Mondociné

PENINSULA de Sang-ho Yeon : la critique du film [festival de Deauville]

Partagez cet article
Spectateurs


Carte d’identité :
Nom : Peninsula
Pères : Sang-ho Yeon
Date de naissance : 2019
Majorité : 18 septembre 2020
Type : sortie en salles
Nationalité : Corée du Sud
Taille : 1h56 / Poids : NC
Genre : Horreur

 

Livret de famille : Dong-won Gang, Do-Yoon Kim, Jung-hyun Lee…

Signes particuliers : L’une des grandes déceptions de l’année.

 

 

LE FIASCO DE L’APRÈS-BUSAN

NOTRE AVIS SUR PENINSULA

Synopsis : Quatre ans après les évènements en Corée du Sud, Jung-seok est un ancien soldat qui a réussi à s’échapper de la péninsule de Corée désormais infestée de zombies. Une dernière mission l’oblige à retourner à Séoul pour récupérer un bien précieux. Il va y découvrir que des personnes non-infectées y vivent encore, livrées à elles-mêmes.

Il y a quatre ans, nos amis coréens nous faisaient le plaisir de nous envoyer à la tronche une bonne petite bombe atomique dont ils ont le secret avec Dernier Train pour Busan, excellent roller coaster zombiesque qui défouraillait sévère et réussissait à envoyer plus de spectacle horrifico-mastoc qu’un World War Z au budget éminément supérieur. Véritable claque dans un genre habituellement prolifique en navets, Dernier Train pour Busan avait quasiment coché toutes les cases et fait l’unanimité. Autant dire que l’idée d’en reprendre une louche était sacrément alléchante. Quatre ans plus tard (et après un report pour cause de Covid-19), voilà que déboule Peninsula. La suite. Labellisé « Cannes 2020 », le nouveau film de Sang-ho Yeon n’a pas pu réveiller les morts du côté de la Croisette mais il a essayé de se rattraper au festival de Deauville qui a en récupéré la primauté française. Respectant l’écart temporel entre les deux films, l’histoire se situe donc quatre ans après les évènements du premier. La péninsule coréenne a été abandonnée et mise en quarantaine, seuls les zombies semblent désormais vivre dans ce paysage apocalyptique. Depuis Hong-Kong, une équipe se monte afin d’aller mettre la main sur un camion rempli de dollars, laissé à l’abandon pas loin du port.

A la lecture du pitch, on sent déjà la suite un peu forcée, du genre qui s’est évertuée à pondre une histoire prétexte pas vraiment naturelle mais tricotée pour essayer de faire la blague et renvoyer aux amateurs de cinoche de genre, une nouvelle salve de zombies furibards. Soit. Du moment que le spectacle est toujours au rendez-vous et que Peninsula marche sur les traces de son prédécesseur question créativité, intensité et puissance visuelle, on pouvait s’en satisfaire. Malheureusement, allez savoir ce qu’il s’est passé en quatre ans pour qu’on en arrive à une telle abomination… D’un bout à l’autre, Peninsula est comme un gros doigt d’honneur à son paternel, un rejeton qui semble s’appliquer mordicus à tout faire de travers pour ne pas lui ressembler. D’une jouissance attendue, on s’est retrouvé avec une déception proche du fiasco dispersé façon puzzle.

Dernier Train pour Busan était saisissant, inspiré, vif, intelligent, il avait su conjuguer enjeux humains, suspens captivant et catastrophe zombie grandiosement chaotique, il avait su injecter un petit côté politique à son entreprise au capital fun maximal, le gore jouissif répondait à une juste dose d’émotion, pelletée de séquences étaient monstrueusement géniales, il y avait de l’humour, de vrais personnages élaborés… Bref, tout était parfait ou presque. Peninsula, c’est à peu près la culture de l’inverse. Le genre de film que l’on démarre avait une méga-érection d’excité et que l’on termine tout mou, dans un mélange de déception, d’incompréhension et d’énervement profond parce que l’on vient de nous gâcher la fête.

L’intelligence du premier a été évacuée aux chiottes à grands renforts de coups de chasse d’eau frénétiques, visuellement les CGI bavent sur l’écran en déversant un torrent de mocheté constante (bienvenue au festival international du fond vert immonde), l’histoire est d’une bêtise à rendre jaloux Donald Trump et toute la nouvelle superproduction de Sang-ho Yeon s’abîme dans une médiocrité affligeante désespérément vide, packagée dans un emballage hideux. Pourtant, le cinéaste a voulu tenter des choses, ça se sent, ça se voit. Précisément, il a cherché à innover plutôt que reproduire l’exacte recette du premier sans prendre de risques. Le récit est moins intimiste, le discours « politique » tourne désormais autour de la folie humaine quand une société s’est effondrée et que la situation désespérée ne laisse que des cendres d’égoïsme. Dans le ton, Sang-ho Yeon a fait le choix d’une allure beaucoup plus comique, davantage portée sur le second degré complètement débridé et déjantée et n’ayant aucun ancrage à un quelconque réalisme tangible. Un peu façon Mad Max et ses suites par exemple (Fury Road étant à part). L’ennui, c’est que rien n’étant maîtrisé, Peninsula dérive à en devenir grotesque, sorte de gloubiboulga informe et gélatineux où le fun potentiel est avalé par l’absence de saveur qui régit l’ensemble. Malgré un rythme frénétique boosté par des effets numériques filtrés à mort, on finit par vite se faire royalement chier devant cette infamie lamentable qui ressemble à du mauvais cinéma zombie tout juste passable pour une sortie DTV. Clairement pas ce que l’on attendait d’une suite au génial Busan.

Si l’humour et l’action sont très présents, tout le reste part en quenouille dans cette tambouille bisseuse majoritairement illisible et dont la seule vraie constante est son grotesque vomitif. L’émotion, elle, a été mise en carafe et rangée à la cave. Les tentatives d’en créer coulent sous le poids d’idées au pathos caricaturalement risible. Il faut dire qu’elle n’est pas aidée par des personnages aussi catastrophiques qu’inexistants, tous se résumant à des rôles de faire-valoir au profit de l’efficacité. Sauf que cette même efficacité est elle aussi anéantie par un look de mauvaise cinématique de jeu vidéo et une absence d’enjeux un tant soit peu intéressants. Transformé en production lambda sans charme et cumulant les tares, le feu d’artifice fait pschitt, déséquilibré par des fondations qui ne reposent sur rien. Et pour le coup de flippe, on repassera à l’occasion. Car en plus de se flinguer les deux jambes et de se marcher sur les pieds avec des crampons cloutés, Peninsula n’est jamais effrayant. Il faut dire que la débauche de mauvais goût qui l’anime n’aide pas à créer la moindre tension puisque l’on est davantage préoccupé à se demander comment l’un des meilleurs films de zombie des années 2000 a pu enfanter pareille purge radicalement dégueulasse.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

3 thoughts on “PENINSULA de Sang-ho Yeon : la critique du film [festival de Deauville]

  1. Bonne critique qui a bien résumé le film.
    Pas nul ce film mais bourré de clichés et qui veut faire du madmax ou fast and furious lol

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Close
Première visite ?
Retrouvez Mondocine sur les réseaux sociaux