Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Taj Mahal
Père : Nicolas Saada
Date de naissance : 2015
Majorité : 02 décembre 2015
Type : Sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h31 / Poids : 6 M$
Genre : Thriller, Drame
Livret de famille : Stacy Martin (Louise), Louis-Do de Lencquesaing (père de Louise), Gina McKee (mère de Louise), Alba Rohrwacher (Giovanna), Frédéric Epaud (Pierre)…
Signes particuliers : C’est dans une période encore troublée par les récents (et lâches) attentats qui ont endeuillé Paris, que sort Taj Mahal, récit d’une attaque terroriste survenue à Bombay en 2008. Un choix judicieux ? Pas sûr…
THIS IS THE INDE
LA CRITIQUE
Résumé : Louise a dix-huit ans lorsque son père doit partir à Bombay pour son travail. En attendant d’emménager dans une maison, la famille est d’abord logée dans une suite du Taj Mahal Palace. Un soir, pendant que ses parents dînent en ville, Louise, restée seule dans sa chambre, entend des bruits étranges dans les couloirs de l’hôtel. Elle comprend au bout de quelques minutes qu’il s’agit d’une attaque terroriste. Unique lien avec l’extérieur, son téléphone lui permet de rester en contact avec son père qui tente désespérément de la rejoindre dans la ville plongée dans le chaos. L’INTRO :
Du 26 au 28 novembre 2008, Bombay, la capitale financière de l’Inde, a connu une page funeste de son histoire. Au milieu de la soirée, un groupe terroriste lance une attaque massive aux quatre coins de la ville, tuant pas moins de 173 personnes. Parmi les lieux concernés par les exactions meurtrières, le prestigieux hôtel Taj Mahal, qui abritait de nombreux touristes et ressortissants étrangers. Le réalisateur Nicolas Saada (Espion(s) avec Guillaume Canet) s’est intéressé à ce tragique fait divers et livre le récit inspiré du réel vécu d’une jeune adolescente de 18 ans, rencontrée par l’auteur. C’est la comédienne Stacy Martin (Nymphomaniac) qui prête ses traits à Louise, piégée seule dans sa chambre d’hôtel ce soir-là, alors que ses parents étaient sortis dîner.L’AVIS :
Il est un mystère qui demeure encore tout entier aujourd’hui : pourquoi ce sont toujours les réalisateurs les moins talentueux qui sont paradoxalement les plus prétentieux ? Nicolas Saada est la démonstration savante de cette équation surréaliste. Non content de saboter un script aux possibilités pharamineuses, le cinéaste signe un thriller dramatique reculant les limites de la nullité comique avec le sérieux d’un metteur en scène pensant visiblement être le nouveau génie du cinéma français. De l’embarras, on bascule progressivement vers la consternation énervée, avant d’abdiquer pour laisser place aux rires étouffés. Taj Mahal aligne une telle accumulation de défauts, qu’il finit par en devenir un lui-même. Une sorte d’excroissance abominable défigurant le visage du cinéma français en rappelant à quel il peut être capable des pires infamies tout en cherchant à faire passer certains de ses méfaits pour de l’art. Pourquoi le coq est-il l’emblème de la France ? Parce que c’est « le seul animal qui peut chanter les deux pieds dans la merde » disait Coluche. Une plaisanterie qui s’applique à merveille à ce Taj Mahal et à son auteur, qui a le culot de se la jouer « artiste qui contemple sans cesse son propre travail » avec un nombrilisme caché en toile de fond, alors qu’il est en train de composer une partition horrifiante de fausseté, ne rendant ainsi pas le meilleur des hommages à l’histoire vraie et douloureuse qu’il dépeint.Taj Mahal, ce sont avant tout des acteurs calamiteux ou terriblement mal dirigés, c’est selon. C’est selon si l’on parle de la prestation tragicomique de Louis-Do de Lencquesaing, littéralement pathétique en père au sang-froid (qui ne témoigne jamais d’une once de peur alors que sa fille unique est piégée par des terroristes et risque d’y laisser sa peau), ou celle de la pauvre Stacy Martin, jeune actrice bourrée de talent et pourtant en détresse et à côté de la plaque. Taj Mahal, c’est ensuite un sujet en or transformé en scénario encore plus crétin qu’un candidat benêt de Secret Story. En illustrant les tragiques attaques terroristes qui avaient endeuillé Bombay en 2008, Saada avait la matière idéale pour un thriller tendu vrillant vers le huis-clos suffocant tiré au cordeau. Malheureusement, il signe une gaudriole médiocre et risible à ses dépends, truffée d’aberrations, d’improbabilités et de scènes irréelles d’idioties. De bout en bout, on ne croit pas une seule seconde à chacune des idées émises (un comble pour le récit d’une histoire vraie), chaque relance de l’histoire tombant à plat devant la bêtise de la chose (à commencer par les actions de l’héroïne, nonsensiques à souhait). Même l’angle du point de vue unique laissant l’assaillant comme un agresseur invisible (merci Assaut de Carpenter) qui, au demeurant, aurait pu être une idée intéressante, est sabordée par un cinéaste qui n’affiche aucune maîtrise sur son sujet.Mais le pire dans Taj Mahal reste encore à venir. La mise en scène de Nicolas Saada est tout un poème. Répétitions de fondus enchaînés en fil indienne, superposition des images quand deux personnes se parlent au téléphone, fondus au noir en fin de séquence, montage à la rue, esthétique télévisuelle… Nicolas Saada affiche une palette digne d’un réalisateur de fictions AB Productions alors que dans le même temps, son ego l’amène à expérimenter des plans léchés, ou du moins voulus comme tels, mais sombrant dans la caricature hilarante du faux-cinéaste hype. Tout ça, en étalant à l’image sa cinéphilie dans un second lâché de poudre d’ego atterrant. Et vas-y que je te mets un plan d’Hiroshima mon amour, une référence à Pasolini, une autre citant le chef-d’œuvre indien Pyaasa ou encore une bande originale (insupportable au passage) aux allures de clin d’œil hommagesque ridicule à La Nouvelle Vague. Une Nouvelle Vague que Saada semble d’ailleurs beaucoup admirer tant on retrouve quelques traits imitatifs ratés ça et là, tout au long de son naufrage, quand ce n’est pas une espèce de vague impression de Truffaut du pauvre qui s’essaierait au thriller immersif.Nicolas Saada résume son entreprise comme un « film catastrophe intimiste ». À peu de choses, c’est ça. Sauf que « catastrophique » serait le terme le plus juste. Tension salopée par le grotesque, attachement aux personnages inexistant vu que Saada se révèle être un piètre conteur ne sachant pas poser et bâtir une histoire, plans gênants et sur-lourdement appuyés montrant la population indienne comme un amas de regards hostiles et oppressants… Taj Mahal est un échec sur toute la ligne, doublé d’un beau navet duquel émergent quelques rares fulgurances réussies, comme les prémices de l’attaque « entendue » plutôt que « vue », décuplant ainsi l’impact de l’inquiétude montante bâtie sur l’incompréhension de ce qu’il se passe. L’une des rares bonnes séquences de ce loupé monumental et frustrant.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux