés comme autant de membres d’une grande famille, comme avec ses admirateurs, enfants et même adversaires de travail. Il est dès lors important de régler la fréquence neuro-oculaire pour se mettre en mode Disney et ainsi éviter les signaux parasites. En découvrant cette belle histoire, on ne peut s’empêcher de se dire que dans la réalité, le vieux Walt devait fumer de colère par les deux oreilles entourant un visage tout rouge d’agacement. Mais pas là. Là, il est si gentil qu’on le voudrait en peluche pour chez soi. Mais mis à part la remise en question de la justesse historique excessivement lissée et une mise en scène qui manque un peu de génie et de relief (normal, John Lee Hancock, CQFD), Dans l’ombre de Mary est une petite douceur magnifique et attachante comme pas deux, qui nous prend délicatement par le bras pour nous conduire dans un conte avec tous les ingrédients nécessaires.
Bien calibré pour les Oscars, l’œuvre fonctionne comme tant de ces films jouant sur les cordes de l’humour joyeux et de l’émotion forte et soigneusement appuyée. On voit la démarche à des kilomètres, on sent la manipulation permanente… mais on ne peut s’empêcher de se faire capturer quand même par ce beau moment de cinéma à tous les sens du terme, sublimé, charmeur, et capté par de beaux comédiens, d’une épatante Emma Thompson à un très chouette Tom Hanks. Bien entendu, il ne faudra pas prendre pour dit ce qui est raconté ici, la réalité fut toute autre, presque à l’opposée même du récit qui en fait ici happy end compris. Mais malgré son manque d’enjeux évidents (on connaît d’avance la fin puisque l’on connaît le film qui en a découlé), Dans l’ombre de Mary parvient à captiver et à séduire sans peine nous conduisant tranquillement vers un petit régal bien plaisant expliquant au passage bien des choses sur l’essence et la provenance de ce personnage de légende qu’est Mary Poppins.
*** Pour les curieux des différences avec la véritable, voir le paragraphe sous la bande-annonce. Attention, spoiler.
Bande-annonce :
Précisions et différences sur et avec la véritable histoire (attention spoilers) :
Les relations entre Walt Disney et P.L. Travers ont été nettement plus orageuses que ne les décrit le film et l’auteure gardera un mauvais souvenir de son passage à Hollywood durant lequel elle considéra avoir été mal traitée. Aucune amitié ne naîtra de cette aventure. Jusqu’au bout, Pamela Travers détestera certains points du film comme la présence des pingouins en animation ou cette dérive « chansonesque ». Elle ne fut pas invitée à la première comme le film le montre mais ne débarqua pas non plus par surprise. Elle dût demander à Disney la permission de venir. A celle-ci, elle y exprima une fois de plus son mécontentement sur la séquence animée et demanda à ce qu’elle soit retirée. Disney lui tourna le dos et partît en se contentant d’un laconique « the ship has sailed », littéralement « le bateau est parti » soit en somme : « le train est passé ». Par la suite, malgré les nombreuses nouvelles sollicitations de Disney, Pamela Travers a refusé catégoriquement toutes autres adaptations des romans Mary Poppins par le studio de Mickey. Quand fut approchée pour la comédie musicale, elle imposera une seule condition, qu’aucune personne impliquée dans le film ne participe à la production, à commencer par les scénaristes et les paroliers des chansons, les Sherman Brothers. Un testament imposa ces conditions.
Par Nicolas Rieux