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LOVING de Jeff Nichols : la critique du film

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note 2.5 -5
Carte d’identité :
Nom : Loving
Père : Jeff Nichols
Date de naissance : 2016
Majorité : 15 février 2017
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 2h03 / Poids : NC
Genre : Drame, Biopic, Romance

Livret de famille : Joel Edgerton, Ruth Negga, Marton Csokas, Michael Shannon, Nick Kroll…

Signes particuliers : Malgré de bonnes choses, Jeff Nichols passe à côté de son sujet.

L’AMOUR, ENVERS ET CONTRE TOUS

LA CRITIQUE DE LOVING

Résumé : Mildred et Richard Loving s’aiment et décident de se marier. Rien de plus naturel – sauf qu’il est blanc et qu’elle est noire dans l’Amérique ségrégationniste de 1958. L’État de Virginie où les Loving ont décidé de s’installer les poursuit en justice : le couple est condamné à une peine de prison, avec suspension de la sentence à condition qu’il quitte l’État. Considérant qu’il s’agit d’une violation de leurs droits civiques, Richard et Mildred portent leur affaire devant les tribunaux. Ils iront jusqu’à la Cour Suprême qui, en 1967, casse la décision de la Virginie. Désormais, l’arrêt « Loving v. Virginia » symbolise le droit de s’aimer pour tous, sans aucune distinction d’origine. 

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Un peu comme un Denis Villeneuve, ou encore Kubrick avant eux, Jeff Nichols est de ces cinéastes qui aiment à changer de registre en permanence, à toujours s’essayer à de nouvelles choses et à toujours se lancer de nouveaux défis. Dans la foulée de son formidable Midnight Special, l’un de mes meilleurs films de 2016, le réalisateur de Mud et Take Shelter vient se frotter au biopic avec Loving, un mélodrame historique relatant l’histoire du couple Mildred et Richard Loving, qui ont tenté de se marier dans l’Amérique ségrégationniste de 1958. Elle était noire, il était blanc, et leur union sera mise à mal par les lois de l’Etat de Virginie, ne reconnaissant pas les mariages inter-couleurs. Leur combat pour faire valoir leurs droits deviendra une référence de la lutte contre le racisme et le droit de s’aimer pour tous. Présenté en compétition officielle au dernier festival de Cannes où il reçut un accueil assez mitigé, Loving est porté par Ruth Nega et Joel Edgerton.

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L’histoire du couple Loving a beau être l’une des nombreuses anecdotes isolées de la lutte pour les droits civiques et la liberté, son écho national lui aura permis de s’ériger en étendard et de trouver son importance dans le combat plus général en faveur de l’égalité, dans une Amérique alors encore en souffrance identitaire. Comme le répète inlassablement son personnage masculin campé par un Joel Edgerton à la fois insupportable de passivité et touchant de désespoir, « on embête personne ». C’est là tout le sujet de Loving, où comment une communauté, et plus globalement des lois et institutions étatiques, ont pu pourrir la vie de deux amoureux qui ne « demandaient rien à personne » et souhaitait juste vivre leur amour dans leur coin, tranquilles et sans « embêter personne« . Avec Loving, Jeff Nichols tenait un sujet fort, un sujet à Oscars aussi, impossible de le nier, loin de son cinéma habituellement singulier. Et loin du traitement habituel de ses histoires, le cinéaste l’a approché avec un style très classique, très académique, sur la foi d’une mise en scène didactique et épurée, entourée d’un ensemble de motifs l’amenant vers le très scolaire. Pourquoi pas, mais encore eut-il fallu que Loving réussisse à trouver une plénitude narrative qu’il ne rencontre guère.

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Si l’histoire est intéressante, en plus d’être emblématique d’une lutte majeure, et si le portrait dressé du couple Loving ne manque pas de tendresse dans le regard porté, Jeff Nichols passe malheureusement à côté de son sujet, ne parvenant jamais à insuffler à son mélodrame intimiste, l’intensité dramatique qui lui aurait permis de transformer son essai en une illustration bouleversante doublée d’une charge politique à rebours. Dans sa première moitié, Loving ennuie poliment car il ne peut capitaliser que sur la singularité de son couple, qui n’a rien de combattif, qui n’a rien de révolté ou d’engagé. Les Loving sont juste deux taiseux résignés, deux êtres simples, qui ne comprennent pas ce qui leur tombe dessus tant leur sincérité et leur innocence ne sont pas compatibles avec l’acceptation d’un interdit aussi nonsensique que cruel. Nichols tient là deux formidables protagonistes mais on n’aurait presque la sensation qu’il ne sait pas trop quoi en faire, peinant à les asseoir sur une dynamique narrative qui rendrait leur histoire passionnante. Tournant autour de son sujet pendant longtemps, Loving devra attendre sa deuxième moitié pour enfin avancer et rentrer dans le vif de son sujet, le combat en justice. Sauf que c’est là, que la « bancalité » du film de Nichols s’en fait ironiquement encore plus criante. Sortant de sa partie intimiste scrutant un cocon familial malmené sans vraiment comprendre les raisons fondamentales de la stupide tempête que leur union déclenche, pour entrer dans sa phase faisant fructifier ses enjeux dramatiques, Loving va perdre la douce sensibilité née de son portrait de deux êtres bousculés dans leur joyeuse idylle romantique, que l’on avait pris en sympathie et en empathie. Le film devient ensuite le récit scolaire du combat dans lequel nos deux taiseux se retrouvent propulsés sans l’avoir voulu, et toute la subtilité du regard s’évapore au profit des oripeaux d’une machine à Oscars, tiraillé entre musique omniprésente et recherche plombante d’une émotion préfabriquée.

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Malgré toute la noblesse de la trajectoire de ces deux amoureux dérangés et l’importance de leur combat, Loving étire tellement (et péniblement) son récit pour remplir une durée acceptable, que l’on en viendrait presque à se demander s’il recelait suffisamment de matière pour être raconté au cinéma ? Peut-être que oui, peut-être que non, ou peut-être que Jeff Nichols s’y est tout simplement mal pris et que l’histoire des Loving méritait que l’on en fasse autre chose qu’un simple déroulé didactique.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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