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TOUT S’EST BIEN PASSÉ de François Ozon : la critique du film [Cannes 2021]

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Carte d’identité :

Nom : Tout s’est bien passé
Père : François Ozon
Date de naissance : 2020
Majorité : 22 septembre 2021
Type : sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h52 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de Famille : Sophie Marceau, André Dussollier, Géraldine Pailhas, Grégory Gadebois…

Signes particuliers : Un bon Ozon à défaut d’être un grand Ozon.

 

 

FRANÇOIS OZON PLAIDE POUR LA LIBERTÉ

NOTRE AVIS SUR TOUT S’EST BIEN PASSÉ

Synopsis : Emmanuèle, romancière épanouie dans sa vie privée et professionnelle, se précipite à l’hôpital, son père André vient de faire un AVC. Fantasque, aimant passionnément la vie mais diminué, il demande à sa fille de l’aider à en finir. Avec l’aide de sa sœur Pascale, elle va devoir choisir : accepter la volonté de son père ou le convaincre de changer d’avis.

Dans le paysage cinématographique français, rares sont les cinéastes qui affichent la régularité dont fait preuve François Ozon. Régularité dans la productivité avec quasiment un film par an (Ozon, c’est comme le Beaujolais, il y en a un nouveau chaque année) et régularité artistique aussi, avec des efforts meilleurs que d’autres, mais rarement de plantage manifeste. Moins d’un an après son magnifique et malchanceux Été 85 sorti au cœur de la pandémie entre deux confinements des salles de cinéma, Ozon était déjà de retour. C’était en mai dernier du côté de la croisette pour Tout s’est bien passé, son vingtième long-métrage, sélectionné dans la prestigieuse Compétition Officielle. Si le film est reparti (somme toute logiquement) bredouille de Cannes, il aura néanmoins été un beau moment d’émotion pour les festivaliers. Ozon y adapte le roman autobiographique de sa défunte amie Emmanuèle Bernheim, qui avait couché sur papier un épisode particulièrement difficile de sa vie, quand son père très diminué par un AVC lui avait demandé de l’aider à mourir dignement. A l’écran, André Dussolier incarne l’homme affaibli tandis que Sophie Marceau et Géraldine Pailhas prêtent leurs traits à ses filles.

 

Le cinéma de François Ozon n’a jamais été caractérisé par un côté follement débridé en mode Patrick Sébastien qui fait tourner ses serviettes. Si le cinéaste est capable de beaucoup d’humour quand il le veut, la légèreté joviale n’a jamais été son registre premier et le drame accompagne souvent ses entreprises. A la lecture du pitch de Tout s’est bien passé, on sent venir de très loin le moment douloureux, la tragédie bien pathos, la grosse chialade qui racle la gorge. Mais c’eut été trop facile de sombrer dans cette voie aussi directe et confortable qu’une autoroute. Trop facile et surtout irrespectueux envers le roman d’Emmanuèle Bernheim. François Ozon a décidé de respecter son histoire comme son travail, et c’est tout à son honneur. Certes, il y a de la tristesse et de la douleur dans Tout s’est bien passé, car le film ne raconte rien de fondamentalement joyeux. Mais Ozon ne s’est pas laissé prendre au piège du tire-larmes prenant les spectateurs en otage émotionnel. Si la mort accompagne le récit car il en dicte la marche, c’est bel et bien de la vie dont on se régale à travers ce nouveau long-métrage, c’est même elle que célèbre Ozon, dans toutes ses couleurs. Ironique n’est-ce pas ?

Ce ton inattendu, Tout s’est bien passé le doit à son personnage central campé par André Dussolier. Ce que l’on appellerait communément, un « personnage », un homme haut en couleurs. Si le drame l’accable, s’il a de profondes séquelles de son accident vasculaire cérébral et s’il est obstiné par son désir d’en finir, André n’a rien perdu de son humour, au contraire. Drolatique, ironique, maniant avec verve l’humour souvent noir, le personnage composé à l’écran compense par le caustique la charge tragique du film, et lui offre un équilibre qui fonctionne à merveille. Certains auront vite fait de dire que l’humour apporté par Ozon est artificiel, calculé pour justement décharger un peu la pesanteur de l’histoire, comme si le cinéaste n’assumait pas complètement son capital ‘ »plombant ». Erreur.

Erreur car non seulement ce mélange de rire et d’émotion n’est qu’une preuve de fidélité au roman originel mais de surcroît, il a pour effet de souligner le propos de François Ozon. Avec Tout s’est bien passé, le metteur en scène interroge bien sûr sur la question taboue du droit à mourir dignement, mais il parle avant tout de liberté. Liberté de choisir, liberté de vivre, liberté de mourir, liberté de finir en apothéose, liberté de faire son deuil comme on l’entend. Plus il est convaincu de son désir de mourir, plus André est lumineux, comme délesté d’un poids, celui de devoir « subir les évènements ». Lumineux comme le film d’ailleurs, qui dépasse le carcan du drame pour swinguer au rythme d’une mélodie presque vaudevillesque, mais jamais triviale attention. Ce n’est pas parce qu’il est souvent drôle que Tout s’est bien passé en devient futile. Ozon explore de vraies thématiques et le fait non sans pertinence grâce à une écriture maîtrisée, et avec le concours de comédiens exceptionnels. Car si le film est reparti bredouille de Cannes, un prix d’interprétation pour André Dussolier n’eut été en aucun cas une honte. Dans la peau de ce paternel à la fois têtu, élégant, facétieux, égoïste, dur voire tyrannique, l’acteur physiquement méconnaissable impressionne. Le danger du surjeu caricatural n’attendait qu’un faux pas de sa part pour tout décrédibiliser, il devra aller se servir ailleurs car rien ne tombe de la table. A ses côtés, Marceau et Pailhas sont impeccables.

En somme, du très grand Ozon ? Malheureusement, non. Le cinéaste accomplit de belles choses, son film est bien fait, agréable à suivre et riche en émotions diverses, ses comédiens sont parfaits… mais il lui manque ce « petit plus » qui fait souvent la différence entre du beau travail et l’excellence. Ici, en cause une mise en scène un peu trop terne, un peu trop lisse, très fonctionnelle pourrait-on dire. C’est le reproche qui empêche Tout s’est bien passé de décoller vers les sommets. Ozon fait dans le classique, d’un bout à l’autre. Classique par souci d’être sobre ? Non, juste très classique, comme plus inspiré par le récit que par la manière de le mettre en scène.

BANDE-ANNONCE :


Par Nicolas Rieux

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