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SONG TO SONG de Terrence Malick : la critique du film

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Carte d’identité :
Nom : Song to Song
Père : Terrence Malick
Date de naissance : 2017
Majorité : 12 juillet 2017
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 2h08 / Poids : NC
Genre
: Comédie dramatique, Mélodrame, Musical

 

Livret de famille : Ryan Gosling, Rooney Mara, Michael Fassbender, Natalie Portman, Cate Blanchett, Holly Hunter, Bérénice Marlohe, Val Kilmer, Lykke Li…

Signes particuliers : Un feel-good-movie étourdissant qui peut aussi bien être perçu comme une source d’ennui emphatique.


LA DOUCE MUSIQUE DE TERRENCE MALICK

LA CRITIQUE DE SONG TO SONG

Résumé : Tout semble rouler BV et Faye, deux jeunes musiciens en couple depuis peu, lorsqu’il vient de signer un contrat avec le riche producteur Cook. Leurs rêves paraissent même se réaliser quand ils partent tous les trois en voyage. A leur retour, les relations intimes et professionnelles commencent toutefois à se crisper. Au même moment, Cook tombe sous le charme de Rhonda. Chacun va alors s’interroger sur son avenir.

La sortie de Voyage of Time, qui cristallise toutes ses aspirations de maniérisme expérimental et métaphysique, nous a laissé croire que Terrence Malick aurait fait le choix de réaliser, à l’inverse, son Song To Song dans une optique de narration plus lisible que ses précédents A la Merveille et Knight of Cups qui laissèrent le public massivement hermétique. Dès les premières minutes de son nouveau film, il apparait toutefois que le réalisateur n’a aucunement renoué avec la sobriété stylistique qui fit autrefois le charme de La Balade Sauvage. Le montage hypnotique et l’omniprésence de la voix-off restent ainsi la base d’un récit de plus de deux heures. Difficile alors, au moins dans un premier temps, de rentrer dans son scénario, tant le dispositif semble prendre le pas sur le développement d’une quelconque intrigue. A l’écran, on observe des personnages insouciants en pleine effervescence, profitant de leur passion ardente, de leur réussite professionnelle mais aussi d’exotisme, à un point tel que cet étalage de bonheur en deviendrait presque indécent. Même l’osmose musicale dont ils jouissent nous est inaccessible tant le sur-découpage nous empêche de bénéficier pleinement de la moindre chanson. La voix-off vient tout de même nous avertir que les choses ne sont pas si roses qu’il n’y paraît.

Le bouillonnement de cette première partie va peu à peu laisser place à des sentiments plus disparates. On peut dès lors regretter qu’il faille attendre que ces personnages commencent à se fâcher entre eux pour paraître enfin accessibles. Impossible de nier que leur exaltation est une étape nécessaire pour rendre plus tangible la peine qui va les habiter plus tard, mais il reste dommage qu’elle fasse office d’introduction. Une immersion laborieuse donc. Pourtant, dès lors que le mélodrame se met en marche, il est impossible de rester insensible. La façon qu’a Malick ne pas s’appesantir sur les scènes qu’il filme, pour se concentrer uniquement sur l’expression des réflexions intérieures par la voix-off, prend alors tout son sens. Chaque petit moment quotidien est ainsi partagé au même titre que l’enthousiasme, les doutes et les blessures internes de ceux qui les vivent. Cette mécanique introspective rend les émotions bien plus palpables que ce à quoi le cinéma nous a habitués. Il faut dire que la spontanéité des acteurs n’y est pas pour rien.

Dans des décors, tour à tour surpeuplés et tristement vides, filmés par l’inénarrable Emmanuel Lubezki, avec qui il travaille depuis maintenant 12 ans, Malick a réuni, comme à son habitude, un casting en or particulièrement aguicheur. L’un des principaux arguments des détracteurs sera d’ailleurs que Michael Fassbender, Ryan Gosling et Rooney Mara sont dans des registres qu’on ne leur connait que trop bien. Ce ne serait pas tout à faux tant on semble retrouver, par exemple, le Fassbender libertin vu dans Shame ou la Rooney Mara fragile de Carol, mais leur capacité à faire vibrer le spectateur à travers des plans qui ne durent pas plus de quelques secondes est la preuve de leur remarquable charisme et de leur sensibilité à fleur de peau. Si l’intensité émotionnelle est bien plus forte que dans les précédents films de Malick, c’est aussi et surtout parce qu’il a mis de côté son mysticisme chrétien -le fait religieux reste présent, on ne se refait pas- pour focaliser son discours vers un sujet aussi universel que la quête du bonheur et la fascination autodestructrice pour le matérialisme. Sur le fond, on pourra en revanche lui reprocher une vision assez phallocrate des rapports homme/femme. Encore une fois, la liberté radicale de la forme suffit à elle seule, à dépasser toutes les conventions, parfois réactionnaires, que défend malgré lui ce cher Terry.

Quoi que l’on pense du style de Terrence Malick et de l’usage qu’il fait de la musique, qui sert ici davantage de contexte culturel que d’ambiance sonore, il est indéniable qu’il est passé maître dans l’art délicat de filmer les sentiments dans leur forme la plus brute. Pour qui se laisse porter par cette fable lyrique et romantique, l’expérience sensorielle est littéralement enivrante. Une telle maitrise mêlée à tant de fraîcheur, fait de Song to Song le plus légitime héritier de A Bout de Souffle.

BANDE-ANNONCE :

Par Julien Dugois

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