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NOS ANNÉES FOLLES d’André Téchiné : la critique du film

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Carte d’identité :
Nom : Nos années folles
Père : André Téchiné
Date de naissance : 2017
Majorité : 13 septembre 2017
Type : Sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h43 / Poids : NC
Genre
: Drame, Biopic

Livret de famille : Pierre Deladonchamps, Céline Sallette, Grégoire Leprince-Ringuet, Michel Fau…

Signes particuliers : Téchiné, une valeur sûre.

LE DRAME IDENTITAIRE D’ANDRÉ TÉCHINÉ

LA CRITIQUE DE NOS ANNÉES FOLLES

Résumé : La véritable histoire de Paul qui, après deux années au front, se mutile et déserte. Pour le cacher, son épouse Louise le travestit en femme. Dans le Paris des Années Folles, il devient Suzanne. En 1925, enfin amnistié, Suzanne tentera de redevenir Paul…

C’est avec une régularité assez admirable qu’André Téchiné continue de travailler depuis plus de 45 ans, pour nous offrir des œuvres qui ne sont plus des chefs-d’œuvre depuis belle lurette (il est loin le prix de la mise en scène à Cannes pour Rendez-Vous), mais qui ont toujours cette bonne tenue faisant de chaque nouveau cru, un film au minimum intéressant, au mieux plein de grâce, à l’image de son précédent Quand on a 17 ans. Avec Nos Années Folles, Téchiné porte à l’écran l’histoire vraie de Paul Grappe, soldat déserteur qui s’est travesti en « Suzanne » pour échapper à la Police Militaire durant la Première Guerre Mondiale. Mais dans le Paris des années folles, Suzanne est devenue plus qu’une ruse pour Paul. Au point qu’il sera difficile de revenir en arrière et que son couple s’en trouvera menacé. Emmené par Pierre Deladonchamps et Céline Salette, Nos Années Folles est le récit d’une folie qui s’est muée en tragédie.

Avec Nos Années Folles et à travers ce portrait lumineux et déchirant de la vie de Paul Grappe, André Téchiné parle de beaucoup de choses. Il parle de trouble identitaire, il parle d’amour inconditionnel, il parle de passion fatale… Il parle surtout de comment une identité de substitution va être le seul moyen pour un homme, d’oublier ses actions honteuses en s’oubliant lui-même dans un autre « soi » si différent, que le réel va s’effacer dans cet autre monde aussi fantasmagorique que tangible. Pour Paul Grappe, devenir Suzanne n’est pas qu’une simple transformation physique maligne. C’est une mue, le glissement dans une nouvelle peau si éloignée, qu’elle ne va pas modifier que son identité, elle emportera avec elle son vécu, sa personnalité, son existence. Paul est Suzanne, mais Suzanne n’est pas Paul. Sous ses habits d’apparats, l’homme devient femme, le triste devient gai, le frustré devient décomplexé, le traumatisé devient libéré, et tout ce qui relie Paul à Paul, n’existe plus. Et Nos Années Folles de devenir une sorte de drame psychanalytique sur un exécutoire psychologique aux allures de renaissance dangereuse. Car comment quitter ensuite cette peau mentalement si confortable ? Un peu comme dans le Une Nouvelle Amie de François Ozon, Nos Années Folles va parler d’une addiction qui va prendre des accents tragiques.

Remarquablement incarné par un Pierre Deladonchamps qui ne cesse de progresser de film en film, surtout quand il est cadré par un grand directeur d’acteurs tel que Téchiné et épaulé par une aussi formidable comédienne que Céline Salette, Paul Grappe devient une figure de cinéma fascinante sous l’œil de la caméra d’un metteur en scène qui a su tirer le meilleur de cette histoire rocambolesque. Afin de renforcer le caractère ubuesque de cet épisode tragicomique, Téchiné a fait le choix d’un récit déconstruit fonctionnant par flashbacks depuis un spectacle de cabaret haut en couleurs, monté afin de raconter au tout-Paris, la vie de l’incroyable Paul Grappe. Ce spectacle, typique des années folles parisiennes, est un moyen pour Téchiné de conjuguer la folie de son histoire, à tous les temps. L’occasion également de dynamiser son scénario en évitant une morne écriture à temporalité linéaire. L’idée était bonne, l’exécution un peu moins, les sauts passé-présent laissant parfois traîner une certaine confusion, fort heureusement rattrapée par une maîtrise qui gomme cette légère sensation de récit décousu.

Avec Nos Années Folles, Téchiné semble se rattacher à un ancien cinéma, celui de Ophuls et autre Renoir, références souvent évoquées devant ce nouveau long-métrage du cinéaste. Mais au fond, c’est bel et bien du Téchiné que l’on regarde devant ce « biopic » remarquablement retravaillé. Comme à son habitude, Téchiné ne s’attarde pas sur la toile de fond ou sur le sensationnaliste narratif. Fidèle à lui-même, le cinéaste plonge surtout au cœur des êtres qu’il met en scène, attachant bien plus d’importance aux ressorts humains qu’aux rebondissements dramatiques. Téchiné creuse autant son Paul Grappe, que son alter-ego Suzanne, mais aussi Louise, cette épouse qui aura aimé son mari quoiqu’il fasse. Et Nos Années Folles d’être avant tout, non pas l’histoire surréaliste d’un homme peu ordinaire, mais l’histoire d’un couple dont la passion aura été déchirée par une « créature » créée ensemble, et devenue impossible à maîtriser. Quoiqu’un peu trop long, Nos Années Folles est un bon Téchiné. Encore et toujours.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

 

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