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LA FORME DE L’EAU de Guillermo del Toro : la critique du film

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Carte d’identité :
Nom : The Shape of Water
Père : Guillermo del Toro
Date de naissance : 2017
Majorité : 21 février 2018
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 2h03 / Poids : NC
Genre
: Fantastique, Romance

Livret de famille : Sally Hawkins, Michael Shannon, Richard Jenkins, Doug Jones, Octavia Spencer, Michael Stuhlbarg…

Signes particuliers : Thriller, monster movie, conte fantastique, film d’amour.

LA BELLE MUETTE ET LA BÊTE ÉTRANGE

LA CRITIQUE DE LA FORME DE L’EAU

Résumé : Modeste employée d’un laboratoire gouvernemental ultra-secret, Elisa mène une existence morne et solitaire, d’autant plus isolée qu’elle est muette. Sa vie bascule à jamais lorsqu’elle et sa collègue Zelda découvrent une expérience encore plus secrète que les autres… C’est un Guillermo del Toro pas du tout affecté par les semi-échecs de Pacific Rim et Crimson Peak qui a refait surface à la Mostra de Venise avec La Forme de l’eau, thriller romantico-fantastique qui a raflé le Lion d’Or sous une pluie d’applaudissements diluvienne. Une prestigieuse récompense venue couronner un film pour lequel le cinéaste semble éprouver une affection toute particulière, lui le grand amoureux des vieux monster movies de l’ancien Hollywood, tel que L’Étrange Créature du Lac Noir de Jack Arnold, auquel il est impossible de ne pas penser à la découverte de ce joli conte plein de tendresse.
Qu’on se le dise, La Forme de l’eau n’est ni un remake ni une version modernisée de L’étrange Créature du lac noir, et il s’agit ouvertement d’un conte romanesque et non d’une série B à suspens. Si les deux films peuvent entretenir quelques ponts, notamment dans le design de la créature directement inspiré du film d’Arnold, le nouveau Guillermo del Toro lorgne davantage en direction de La Belle et la Bête, utilisant le conte fondateur pour composer les contours de son histoire d’amour entre une jeune femme et un monstre attachant. Plus précisément, l’histoire d’Elisa Esposito, femme de ménage dans un laboratoire secret où est retenue prisonnière une créature amphibique sur laquelle sont menées des expériences. Une relation étrange va se nouer entre cette femme muette et cette mystérieuse bestiole batracienne, relation d’amitié et d’empathie qui va tourner à l’aventure amoureuse.

L’amour est comme l’eau, cristallin, insaisissable, vital, il peut prendre plusieurs formes, s’adapter à son environnement, et il est indispensable à la vie. Courbé au creux de cette vision poético-métaphorique qui va épouser le fond comme la forme, The Shape of Water (le titre original plus mélodieux) est une fable qui s’amuse à quitter les terres codifiées du conte à la Disney pour une vision plus… savoureusement charnelle. Ici, il est question d’une jeune princesse muette qui se masturbe volontiers dans son bain, de torture dans un sous-sol austère, d’une histoire d’amour « zoophile », et de corps à corps entre une femme nue et un humanoïde-poisson. On est bien loin de l’univers propret du studio de Mickey, et Del Toro se régale de ce ton gentiment transgressif à travers lequel il parle d’amour sans sombrer dans la candeur stupide, à travers lequel il profite également pour faire lui-même sa propre déclaration d’amour, celle envers ce septième art qui représente toute sa vie. Hommage aux monster movies, hommage aux films noirs, aux comédies romantiques et aux comédies musicales des années 50-60, La Forme de l’eau transpire le cinéma à chaque minute.

Malheureusement, et malgré ses belles promesses et ambitions, le film de Guillermo Del Toro rate un peu le coche de son intention première : cette quête du lyrisme poétique qui étreindrait l’œuvre de part en part. Certes, La Forme de l’eau est poétique, mais pas assez pour faire tourner les têtes et emporter les cœurs. Or, c’était l’argument premier de ce conte qui ne brille pas par la force de son scénario, ni la puissance de ses enjeux somme toute très limités. Et parce qu’il n’a justement pas grand chose à proposer d’un point de vue purement dramatique au-delà de sa trame vite « résumable », La Forme de l’eau s’essouffle, et laisse poindre une douce musique d’ennui alors qu’il étire péniblement un récit manquant de densité et d’intensité émotionnelle pour le porter. Afin de compenser, Del Toro essaie alors d’étoffer ses personnages, secondaires notamment, mais ça ne suffit pas. Si l’on est séduit à chaque apparition de la toujours excellente Octavia Spencer, si l’on se régale devant le cabotinage du « méchant » Michael Shannon, La Forme de l’eau peine à soulever l’émotion qui aurait dû être son moteur premier. Reste une mise en scène somptueuse, une formidable Sally Hawkins, une photo magnifique illustrant un immense travail sur les couleurs, et une partition magique signée d’un grand Alexandre Desplat, pour rendre cette romance fantastique plus intéressante sur la forme que sur le fond, où elle enfonce naïvement des portes ouvertes en philosophant sur l’amour, en exploitant un schéma narratif éculé. Mais doit-on se contenter du bel écrin d’une boîte un peu vide ?

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

 

5 thoughts on “LA FORME DE L’EAU de Guillermo del Toro : la critique du film

  1. Somptueux conte. Profondément intelligent nuancé fluide comme l eau.
    D une rare pureté. Regardez avec les yeux de cinéphiles pas au premier degré.
    Je suis enchantée. Les oscars ne sont pas donné au hasard.
    Du même cinéaste je me suis détectée du labyrinte de pan

  2. Comme brillamment analysé et écrit dans l’article de critique rédigé ci-dessus, l’esthétique baroque et la forme onirique de ce film l’emportent hélas sur la capacité à susciter l’émotion du spectateur et à le plonger dans une intensité et une profondeur psychologiques, quasi absentes de ces deux heures de « joli mais ennuyeux conte fantastique »… Je n’ai ni franchement ri ni pleuré à la vision de cette œuvre cinématographique certes agréable à nos yeux et oreilles, mais tellement décevante pour le cœur et l’esprit ! J’attendais bien mieux de ce film pourtant lauréat de plusieurs récompenses légitimes eu égard aux talents de l’héroïne et du compositeur de la bande son. Bernard-Errick LECCIA

  3. D’un ennui sans fond ou Del Toro ne se gène pas pour allègrement piller dans l’univers de JP Jeunet,
    Rien à sauver, tout juste une série B ou pouvant servir d »épisode d’X-Files

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