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LES HUIT SALOPARDS de Quentin Tarantino : la critique du film

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Spectateurs

huit-salopardsMondo-mètre
note 4 -5
Carte d’identité :
Nom : The Hateful Eight
Père : Quentin Tarantino
Date de naissance : 2015
Majorité : 06 janvier 2016
Type : Sortie cinéma
Nationalité : USA
Taille : 2h47 / Poids : 44 M$
Genre : Western

Livret de famille : Samuel L. Jackson (Warren), Michael Madsen (Joe Gage), Tim Roth (Mobray), Bruce Dern (Smithers), Kurt Russell (John Ruth), Channing Tatum (Jody), Walton Goggins (Mannix), Demian Bichir (Bob), Jennifer Jason Leigh (Daisy), Dana Gourier (Minnie), Gene Jones (Dave), Zoé Bell (Judy)…

Signes particuliers : Tarantino un jour, Tarantino toujours. Toujours aussi taré, le cinéaste nous balance un film à son image !

HUIT HOMMES EN COLÈRE

LA CRITIQUE

Résumé : Quelques années après la Guerre de Sécession, le chasseur de primes John Ruth, dit Le Bourreau, fait route vers Red Rock, où il conduit sa prisonnière Daisy Domergue se faire pendre. Sur leur route, ils rencontrent le Major Marquis Warren, un ancien soldat lui aussi devenu chasseur de primes, et Chris Mannix, le nouveau shérif de Red Rock. Surpris par le blizzard, ils trouvent refuge dans une auberge au milieu des montagnes, où ils sont accueillis par quatre personnages énigmatiques : le confédéré, le mexicain, le cowboy et le court-sur-pattes. Alors que la tempête s’abat au-dessus du massif, l’auberge va abriter une série de tromperies et de trahisons. L’un de ces huit salopards n’est pas celui qu’il prétend être ; il y a fort à parier que tout le monde ne sortira pas vivant de l’auberge de Minnie…

(L-R) KURT RUSSELL and SAMUEL L. JACKSON star in THE HATEFUL EIGHT. Photo: Andrew Cooper, SMPSP © 2015 The Weinstein Company. All Rights Reserved.

L’INTRO :

Il est des cinéastes comme ça, dont chacune des nouvelles sorties réussit à créer une attente évènementielle. Quentin Tarantino fait partie de ceux-là. Parce qu’il a cet avantage d’avoir une fanbase importante ? Parce qu’il est considéré comme un petit génie parlant aux geek, pour ceux qui raffolent de son travail ? Ou parce qu’il est au final assez rare, avec un film tous les 3-4 ans ? Probablement, un peu de tout cela à la fois. Trois ans après Django Unchained, Tarantino est donc de retour avec son huitième long-métrage (en comptant Kill Bill comme un seul film). Un nouveau western, même si le bonhomme aime à le qualifier plutôt comme son « premier film d’horreur ». Réunissant une fois de plus ses amis de cinéma, Samuel L. Jackson, Michael Madsen, Tim Roth, Zoé Bell, Bruce Dern, Kurt Russell, auxquels viennent se joindre quelques nouveaux tels que Channing Tatum, Walton Goggins, Demian Bichir ou Jennifer Jason Leigh, Les Huit Salopards est un nouveau défi par l’ami Quentin. Le défi de mener à bien cette nouvelle expédition cinématographique après que le scénario ait fuité sur internet, le défi d’en faire une nouvelle œuvre rétro-innovante aux allures d’évènement dépassant le seul statut de « film », le défi de repousser certaines de ses limites, ou encore le défi d’innover contre lui-même.

MICHAEL MADSEN stars in THE HATEFUL EIGHT. Photo: Andrew Cooper, SMPSP © 2015 The Weinstein Company. All Rights Reserved.

L’AVIS :

Tarantino le mégalo que l’on adore est de retour ! Pourquoi mégalo ? Pas parce que le cinéaste arbore un melon de tous les diables en tout cas, loin de là. Sa mégalomanie, il la place au service du cinéma, et on l’aime encore davantage pour ça. Les Huit Salopards n’est pas un film classique dans sa conception originelle. Tourné en Ultra-Panavision 70 mm, un procédé abandonné depuis 1966, Les Huit Salopards est une œuvre gigantesque, illuminée par une image tout bonnement somptueuse avec ce très large panorama rarissime (choix audacieux pour un huis clos). Une œuvre haute de près de 3 heures dans sa version intégrale (6 minutes de plus que la version classique qui sera communément exploitée), coupée à l’ancienne par un entracte de douze minutes façon Autant en Emporte le Vent. Une œuvre qui s’amuse à faire le show, jouant avec les rideaux et l’éclairage des salles, jouant les sous-titres projetés par un second projecteur. En somme, Les Huit Salopards, ou quand Quentin Tarantino s’amuse à proposer un véritable événement, plus qu’un énième film dans la liste des « films vus en salles en 2016 ». Mais quid de ce nouvel effort, patiemment attendu par les fans ? L’affaire Les Huit Salopards est compliquée à appréhender, au moins autant qu’elle est complexe à analyser. A l’image du film, lui-même découpé en cinq chapitres, c’est de la même manière qu’il sera le plus juste de l’aborder.les 8 salopardsQuentin Tarantino a divisé son nouveau long-métrage en deux parties clairement identifiables, et justement scindée par ce fameux entracte central. Pour le coup, la démarche s’avère maligne, relevant plus de la pertinence que de l’effet rhétorique inutile, tant les deux parties offrent deux visages radicalement différents. D’abord, une véritable pièce de théâtre statique dont les acteurs se livrent à un jouissif jeu de joutes verbales typique du cinéma tarantinesque. Il ne se passent pour ainsi dire pas grand-chose, quelques longueurs sont d’ailleurs à prévoir, mais ce bal de salopards qui s’affrontent oralement, régale car il prépare, cristallise les enjeux, dessine l’explosivité de la suite, en posant longuement ses pions au préalable. Ceux qui avaient rejeté Boulevard de la Mort pour ses tunnels de dialogues et son manque d’action, auront des chances de trouver cette première moitié pénible au regard de son manque de sursauts énervés. En revanche, les amoureux du phrasé tarantinesque jubileront devant la verve en présence, devant ces tirades si délectables et uniques, mises dans la bouche de comédiens fantastiquement dirigés. Kurt Russell impérial en chasseur de prime bourru, Samuel Lee Jackson fabuleux en rival renommé pour son efficacité sans pitié, Jennifer Jason Leigh grandiose en prisonnière conduite vers la potence. Une Jennifer Jason Leigh à la fois généreuse et drolatique, moteur d’un running-gag qui ponctuera le film tout entier par sa capacité à en prendre « plein la tronche » et encaisser, dans cet univers masculin.THE HATEFUL EIGHTMais le temps de « l’ennui » (du moins pour ceux qui se seront ennuyés) ne durera pas. Si l’on pouvait redouter de voir Tarantino patienter jusqu’au dernier quart d’heure pour « envoyer la sauce », il n’en sera rien. Passé l’entracte, les festivités débutent enfin. Et là, le cinéaste se lâche comme jamais. On avait encore en tête la folie furieuse du dernier acte de Django Unchained. C’est simple, Les Huit Salopards ferait presque passer le film avec Jamie Foxx pour une œuvre pour midinettes attendries. Virant au carange furibard, Les Huit Salopards pose le pied sur l’accélérateur et déclenche sa jouissive virée sanglante que l’on ne voyait que trop bien arriver. Têtes qui explosent en gros plan, membres arrachés, gerbes de sang qui giclent partout, plans cradingues au possible, Tarantino verse alors dans le Grand-Guignol amusé, pas loin d’un second degré bouillonnant où chaque effusion salvatrice donne des envies d’applaudissements sadiques.

SAMUEL L. JACKSON and WALTON GOGGINS star in THE HATEFUL EIGHT

En dehors de sa structure narrative à deux temps, il y a ce que rend de façon plus générale Les Huit Salopards. Et c’est du grand Tarantino subjuguant, traduisant une fois n’est pas coutume, tout son amour du septième art. Formellement, le cinéaste témoigne à nouveau d’une application sans faille qui traduit son obsession de la beauté cinématographique permanente. Cadrages inspirés, mise en scène richissime et pleine d’inventivité, photographie splendide, mise en valeur de la sublime partition musicale du grand Ennio Morricone, respect joueur d’avec les codes du western, générique d’introduction grandiose, écriture tout en surprises permanentes… Tarantino se fait plaisir, il nous fait plaisir, et Les Huit Salopards fascine autant par son ludisme que par son esthétique léchée et virtuose.les_huit_salopards_tim_rothEnfin, vient l’éternel débat qui opposent souvent les partisans et les détracteurs de Tarantino : les références. Recycleur faisant dans le mixage sans personnalité pour les uns, ingénieux colleur créant à partir de ses références et sa culture geek pour les autres, le style Tarantino fait débat. On avait déjà souligné le fait que de film en film, QT les gérait de mieux en mieux, sans avoir besoin de les rendre aussi abondantes et m’as-tu-vu que dans sa (géniale) saga Kill Bill, par exemple. Avec son dernier Django Unchained, Tarantino avait su jouer la carte de la référence plus discrète, parvenant enfin à conjuguer idéalement son talent de colleur d’éléments de sa contre-culture personnelle, à la confection d’un film qui le représentait et qui lui était propre. Avec Les Huit Salopards, le cinéaste continue de progresser dans cette direction, soignant quelques clins d’œil subtils sans pour autant les mettre fondamentalement en avant. Voilà qui pourrait enfin le réconcilier avec certains de ses détracteurs. Tout en étant du pur Tarantino à 100%, Les Huit Salopards témoigne d’une forme de maturité sans cesse grandissante. Mais attention, il n’abandonne pas non plus les motifs qui ont fait, en partie, sa renommée. Si le metteur en scène se plaît à citer quelques séries des années 60 tels que Bonanza ou Le Virginien, on ne pourra manquer de penser au Grand Silence, au 12 Salopards bien sûr, à La Horde Sauvage ou à Douze Hommes en Colère aussi, ou encore à Halloween, au Zombie de Romero, à The Thing ou L’Exorciste II du côté de l’horreur. Et au rayon des clins d’œil cachés, on s’amusera au passage du mini-missile adressé, ni vu ni connu, à son détracteur favori Spike Lee, au détour d’un bref débat drolatique sur l’emploi du mot « négro » dans son cinéma.

(L-R) SAMUEL L. JACKSON and DEMIAN BICHIR star in THE HATEFUL EIGHT. Photo: Andrew Cooper, SMPSP © 2015 The Weinstein Company. All Rights Reserved.

Avec Les Huit Salopards, Tarantino met huit teignes dans une pièce et se régale à les laisser jouer les uns avec les autres, mais aussi avec le spectateur. Qui est bon, qui est mauvais ? Nul ne le sait au départ. La construction chapitrée se chargera de distiller les réponses progressivement comme dans un bon roman d’Agatha Christie, tendant sans cesse les enjeux, crispant l’angoisse de l’avenir, et programmant un affrontement intelligemment orchestré, qui va alors déchirer l’écran en lambeaux. La partition est grisante, le spectacle est voulu total, au point que l’on n’a presque plus l’impression de faire face à un film, mais à un grand divertissement occupant une après-midi entière, ou une belle soirée bien remplie. Le huitième film de Quentin Tarantino, comme le baptise le générique, est tout simplement un sommet de folie hallucinant, une joyeuse explosion foutrement dingue et coupable de générosité barrée, passée sa verbeuse première partie théâtrale, que l’on adorera ou détestera. Tarantino est toujours aussi dingue, et ça fait plaisir à voir. Un pur régal de spectacle épique… majoritairement entre quatre murs !

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

2 thoughts on “LES HUIT SALOPARDS de Quentin Tarantino : la critique du film

  1. Merci pour cette critique!!
    je suis allé le voir et wouahhhh du pur Quentin tarantino , et je ne me suis pas ennuyée !!!!! pas une seule seconde !

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