Mondociné

THE BOYS : l’avis de Fred sur la série de super-héros

Partagez cet article
Spectateurs

La Mondo-Note :

Carte d’identité :
Nom : The Boys
Parents : Evan Goldberg, Seth Rogen
Date de naissance : 2019
Majorité : 26 juillet 2019
Type : Dispo sur Amazon Prime
Nationalité : USA
Taille : 8 épisodes
Genre : SF, Action

Livret de famille : Karl Urban, Jack Quaid, Antony Starr…

Signes particuliers : Vivement la saison 2 !

LA SÉRIE DE SUPER-HÉROS ÉVÈNEMENT

AVIS SUR THE BOYS

Synopsis : Dans un monde fictif où les super-héros se sont laissés corrompre par la célébrité et la gloire et ont peu à peu révélé la part sombre de leur personnalité, une équipe de justiciers qui se fait appeler « The Boys » décide de passer à l’action et d’abattre ces super-héros autrefois appréciés de tous.

Bienvenue aux nouveaux dieux venus soulager l’humanité d’une partie de ses maux : les super-héros ! Regroupés sous l’égide de la multinationale Vought, ces êtres aux pouvoirs inimaginables sont au centre de l’attention de tous les humains lambdas qui leur consacrent un véritable culte pour la bravoure de leurs actions et de leur dévouement sans faille envers le bien commun. De nombreux représentants de cette catégorie d’individus agissent à travers les villes de la planète mais les plus célèbres d’entre eux sont sans nul doute « The Seven », la crème de la crème des super-héros menés par leur chef adulé Homelander. L’image de la célébrité de ces sept justiciers est omniprésente : télévision, cinéma, comics, affiches placardées aux quatre coins du monde, produits dérivés en tout genre… Bref, oui, ces super-héros sont nos stars, des divinités à notre image et que l’on aurait bien du mal à remettre en cause vu la nécessité incontestable de leur place dans notre monde. Du moins, c’est ce que voudrait nous faire croire la société Vought qui tient là une poule aux œufs d’or faramineuse et qu’elle entend bien préserver dans son giron par tous les moyens…

Un jour, Hughie, un jeune vendeur d’une petite boutique high-tech se voit percuter littéralement par la face bien plus sombre de ce monde idyllique de super-héros. Devant ses yeux, sa petite amie décède en étant le dommage collatéral de l’action d’un de ses surhumains. Tout le monde paraît vouloir mettre de côté ce terrible accident, même son père le décourage de réclamer justice lorsque Vought lui offre une importante somme en dédommagement ou que le super-héros en question présente platement ses excuses devant les caméras. Mais, tout introverti qu’il soit, Hughie décide ne pas renoncer et il fait la rencontre de Billy Butcher, un homme se présentant comme un agent de FBI prêt à révéler au grand jour les objectifs obscurs de Vought et de sa ménagerie d’êtres exceptionnels... En parallèle, Annie alias Starlight, une jeune provinciale aux pouvoirs basés sur la lumière est sur le point de réaliser son rêve le plus fou : intégrer le club des Seven ! Découvrant la gloire et les paillettes inhérentes à sa nouvelle position tant enviée, la jeune fille est également vite confrontée au revers de la médaille de ses attentes, notamment lorsque The Deep, le membre « aquatique » des Seven qu’elle idolâtrait enfant, lui propose de plonger la tête dans les abysses de la partie inférieure de son costume pour jouer avec son hippocampe en contrepartie de la pérennité de sa place au sein de la bande…

Trash, violente et amenant le mythe du super-héros sur un terrain noir très vite jubilatoire par ses ambitions inédites, on ne se faisait pas de grandes illusions sur l’éventualité d’une adaptation de la BD écrite par Garth Ennis (un projet de film réalisé par Adam McKay avait été un temps évoqué), surtout à une époque où le domaine est archi-dominé par la toute-puissance de Marvel, mais c’était bien vite oublier les deux têtes brûlées Seth Rogen et Evan Goldberg qui, déjà à l’œuvre sur la série Preacher inspirée du même auteur, ont décidé de continuer à explorer sa bibliographie en totale adéquation avec leur prolifique esprit de sale gosse commun (ils sont actuellement aussi derrière les séries Future Man et Black Monday). En s’adjoignant les services d’Eric Kripke (le créateur de Supernatural) en tant que showrunner et d’Amazon comme plateforme de diffusion, les deux compères ont finalement réussi l’impossible : réaliser une adaptation en série fidèle à The Boys sans en dénaturer l’esprit de bulldozer immoral dans le petit monde des super-héros habituellement propres sur soi…

Évidemment, les fameux Seven sont une pastiche de la Justice League où A-Train est le pendant de Flash, The Deep celui d’Aquaman, Queen Maeve celui de Wonder Woman ou encore leur leader Homelander celui de Superman tout autant que d’un Captain America (Marvel et DC sont ici dans le même panier). Seulement, bien loin de leurs modèles inattaquables sur leur sens du devoir, si ces ersatz ont peut-être eu les meilleures intentions du monde au début de leurs carrières, il n’en est aujourd’hui plus rien ! Complètement aspirés par le système de la multinationale qui les emploie et les monnaye comme de vulgaires sportifs pour des sommes hallucinantes en échange de contrats gouvernementaux, de publicités ou simplement de services par secteur de pays, ces super-héros ne se résument plus qu’à l’image qu’ils donnent et à leur appellation. Derrière leurs actes héroïques et les sourires devant la caméra, il n’y a plus que des individus corrompus jusqu’à la moelle pour conserver leur statut et les chèques versés par la compagnie et qui, en dehors de leurs obligations, se fichent éperdument des victimes ou dégâts entraînés dans leur sillage tant qu’ils peuvent assouvir leurs plaisirs personnels (et si humains) bien loin du feu des projecteurs.

Ces modèles érigés par des hommes pour en maintenir d’autres dans une réalité illusoire se voient bien entendu comme une charge sociétale aussi brillante que féroce, et ce à plusieurs niveaux : des lobbies dirigeant dans l’ombre des pantins politiques pour favoriser leurs pratiques, des politiques eux-mêmes se servant de story-telling pour offrir à leurs électeurs des mirages de leurs actions, un système plus global se servant de stars illusoires ou de sportifs comme de jeux du cirque contemporains pour endormir la masse populaire… Les degrés de lecture sont multiples mais ils reviennent tous à une interprétation métaphorique des dérives qu’implique un trop-plein de pouvoirs concentré entre les mains d’une minorité d’individus. Et puis, preuve ultime de l’intelligence prophétique de l’écriture de Ennis qui a sûrement dû taper dans l’œil du duo Rogen/Goldberg, comment ne pas voir aujourd’hui une représentation dégénérée d’une certaine firme aux grandes oreilles dans la multinationale tentaculaire Vought ? Disney détient désormais un tel monopole sur l’industrie cinématographique (et bien plus) pour uniformiser la culture grâce notamment au catalogue de super-héros Marvel qu’il est bien difficile de n’y voir là qu’une simple coïncidence, surtout lorsque Homelander, le leader des Seven, fait ici à ce point penser à une version déviante d’un des Avengers les plus emblématiques, Captain America. Oui, dans sa version série, The Boys est bel et bien devenu en partie un joli doigt d’honneur à Disney, au MCU, à Kevin Feige et à sa politique de films de super-héros où la prise de risques artistiques en reste à des seuils minimaux pour assurer un maximum de rendement auprès d’un public qui en réclame toujours plus…

Heureusement, face à cette pensée dominante écrasant toute émergence de contre-cultures possibles, The Boys allume quelques flambeaux d’espoir en donnant à ses véritables héros le rôle de ceux qui se « réveillent » face aux agissements omnipotents du groupe des Seven. Éclairés, Hughie et Starlight le deviennent rapidement (ironique vu les pouvoirs de la deuxième) : le premier est celui qui connait un éveil de « l’extérieur » à cause de la mort soudaine de sa petite amie et il va être amené à devenir un membre à part entière d’un groupe presque « terroriste » en jachère, nos Boys éponymes, se donnant pour mission de révéler au monde la nature malsaine des super-héros vénérés de tous, quant à la seconde, elle est celle qui s’éveille de « l’intérieur » du système, bien évidemment devant les agissements libidineux de son futur collègue The Deep mais aussi face à Vought qui veut la déposséder de sa propre personnalité et de ses convictions pour la manipuler à sa guise. Rapidement connectés (un peu facilement, il faut le reconnaître), les deux personnages vont peu à peu devenir ceux qui vont fissurer l’image de perfection mise en place par Vought autour de ses protégés extraordinaires.

D’ailleurs, même si leurs comportements respectifs étaient déjà plus que contestables, ces derniers vont donner le sentiment d’être inconsciemment au fait de leur plausible prochaine chute en multipliant des actions de plus en plus contraires aux idéaux qu’ils véhiculent, à commencer par le plus charismatique d’entre eux, Homelander. Personnage absolument passionnant de bout en bout de la série (le meilleur ?), il est sans doute celui qui cristallisera le plus cette perversion grandissante au sein des super-héros. Complètement dépendant à ses pulsions notamment envers la représentante de Vought ou à la glorification sans fin de son statut à travers des idées nauséabondes qu’il distille à la populace, Homelander va être le justicier dont la précellence apparente ne va cesser de mettre en lumière les maux d’un individu aux portes de la folie et dont la cruauté n’a désormais plus de limites. Les agissements de ses super-collaborateurs ne seront pas très reluisants non plus (à commencer par A-Train ou The Deep) mais les manipulations égocentrées de ces derniers ne représenteront rien face aux actes d’un Homelander tellement enivré de son pouvoir qu’il croit réellement tutoyer les dieux en décidant du sort de nous autres, pauvres mortels (la chute absolument glaçante de l’épisode 4 en sera le meilleur exemple). Même craint par ses pairs dont tous paraissent avoir conscience de sa folie jugée inarrêtable à cause de l’étendue de ses pouvoirs, Homelander sera la personnification idéale de la démonstration globale de The Boys sur l’image du super-héros et du mirage qu’elle peut devenir entre de mauvaises mains. La religion ou la politique seront toujours des outils idéologiques très utiles pour asseoir dans l’ombre cette position en dehors de tout contrôle mais cette illusion de perfection maintenue perpétuellement (et de plus en plus difficilement) par Vought en sera l’invariable support…

Alors, certes, la majeure partie de la force de The Boys vient bien entendu du matériau d’origine déjà brillant en tout point mais la série réussit à la mettre en live avec une double qualité qui ne faillira jamais : le traitement de tous ses protagonistes couplé à une interprétation de haute volée. On vient justement de porter aux nues le personnage de Homelander mais, sans une écriture qui prend savamment tout son temps pour dévoiler la complexité de ses différentes facettes à travers ses actes et ses propres démons ou la prestation saisissante d’Anthony Starr (révélé dans Banshee et qui explose tout sur son passage dans ce rôle), il est clair qu’il n’aurait sans doute pas eu un tel degré d’impact. Et il en ira de même pour tous les autres ! Dans la bande des Boys, Billy Butcher (Karl Urban) va toujours gagner en profondeur au-delà de sa haine envers les « capés » et ses répliques irrésistibles, Frenchie (Tomer Kapon) va se révéler à travers sa relation avec The Female (Karen Fukuhara bien plus prometteuse que dans le pitoyable « Suicide Squad ») tout comme Mother’s Milk (Laz Alonso) grâce à ses responsabilités familiales et, bien sûr, la personnalité de Hughie (Jack Quaid, équivalent physique d’une étrange fusion entre Rainn Wilson et Anton Yelchin) au centre de toutes les attentions va être celle qui va gagner le plus en maturité à cause de l’impossibilité de son deuil puis d’une histoire d’amour en forme de bombe à retardement. Face à ce groupe dont la cohésion grandit en même temps que notre attachement pour lui, le camp ennemi ne sera pas en reste, dévoilant toujours un peu plus ses failles face à la prédominance de Homelander, les divers problèmes d’addictions de Queen Maeve (Dominique McElligott), A-Train (Jessie Usher) ou The Deep (Chase Crawford, hilarant !) représenteront le sommet de l’iceberg de leurs doutes devant un statut devenu trop lourd pour leurs épaules. Starlight (enfin un rôle pour révéler définitivement Erin Moriarty), par sa fausse candeur devant ses aînés, sera l’élément perturbateur vouée à contrecarrer les attentes de la multinationale (et même certains de ses collègues) envers elle en lui rappelant la définition essentielle de ce que devrait être une super-héroïne. Par opposition, Elizabeth Shue en Madelyn Stillwell, tête pensante de Vought, incarnera un monstre à visage humain pétri tout autant d’ambivalences que d’ambitions pour arriver à ses fins (la dynamique fallacieuse de son duo avec sa plus belle « créature », Homelander, en sera un génial vecteur). Soulignons aussi que la série n’est pas avare en caméo et quelques seconds rôles sont incarnés par des noms prestigieux, dont Simon Pegg en père de Hughie (le héros était dessiné à l’origine avec les traits de l’acteur).

À cette pluralité étonnante de personnages répond une pluralité de registres afin de mettre en relief l’ampleur de la mosaïque de toute cette histoire et c’est évidemment là que la patte du duo Rogen/Goldberg se fait le plus sentir en termes d’adaptation avec cette aisance absolument dingue pour passer d’une tonalité à une autre. Si les cases de comics peuvent faire figure de coupures nettes pour nous emmener d’une ambiance légère à une autre plus sombre, à l’écran, l’assemblage de ces séquences entre elles peut se révéler un exercice beaucoup plus ardu, voire même donner carrément une tambouille impropre à la consommation. Eh bien non, à l’instar de Preacher qui survolait cette difficulté avec un brio impressionnant, The Boys réussit à être un tout, un univers cohérent alors qu’il est pourtant complétement écartelé par les degrés de narration de tout ce qu’il a raconté. Le sang coule assez abondamment, une mythologie d’un monde empli de ténèbres se construit, la gravité des révélations monte en puissance au fil des épisodes pour mieux nous en révéler tous les contours les plus tragiques et… on trouve le moyen de toujours s’y marrer franchement à travers des situations ô combien délirantes (ça démarre fort avec Translucent), des répliques folles (les métaphores de Billy Butcher valent de l’or) et même du côté pathétique de certains personnages (les aquâneries de The Deep sont des barres de rires absolues). À vrai dire, on ne s’attendait vraiment pas à y être ému en plus de tout ça et c’est pourtant bel et bien cas : que cela soit grâce à sa donne sentimentale principale entre Hughie et Starlight, les motivations de beaucoup de personnages et leurs défaillances, The Boys trouve le moyen de nous toucher par sa justesse, ciment incontestable de cet équilibre constant entre la multitude de ses registres utilisés.

Si on devait retenir un défaut de la série, c’est peut-être l’état d’immense frustration sur lequel nous laisse son final car, oui, cette salve de huit épisodes n’est bien sûr que le début de cette histoire n’ayant cessé de nous tenir en haleine et il va désormais falloir patienter un bon moment avant d’en connaître la suite (la deuxième saison était confirmée avant même la diffusion de la première). Hormis un gros affrontement, certains pourront peut-être aussi reprocher au dernier épisode son manque de grand spectacle (rassurez-vous, le reste de la série réserve de beaux moments en ce sens avec des effets spéciaux au diapason) mais ça n’aurait pas vraiment de sens car « The Boys » aura finalement achevé de construire jusqu’à son terme ce qu’elle a bâti si brillamment pendant toute sa durée : la composition de ses deux camps amenés à s’affronter pour le maintien/la chute d’une chimère super-héroïque. Et, avec la tournure des derniers rebondissements, autant dire que le manichéisme -déjà mis à mal par ses comparses- de Billy Butcher envers les super-héros risque d’entrer en conflit avec ces nouvelles perspectives… Bien loin de la semi-déception de sa consoeur The Umbrella Academy de Netflix, The Boys est donc sans doute un des plus gros hits en puissance made in Amazon qui risque de mettre tout le monde d’accord par le jusqu’au-boutisme de son côté irrévérencieux et de sa galerie de personnages souvent perchés mais si attachants que l’on meurt déjà envie de les revoir. Oui, l’attente de cette saison 2 va décidément être très longue…

Par Frédéric Sebource

BANDE-ANNONCE :

 

Retrouvez toutes les critiques de Frédéric Serbource sur SensCritique

One thought on “THE BOYS : l’avis de Fred sur la série de super-héros

  1. merci pour votre critique.
    là où je ne suis pas d’accord c est quand vous partez du postulat que les super héros DC ou marvel sont « propres sur eux ». ok pour DC, mais ce qui fait la force de Marvel ce sont justement les faiblesses des héros et leur côté humain. ils font des erreurs, certains sont alcooliques, d autres des loosers, certains sont misogynes, d autres fanatiques, d autres racistes, d autres hyper violents . La vision manichéenne des super heros ne s’applique pas à tout l’univers Marvel . Si vous prenez les Avengers, en dehors de certains épisodes mainstream où en effet ne transparait pas de personnalité particulière, vous trouverez d’autres épisodes avec un iron man alcoolique ou carrément mégalo et manipulateur, un Hank Pym jaloux et ambitieux, un Hulk torturé, un Hercule sexiste, une captain marvel alcoolique ou délaissée. et si on s’interesse à la vie de spiderman ou celle de daredevil. et je ne parle même pas des xmen, bien loin de la perfection et du propre sur soi ….

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Close
Première visite ?
Retrouvez Mondocine sur les réseaux sociaux