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LES HABITANTS de Raymond Depardon : la critique du film

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les_habitantsMondo-mètre
note 2.5 -5
Carte d’identité :
Nom : Les Habitants
Père : Raymond Depardon
Date de naissance : 2015
Majorité : 27 avril 2016
Type : Sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h45 / Poids : NC
Genre : Documentaire

Signes particuliers : Depardon part à la rencontre des français. Rien de politique, juste du cinéma sociologique.

PORTRAIT DE FRANCE

LA CRITIQUE

Résumé : Raymond Depardon part à la rencontre des Français pour les écouter parler. De Charleville-Mézières à Nice, de Sète à Cherbourg, il invite des gens rencontrés dans la rue à poursuivre leur conversation devant nous, sans contraintes en toute liberté.Les_habitants_3L’INTRO :

Plus de cinquante ans que Raymond Depardon est un témoin. Un témoin du monde, un témoin de notre société, un témoin de son évolution, des gens qui la peuplent, du temps qui passe ou du temps qui se fige. Dans la lignée de son travail photographique réalisé entre 2004 et 2010 où il s’en était allé photographier « la France », Raymond Depardon s’est lancé dans un nouveau défi fantastique, celui de la filmer. Mais pas la France des monuments, des châteaux et des montagnes, pas la France des vignobles, des prairies ou des bords de mer, pas la France des villes dynamiques ou des campagnes reculées. Non, ce n’est pas une France carte-postale qu’a voulu capturer Depardon mais le cœur même de cette France : ses habitants. Armé seulement d’une petite caravane transformée en fenêtre ouverte sur le pays, Raymond Depardon a sillonné l’hexagone, de Charleville-Mézières à Nice, de Saint-Nazaire à Bayonne, de Villeneuve Saint-Georges à Fréjus. Dans sa caravane, une table, deux tabourets, une grande fenêtre sur la rue, et une caméra 35 mm accompagnée de quelques micros. Et le réalisateur de s’en être allé accoster des gens dans la rue, de leur demander s’ils étaient disponibles une petite demi-heure pour continuer leur conversation dans ce studio de fortune. Le pari était insensé. Et pourtant, il a fonctionné.Les_habitants_4L’AVIS :

En laissant libre ses intervenants, en ne cherchant jamais à leur poser des questions ou à les aiguiller sur des sujets précis, Raymond Depardon a réalisé un travail de mémoire qui s’impose comme un portrait des français d’hier et d’aujourd’hui. Un portrait pas loin de l’exercice sociologique, mais pour lequel Depardon a posé l’habit de « metteur en scène » pour endosser seulement celui de « témoin », se contentant de laisser vivre les choses sous l’œil de sa caméra, sans interventionnisme, avec comme absolu, un idéal de la parole libre. « Les habitants » pouvaient ainsi converser sur ce qu’ils voulaient, parler de leur vie, de leurs préoccupations, de leurs motivations, interrogations ou inquiétudes. Cette matière richissime et précieuse, Depardon en a ensuite fait un film. Ou plutôt un portrait filmique des français selon la règle imposée d’une sociologie du retrait, ou comment laisser les gens en conduire d’eux-mêmes le sujet et le résultat final. En résulte une sorte de cartographie de la France, ou plutôt, une cartographie de « ses habitants les français », des jeunes aux plus âgés, des femmes aux hommes en passant par les ados, des blancs, des noirs, des arabes, des cultivés et des moins cultivés, des optimistes et des pessimistes, des nostalgiques et des tournés vers l’avenir… La France que montre Raymond Depardon, c’est la France de la réalité, une France cosmopolite, riche, diversifiée.Les_habitants_1Sur une musique légère et mélodieuse signée Alexandre Desplat, Raymond Depardon nous invite à un voyage tour à tour réjouissant ou sérieux. On rit, on est ému, on s’interroge, on se s’amuse, on écoute, d’autant que connaissant l’œuvre du cinéaste, on sait pertinemment qu’il n’est jamais question de moqueries, de rire aux dépends d’autrui ou de voyeurisme malsain. Les Habitants offre une vaste galerie de visages, nous laisse écouter une nuée de conversations, tantôt superficielles tantôt plus profondes, et balaie l’énorme spectre de notre pays avec sincérité et honnêteté… du moins, jusqu’à ce que l’entreprise rencontre ses propres limites. Et malheureusement, elles existent.Les_habitants_2Si Depardon n’a pas souhaité diriger la parole de ses intervenants pour en préserver l’authenticité, la logique même de sa démarche croise la route d’un passage obligé qui pourra en revanche poser problème : le montage. Et voilà que l’effacé Depardon se voit contraint d’endosser le costume délaissé de « metteur en scène ». En choisissant les bouts de conversations qu’il pouvait juger pertinent, Depardon finit par être forcé d’intervenir et de fait, de truquer la pureté de la logique même de Les Habitants, en lui conférant un propos qu’il souhaitait se refuser. C’est cette ambivalence, doublée d’un possible effet de lassitude sur la durée, qui pourra se questionner, d’autant que Les Habitants a souvent cette fâcheuse tendance à virer du côté des émissions télévisuelles à la Tellement Vrai et autre Confessions Intimes. Comme si finalement, c’était du côté de ces versants là avec leurs petits drames et histoires tragicomiques, que la matière était la plus « intéressante ». Certes, c’était en toute évidence la plus drolatique, mais la plus pertinente ? La question se pose.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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