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COGAN : KILLING THEM SOFTLY (critique)

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Carte d’identité :
Nom : Cogan – Killing Them Softly
Père : Andrew Dominik
Livret de famille : Brad Pitt (Jackie), Scoot McNairy (Frankie), James Gandolfini (Mickey), Ray Liotta (Markie), Ben Mendelsohn (Russell), Richard Jenkins (le chauffeur), Sam Shepard (Dillon)…
Date de naissance : 2012
Nationalité : Etats-Unis
Taille/Poids : 1h37 – 15 millions $

Signes particuliers (+) : D’excellents comédiens et des plans virtuoses.

Signes particuliers (-) : Une esthétique belle mais inutilement tape à l’oeil dans un film pompeux et chiant comme la pluie.

 

COGAN : SLEEP THEM SOFTLY

Résumé : Une partie illégale de poker est braquée par deux hommes qui s’emparent du butin. Tout le milieu de la mafia est à cran après cela. Les caïds font appel à Jackie Cogan pour retrouver les coupables…

Difficile de cacher notre excitation en allant (enfin !) voir Cogan : Killing Them Softly, polar quasi-crépusculaire d’Andrew Dominik très très attendu, depuis notamment sa présentation en mai dernier, au Festival de Cannes dont il est reparti avec un accueil étrangement contrasté, lui qui pourtant était annoncé comme l’une des stars de la Croisette. Emmené par un Brad Pitt que l’on sentait bien dans un rôle de tueur dans la veine des récents films racés que nous a pondu le cinéma américain (Killer Joe par exemple), on pensait franchement que Cogan allait être la bombe qui allait dynamiter cette fin d’année qui aura été plutôt bonne cinématographiquement parlant (au moins, elle aura été bonne sur un point, c’est déjà ça).

Grosse déception donc de voir l’un des films les plus attendus du moment, se révéler être un feu de paille, et l’excitation de retomber lourdement, dans un râle de dépit. On pensait sérieusement aller voir ce qui serait l’un des prochains « top » de l’année 2012, on se retrouve face à l’un des prétendants au podium des films les plus ennuyeux de ces douze derniers mois. La descente totale. Echec colossal également au box-office ricain, c’est seulement le troisième long-métrage d’Andrew Dominik, cinéaste esthétisant passionné par la gestion du temps et du rythme qu’il soigne à sa manière, sans céder à de quelconque sirènes ou impératifs. On l’avait découvert avec Chopper en 2000 avant qu’il ne signe le western aussi lent que plastiquement superbe, L’Assassinat de Jesse James par le Lâche Robert Ford, déjà avec Brad Pitt en vedette. Les deux hommes renouent pour un second exercice en commun, cette fois-ci dans le néo-polar, très en vogue actuellement.

Conscientes ou pas, toujours est-il que les inspirations de Dominik pour son Cogan : Killing Them Softly sont aussi évidentes que maladroitement assimilées. On retrouve un soupçon de Scorsese, une grosse injection du style Tarantino croisé avec celui des Frères Coen (on pense à Sang pour Sang pour le polar, No Country for Old Men pour le saupoudrage crépusculaire ou Burn After Reading et d’autres de leur filmographie pour l’esprit côté pieds nickelés un brin débridé), le tout remixé à la sauce actuelle très tendance du film sombre, violent et cinglant. Finalement, il ne reste plus grand-chose d’Andrew Dominik là-dedans si ce n’est… Si ce n’est ses défauts. A commencer par une forme de prétention assumée dans un style qui veut croiser le film d’auteur et le magistralement clinquant par un visuel appuyé qui transpire l’esbroufe inutile (ces ralentis interminables donnant un effet d’apesanteur aussi inefficace que pompeux et faussement majestueux) mais aussi par à nouveau une gestion du rythme et du temps à faire pâlir un cinéaste iranien. Andrew Dominik semble tout faire pour essayer de nous endormir à petit feu en nous baladant dans un film terriblement bavard, racoleur au possible et d’une lenteur monotone qui essaie de se coller à l’ambiance crépusculaire recherchée. Sauf que son Cogan : Killing Them Softly en pâtit plus qu’il n’en tire une quelconque gloire, le résultat étant aussi chiant, prétentieux et déprimant que la dernière pub pour Channel avec Brad Pitt. Dialogues lourds voire répétitifs, allant même jusqu’à absurdement paraphraser des scènes que l’on vient de voir quelques minutes auparavant, technique à la fois sur-maîtrisée et dans le même temps très approximative et mélange bancal des genres et des sensations entre mélancolie et comique absurde, fulgurances de violence esthétisée et interminables tunnels de parlote, Cogan est d’un cynisme rare dans le mauvais sens du terme, prenant ouvertement le spectateur pour un crétin en cherchant à lui vendre un produit faux et hypocrite, qui n’a rien de ses récents lointains cousins Drive de Winding Refn ou Killer Joe de Friedkin.

Retenez-bien le nom d’Andrew Dominik car pas sûr de le retrouver encore bien longtemps. Après ce deuxième échec commercial (Jesse James s’était déjà bien planté au box-office), il risque d’être difficile pour lui de survivre dans la jungle hollywoodienne régie par les dollars. De son aveu, c’est d’ailleurs de là qu’est né son film, des cendres de l’amertume de sa précédente expérience artistique au bilan chaotique. Et du coup, ce nouveau film, l’adaptation d’un roman de George Higgins, de traiter de comment une histoire de perte d’argent se met à agiter tout un milieu replié égocentriquement sur lui-même. La parabole sur Hollywood n’aurait pas pu être plus directe. De la même manière que les pertes financières sur Jesse James ont agité tout un milieu, étonné de voir un film porté par Brad Pitt se vautrer à l’arrivée, la somme dérobée ici dans une partie de poker (la meilleure façon de résumer le cinéma au passage) va agiter tout le milieu de la pègre, énervée comme le studio producteur de Jesse James a pu l’être en son temps. Andrew Dominik tenait là une réponse forte avec ce néo-polar réflexif et introspectif qui aurait pu se muer en parabole efficace sur sa propre existence tout en étant un plaisir jouissif. Mais le cinéaste préfère se tirer une balle dans le pied. Il n’est écrit nulle part qu’intelligence de fond doit forcément rimer avec ennui de forme. Et question ennui, Cogan : Killing Them Softly s’y connaît. Malgré quelques séquences délicieuses, l’ensemble vire trop soit à la caricature ou la gaudriole grossière (James Gandolfini) soit à l’œuvre poseuse qui nous berce doucement tout en envoyant quelques décharges électriques foireuses. Raté.

Bande-annonce :


Cogan – Bande-annonce [VOST] par Filmosphere

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