Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : Lovelace
Père(s) : Rob Epstein et Jeffrey Friedman
Livret de famille : Amanda Seyfried (Linda Lovelace), Peter Sarsgaard (Chuck Traynor), Sharon Stone (Dorothy), Robert Patrick (John), Juno Temple (Patsy), Chris Noth (Romano), Bobby Cannavale (Butchie), Wes Bentley (Larry), James Franco (H. Efner), Hank Azaria (Jerry), Chloë Sevigny (journaliste), Adam Brody (Harry), Eric Roberts (Nat)…
Date de naissance : 2013
Majorité au : 08 janvier 2014 (en salles)
Nationalité : USA
Taille : 1h33
Poids : 10 millions $
Signes particuliers (+) : Sur le papier, un énorme casting attractif et un sujet intéressant. Dans les faits, une Amanda Seyfried qui, comme souvent, tire son épingle du jeu (et qui est nue mais chuuuut…).
Signes particuliers (-) : Offense faite à l’icône qu’était Linda Lovelace, ce biopic honteux se fourvoie à chaque instant en mettant en échec aussi bien ses idées les plus simples que celles les plus poussées. Avec sa construction catastrophique, son style désinvolte, son absence de vision, ses partis pris cyniques à la limite du mépris et sa multitude de personnages bâclés, il n’est certainement pas le film qui nous permettra au mieux d’appréhender le mythe Lovelace, pas plus qu’il ne serait au mieux un film passablement informatif. Une catastrophe étonnante, fade, lisse, brouillonne, et particulièrement stupide.
LINDA LOVELACE ENTERRÉE UNE DEUXIÈME FOIS
Résumé : A la fin des années 60, Linda étouffe au sein de sa famille que sa mère, aussi rigide que ses principes religieux, dirige d’une main de fer. C’est une belle fille de 20 ans, prête à embrasser la vie avec enthousiasme malgré sa timidité et sa naïveté. Quand elle rencontre Chuck Traynor, elle ne résiste pas à son charisme viril, quitte le domicile familial pour l’épouser et fait auprès de lui l’apprentissage d’une liberté qu’elle soupçonnait à peine. Chuck la persuade de ses multiples talents et l’incite à se laisser filmer lors de leurs ébats. Amoureuse et soumise, elle accepte de jouer quelques scènes d’un film pornographique. Quelques mois plus tard, en juin 1972, la sortie sur les écrans de GORGE PROFONDE fait d’elle du jour au lendemain une star unique. Vivement encouragée par Chuck, Linda saisit à bras-le-corps sa nouvelle identité de reine de la liberté sexuelle.
Derrière le film culte qu’est Gorge profonde, classique indétrônable du porno des années 70 au succès commercial aussi retentissant qu’historique, se cachait une bien charmante comédienne à peine majeure, propulsée vedette d’une industrie en un seul et unique film : Linda Lovelace. Si son nom reste désormais associé à cette « œuvre » de légende, véritable phénomène de son temps, l’histoire derrière l’histoire est nettement moins drôle que la façade apparente de cette comédie porno décalée. Le destin tragique de Linda Lovelace a déjà inspiré quelques fictions avant ce projet qui végétait dans un tiroir depuis plusieurs années avant qu’il ne se matérialise sous la houlette du duo de cinéastes Rob Epstein et Jeffrey Friedman, qui ensemble portent à l’écran ce biopic par l’entremise d’un livre autobiographique publié il y a près de 35 ans par la star… Lovelace, présenté au Festival de Deauville, retrace le parcours de cette pin-up du X dont la vie prendra des accents de tragédie moderne dans une descente aux enfers irrémédiable. Et c’est la sexy et talentueuse Amanda Seyfried qui hérite au final d’un rôle convoitée par nombre de comédiennes (furent pressenties Anna Faris, Olivia Wilde, Kate Hudson entre autres) et c’est pas pour nous déplaire…
Y’avait-il suffisamment à dire sur Linda Lovelace pour justifier de faire un film tout entier autour d’elle et de l’aventure Gorge Profonde ? La réponse est oui. Une prude jeune fille de bonne famille d’à peine 19 ans, une rencontre avec un faux prince charmant, les folles et émancipées années 70 et une spirale étonnante aboutissant à Gorge Profonde, un film signé Gérard Damiano qui braquera le feu de tous les projecteurs américains sur la belle Linda Boreman alias Linda Lovelace, autant qu’il ne la détruira pour le restant de ses jours. C’est grosso-modo le point de départ d’un film au double visage dont les moteurs semblent être la présentation d’une icône de la libéralisation sexuelle de la femme et dans le même temps, le calvaire vécu par la douce jeune femme après sa rencontre avec Chuck Traynor, séducteur clinquant puis mari bourreau qui la conduira tout droit en enfer. Pour ceux qui ne connaissent rien de la trajectoire hallucinante de la jeune femme, un biopic sur sa vie dramatique pourra surprendre par les révélations qu’il apporte. Pour les autres plus au fait, il s’agira d’une illustration à la belle distribution, sur le contexte entourant un film rentré dans l’histoire du cinéma pour bien des raisons et un moyen de refaire le film d’une vie gâchée. Du moins, c’est ce que l’on espérait de cet alléchant Lovelace avant que la réalité ne rattrape l’attente et que l’on se rende compte que ses deux axes qui s’entremêlent finissent par se parasiter l’un l’autre dans un grand n’importe quoi ahurissant de confusion.
Lovelace est un échec sur toute la ligne. L’archétype même du biopic raté faute de n’avoir su trouver un minimum de génie et de talent dans la retranscription de son histoire pourtant forte et intéressante. Le duo Epstein et Friedman passe complètement à côté de leurs intentions si toutefois ils en avaient au départ. Ce que l’on se demande d’ailleurs tant le film est perturbé tout azimut par une direction ahurissante de non-sens au point que l’on en vient à s’interroger sur ce que veut réellement raconter Lovelace au final. Plus informatif avec un traitement pardessus la jambe, que réellement poignant, ce drame de vie caché derrière un imposant succès cinématographique est bien trop fade et bien trop lisse pour convaincre. Avec sa structure narrative éclatée et confuse et malgré tout ironiquement très mécanique, Lovelace souffre de toutes les tares qui peuvent affubler un mauvais représentant du genre et bien plus encore. Trop propre sur lui, ce long-métrage terne et insipide n’a ni caractère, ni inventivité, pas plus qu’il n’a de passion et d’emprise sur son sujet. Très mal raconté avec son montage chaotique sautant sans cesse du coq à l’âne dans un modèle de n’importe quoi narratif aberrant comme si le film avait été charcuté en post-production (sachant que les Weinstein sont derrière, les suspicions pourraient être fondées) Lovelace traverse son histoire avec une paresse étonnante que le manque d’inspiration de ses auteurs ne compense pas. Le tandem ne choisit jamais les bonnes scènes, ne cerne jamais les bons instants et semble sans cesse inscrit dans un contretemps qui annihile le rendu en le tirant en permanence vers le bas à tous les niveaux possible. D’autant plus frustrant que la distribution s’acharne à faire de son mieux entre une Amanda Seyfried qui se donne à corps et à cri (surtout à corps d’ailleurs), un Peter Sarsgaard impressionnant et surtout une cellule parentale forte mais très mal exploitée, campée par une Sharon Stone méconnaissable et un Robert Patrick au top dans les rares séquences que l’on a dénié lui accorder. Derrière ce déjà beau monde, Lovelace aligne du haut de son petit budget de film indépendant (10 millions $), une conséquente galerie de seconds rôles avec rien de moins que Juno Temple, Chris North, Bobby Cannavale, Wes Bentley, James Franco, Hank Azaria, Adam Brody, Chloë Sevigny ou Eric Roberts… Dommage que pour la plupart, ils ne soient que survolés, bâclés et pardessus le marché à peine dirigés.
Mais le pire reste à venir. Maladroit de bout en bout, lardé d’approximations et d’erreurs de jugement ou d’intention, en plus d’être hautement stupide et d’une superficialité épouvantable, Lovelace passe du film attachant qu’il semblait être au départ, à un navet digne du téléfilm vite emballé vite pesé au fur et à mesure qu’il étale nonchalamment son histoire non-écrite (et dire qu’ils s’y sont mis à deux scénaristes en plus !). Mais là où l’affaire dépasse les bornes, c’est lorsque son duo de réalisateurs se met à faire preuve d’un cynisme éhonté, paraissant se préoccuper de leur personnage comme de leur dernière lessive de chaussettes sales. On a bien du mal à cerner très exactement ce que cherche à raconter Lovelace. L’histoire d’un film ? Le drame d’une femme ? Les deux ? Et avec quelles intentions ? De la pitié ? De la compassion ? Ou du dédain ? Rien n’est clair dans la démarche entreprise et c’est probablement ce qui achève de rendre ce monumental loupé aussi inintéressant qu’il ne sonne faux et abject. Epstein et Friedman ne rendent en tout cas pas justice à une femme dont la vie est nettement plus intéressante que ce mini-résumé débile truffé de raccourcis et englué dans un irrespect passablement énervant. Bref, une abberation qui vire rapidement au ridicule.
Bande-annonce :
Par Nicolas Rieux