Joyeusement couillons, les films de la série La Septième Compagnie brillent par leur ton délicieusement nanardesque qui a participé à en faire une saga culte du cinéma français, rediffusée chaque année à la télévision. Quand on voit le résultat gentiment naïf et concon, difficile d’imaginer que les trois films sont le fruit de tournages assez difficiles. En effet, le réalisateur Robert Lamoureux ne ménageait jamais ses comédiens qu’ils faisaient tourner soit en plein cagnard, soit la nuit, soit dans le froid, dans l’eau, sous les moustiques, voire un cocktail de tout ça en même temps. Mais la palme d’or de « la journée de tournage de merde ultime » reviendra au second film de la trilogie, On a retrouvé la 7ème Compagnie, tourné en 1975. D’aucuns auront oublié cette scène mémorable où les gugusses de la Compagnie se retrouvent emportés par le courant d’une rivière avant de finir coincés dans le moulin à eau de la mère Crouzy (Jackie Sardou). Un effet comique qui a failli très mal tourner.
Toute la séquence aura nécessité huit jours de tournage. En amont du passage du moulin, tout aura été un enfer. L’eau était glaciale à cause du fort courant de l’Epte (un affluent de la Seine où le passage a été tourné). Les accessoiristes ont dû placer des piques et des câbles en fer pour que les comédiens aient quelque chose à quoi s’accrocher quand ils étaient trop emportés par le mouvement de l’eau. Plus galère, certains endroits n’étaient pas assez profonds pour que l’on croit à la possible noyade et le trio Pierre Mondy – Jean Lefebvre – Henri Guybet (lequel remplaçait un Aldo Maccione qui trouvait que c’était pas assez bien payé) devaient ramper sur les cailloux pointus pour faire illusion. Mais le pire restait à venir : le moulin. Cette séquence où le courant les conduit tout droit dans les pales du moulin de la mère Crouzy.
Jean Lefebvre raconte que l’idée de la scène était très drôle et que le cadre était magnifique avec ce vieux moulin préservé. Il allait vite déchanter. Chacun leur tour, les comédiens ont pris place entre deux pales de la grande roue, attachés avec des fils de fer. Moteur demandé, les techniciens lançaient le moulin et le comédien devait s’arrêter de respirer le temps de ses passages sous l’eau. Pas évident mais faisable pour Pierre Mondy et Henri Guybet. Cela dit, on notera que question sécurité et assurances, c’était bien freestyle quand même. Quand vînt le tour de Jean Lefebvre, les choses se sont gâtées. La roue du moulin s’est bloquée pile poil quand… il était sous l’eau ! Tenu par les fils de fer, le comédien n’arrivait pas à s’extraire des pales et dans son autobiographie, Jean Lefebvre confesse avoir paniqué et vu sa dernière heure arriver. Il sera sauvé in extremis de la noyade par les plongeurs de l’équipe de tournage qui sont venus le débloquer en urgence alors qu’il n’arrivait plus à respirer et qu’il commençait à ingurgiter de l’eau. La catastrophe fut évitée de peu et Lefebvre confia être ressorti de l’eau « pas très frais ». L’accident n’est pas sans rappeler la mésaventure plus récente vécue par Isla Fisher sur le tournage du Insaisissables de Louis Leterrier. Pour la scène où elle doit s’extraire d’un aquarium rempli de piranhas alors qu’elle est enchaînée, l’actrice fut plongée dans l’eau, avec des chaînes réelles. Mais elle sera prise de panique quand celles-ci se coinceront dans la grille au fond de l’aquarium. Fisher commençait à se noyer sous l’œil impressionné d’un Leterrier qui pensait qu’elle jouait (formidablement bien) la comédie. Heureusement qu’un technicien remarqua que l’histoire clochait et intervînt en catastrophe, auquel cas elle y passait.