Nom : Sentimental Value
Père : Joachim Trier
Date de naissance : 20 août 2025
Type : sortie en salles
Nationalité : France, Norvège, Allemagne, Suède, Danemark
Taille : 2h12 / Poids : NC
Genre : Drame
Livret de Famille : Renate Reinsve, Inga Ibsdotter Lilleaas, Stellan Skarsgård, Elle Fanning…
Signes particuliers : L’un des meilleurs films de Cannes 2025.
Synopsis : Agnès et Nora voient leur père débarquer après de longues années d’absence. Réalisateur de renom, il propose à Nora, comédienne de théâtre, de jouer dans son prochain film, mais celle-ci refuse avec défiance. Il propose alors le rôle à une jeune star hollywoodienne, ravivant des souvenirs de famille douloureux.
GRAND PRIX A CANNES
NOTRE AVIS SUR VALEUR SENTIMENTALE
On avait quitté Joachim trier le cœur en miettes, c’était il y a quatre ans au moment du générique de fin de son sublime Julie en 12 chapitres. Pour son grand retour, le cinéaste danois s’est de nouveau invité dans la compétition officielle cannoise (pour la troisième fois après Back Home et Julie). Et il était même tout proche de rafler la Palme d’or cette fois si le jury n’avait finalement pas récompensé le cinéma politique de son confrère Jafar Panahi. Joachim Trier s’est contenté du Grand Prix. Mérité tant son Valeur Sentimentale était assurément l’un des meilleurs films de ce petit cru 2025.

À lire la chute du synopsis, on pourrait croire que Valeur Sentimentale va filer sous les cieux de la joyeuse et fringuante comédie à la danoise avec une situation digne d’un boulevard. Mais de comédie, il n’y aura effectivement que de petites touches noires et discrètes (dont l’une des scènes les plus drôles de l’année avec un étonnant cadeau d’anniversaire de papi à son petit-fils). Joachim Trier signe avant tout un drame poignant sur une relation père-filles malmenée par la vie, par des choix et des erreurs peut-être. Et encore une fois, le cinéaste fait parler toute sa virtuosité dès qu’il s’agit de disséquer des sentiments humains profonds sans jamais sombrer dans le mauvais mélodrame appuyé. Fidèle à son style, tout n’est qu’équilibre, pudeur, finesse du regard et infinie délicatesse chez Trier.

Valeur Sentimentale est un drame où l’on panse des cicatrices plutôt que de tourner en rond sur leurs causes. Des relations filiales conflictuelles entre un père et ses filles à la puissante sororité qui unit Nora et Agnes, Valeur Sentimentale navigue entre la douleur, la lumière, la mélancolie, la sensibilité, autant qu’il va et vient entre l’intime et l’universel. L’énième preuve de tout ce qu’est capable d’embrasser Joachim Trier sur la foi d’un scénario brillant, continuellement nourri de détails qui confèrent une chair presque indécente. Il s’en dégage une densité émotionnelle fascinante. Dans l’histoire générale comme dans les plus petits recoins qu’elle peut abriter, dans les confrontations comme dans les regards échangés ou les non-dits taiseux, Valeur Sentimentale a toujours quelque chose à dire, à raconter, à exprimer. Joachim Trier ne laisse rien au hasard, la moindre idée d’écriture est au service d’un travail de portraitiste de l’âme humaine.
Il fallait de sacrés comédiens et comédiennes pour incarner toute l’insondable psychologie d’une telle histoire semblable à un diamant à mille reflets. Car chez Joachim Trier, aucun personnage ne se résume à des traits simplifiés. Ils sont « des multitudes » comme le disait le poète Walt Whitman (cité dans le récent Life of Chuck de Mike Flanagan). Ces comédiens et comédiennes, Joachim Trier les a trouvés ou retrouvés, d’abord avec la magnétique Renate Reinsve, sa fabuleuse Julie qu’il avait emmené jusqu’au prix d’interprétation à Cannes. Et qui brille dans le rôle de Nora, cette fille-comédienne pour qui le pardon semble un chemin trop exigeant. Puis avec l’immense Stellan Skarsgård dont on ne soulignera jamais assez le talent. Capable de tout jouer, d’être excellent chez Lars von Trier au impeccable dans un blockbuster hollywoodien, le suédois magnifie ce rôle difficile d’un paternel cinéaste égocentrique qu’il aurait été si facile de détester chez quelqu’un autre, mais que Trier rend terriblement bouleversant. Deux artistes qui émergent mais qui n’occultent pas les performances formidables de justesse de la révélation Inga Ibsdotter Lilleaas (Agnes, la seconde fille) et Elle Fanning, l’actrice star qui se retrouve mêlée malgré elle à cette tragédie familiale.
Par Nicolas Rieux