Carte d’identité :
Nom : Persian Lessons
Père : Vadim Perelman
Date de naissance : 2019
Majorité : 31 mars 2021
Type : sortie en salles
Nationalité : Russie, Allemagne, Biélorussie
Taille : 2h07 / Poids : NC
Genre : Drame, Historique
Livret de Famille : Nahuel Perez Biscayart, Lars Eidinger, Jonas Nay…
Signes particuliers : Un beau face à face de comédiens.
L’HISTOIRE D’UN MENSONGE, L’HISTOIRE D’UNE SURVIE
NOTRE AVIS SUR LES LEÇONS PERSANES
Synopsis : 1942, dans la France occupée, Gilles est arrêté pour être déporté dans un camp en Allemagne. Juste avant de se faire fusiller, il échappe à la mort en jurant aux soldats qu’il n’est pas juif mais persan. Ce mensonge le sauve momentanément puisque l’un des chefs du camp souhaite apprendre le farsi pour ses projets d’après-guerre. Au risque de se faire prendre, Gilles invente une langue chaque nuit, pour l’enseigner au capitaine SS le lendemain. La relation particulière qui se crée entre les deux hommes ne tarde pas à éveiller la jalousie et les soupçons des autres…
Encore un film sur la Seconde Guerre Mondiale, encore un drame lacrymal exploitant une histoire tragique de la Shoah, encore un récit historique comme on en a vu un nombre incalculable… Oui, le cinéma n’en finit plus de reprendre à son compte des histoires et anecdotes de 39-45 pour les refaçonner en films historiques destinés à émouvoir dans les chaumières. Et même si le sujet a été, est, et restera éternellement important, la manière dont il est presque à chaque fois traduit en images dans ce genre de production au classicisme ampoulé a tendance à en banaliser la puissance. De fait, on pouvait craindre ces Leçons Persanes du réalisateur russo-américain Vadim Perelman (House of Sand and Fog, La vie devant ses yeux avec Uma Thurman) pourtant présenté en séance spéciale à la dernière Berlinale. Soi-disant inspiré d’une histoire vraie mais en revanche à coup sûr d’une œuvre de théâtre radiophonique de l’écrivain et metteur en scène allemand Wolfgang Kohlhaase, Les Leçons Persanes est le récit d’un improbable mensonge au nom de la survie. Quand il est arrêté par les Nazis et envoyé en camp de concentration, Gilles, un jeune juif belge chétif et appeuré, se fait passer pour un persan en espérant sauver sa peau. Son mensonge va l’entraîner dans une situation aussi rocambolesque qu’inconfortable. En effet, l’officier SS en charge de son camp rêvait de mettre la main sur un perse pour lui apprendre sa langue, lui qui ambitionne à la fin de la guerre, de rejoindre son frère parti à Téhéran. Coincé, Gilles n’a d’autre choix que de devoir improviser et inventer une langue qui dans l’absolu à l'(oreille d’un néophyte, pourrait passer pour du perse.
Les Leçons Persanes est très classique dans sa forme et son approche, très propre dans son exécution qui ne fait pas de réelles vagues artistiques, totalement conforme aux canons du drame historique traditionnel. Et pourtant, malgré ces éléments qu’il assume avec humilité, il s’en dégage force et émotion. Vadim Perelman parvient à nous aspirer dans le mensonge de son faux persan cachant ses réelles origines pour survivre. La dureté du quotidien du camp est une source d’émotion qui vient s’entrechoquer avec l’angoisse du quotidien de ce malheureux pour lequel on tremble avec la peur qu’il soit découvert. Car en plus de mentir, en plus de devoir improviser et imaginer des mots à chaque leçon avec son effrayant officier, Gilles doit tout retenir, créer une véritable langue sans rien, de tête. Les minutes passent et l’on se demande comment il va y arriver, comment il va s’en sortir, à quel instant il va finir par trébucher. Et Les Leçons Persanes de dépasser son statut de tragédie historique pour s’enrichir des codes du thriller haletant.
Autre chose qui crédibilise le drame de Vadim Perelman, c’est sa capacité à bouger dans son décor. Le cinéaste ne se contente pas de filmer de manière statique et répétitive les échanges entre ses deux comédiens. Intelligemment, il donne de la vie autour d’eux et étoffe « l’extérieur », le quotidien terrible du camp (inspiré de celui de Natzweiler-Struthof, en Alsace), les personnages secondaires qu’ils soient geôliers ou victimes. Tout cela participe à rendre vivant un film pourtant originellement basé sur une œuvre de théâtre avare en mouvement. Enfin, et c’est sans doute l’élément qui participe à rendre le film aussi fort, un exceptionnel duel de comédiens se joue à l’écran. Une fois n’est pas coutume, Nahuel Pérez Biscayart (120 Battements par Minute, Au-Revoir Là-Haut), habité par son personnage, offre une prestation de haut vol et incarne toute sa fragilité, son désespoir et sa terreur. Face à lui, Lars Eidinger (Proxima, Marilyne, High Life, Dumbo) est étourdissant en dignitaire nazi, d’autant que sa composition évolue sur un fil entre la terreur première et une certaine forme d’étrange affection qui se dessine sur un second niveau plus fin et délicat, quand ses fêlures poussent doucement la porte du récit.
Sans être un grand film, Les Leçons Persanes est une belle œuvre capable d’être à la fois subtile et efficace, dont on saluera la propension à éviter le piège des clichés trop faciles. Perelman arrive surtout à nous embarquer, à nous faire croire à cette histoire basée sur une duperie justement presque impossible, ou du moins improbable. Sans excès, sans fioriture (et ce malgré ses 2h07), Les Leçons Persanes fonctionne habilement.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux