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CLIMAX de Gaspar Noé : la critique du film

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Carte d’identité :
Nom : Climax
Père : Gaspar Noé
Date de naissance : 2018
Majorité : 19 septembre 2018
Type : Sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h35 / Poids : NC
Genre
: Drame

Livret de famille : Sofia Boutella, Romain Guillermic, Souheila Yacoub…

Signes particuliers : Immersif, inconfortable, extrême, Climax nous fait ressentir des choses, pour le meilleur comme pour le pire.

UNE EXPÉRIENCE DU MALAISE

LA CRITIQUE DE CLIMAX

Résumé : Naître et mourir sont des expériences extraordinaires. Vivre est un plaisir fugitif.

C’est du côté de Cannes en mai dernier que l’iconoclaste Gaspar Noé a refait surface, trois ans après les exploits sexuels en 3D de son magnétique Love. Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, Climax est le nouveau rejeton taré du cinéaste le plus jusqu’au-boutiste du cinéma français, dont les derniers travaux ont commencé à disperser ses fans de la première heure. Certains ont décroché face aux envolées expérimentales d’Enter the Void, d’autres ont été exaspérés par le charnel Love. Avec Climax, Noé avait la possibilité de fédérer à nouveau derrière son cinéma toujours aussi transgressif. Pour cela, le réalisateur s’est appuyé sur un postulat assez simple, même s’il met un certain temps à se dessiner après une introduction déconcertante s’ouvrant sur des interviews face-caméra puis enchaînant avec une longue performance artistique dansée en temps réel. Ce postulat de Climax, c’est celui d’une nuit cauchemardesque. Après une répétition épuisante dans une sorte de grand gymnase perdu au milieu de nulle part, une troupe de danseurs-performeurs s’adonne à une petite fête minimaliste. De la musique, des gobelets en plastique, de la sangria maison. Rien d’exceptionnel, si ce n’est une substance glissée insidieusement dans le bol de sangria, qui va faire dérailler tout le monde.

Avant de pénétrez dans l’expérience anarchique qu’est Climax, il est bon de savoir à quoi s’attendre. En enfermant le spectateur dans un huis-clos en simili-temps réel pour filmer une soirée partant en vrille à cause d’une substance hallucinogène que tout le monde va consommer à son insu, Gaspar Noé propulse le spectateur dans une œuvre tutoyant la folie et le nauséeux. Et pour ce faire, le cinéaste va utiliser tous les artifices chers à son cinéma quasi-expérimental pour provoquer des sensations d’inconfort, de déstabilisation, de malaise vomitif. Climax, c’est comme ces gueules de bois hardcore où l’on ne contrôle plus rien au point d’en être pas bien, où l’on a la sensation que tout tourne tellement autour de soi que l’on en devient malade. Image dégradée, lumière saturée, caméra qui bouge dans tous les sens, cadrages hasardeux, tantôt de près, de loin, aériens ou à l’envers, générique éclaté en plusieurs fois tout au long du film, musiques assourdissantes, citations, images semi-subliminales… Climax est comme un collage sensoriel recherchant l’immersion extrême au point de ressentir dans la salle, les mêmes émotions d’incompréhension et de déstabilisation que les personnages à l’écran. Et pour y parvenir, Gaspar Noé ne recule devant rien, déployant une mise en scène incontrôlable qui vient coller et renforcer ce récit d’une nuit ingérable où le contrôle a disparu, grignoté par la folie qui a envahi peu à peu ces jeunes en perdition.Avec Climax, Gaspar Noé signe un film paradoxal, limite schizophrénique, extrême et capable de tous les extrêmes, pour le meilleur comme pour le pire. L’histoire est linéaire mais dans cette linéarité naît une complète anarchie chaotique, le réalisateur est encadré par une trame mais totalement libre de ses mouvements une fois qu’elle est posée. On peut y voir la déconstruction absolu de son cinéma comme on peut y voir la somme de ses précédents travaux, intensifiés dans une nouvelle expérience filmique jusqu’au-boutiste. On y retrouve des effets similaires à ceux déjà employés dans Irréversible ou Enter the Void, l’atmosphère malaisante du premier et le caractère sensoriel du second. Mais dans le même temps, Noé abuse de sa rhétorique cinématographie, abuse des motifs de son cinéma, abuse de son éternel amour pour la provocation. Autant d’abus qui l’amènent à venir à flirter avec l’auto-caricature grotesque, comme si son génie d’antan se transformait soudainement en risible enfumage. C’est sur un fil que va évoluer d’un bout à l’autre Climax, en fonctionnant comme une expérience qui pousse à bout. A travers elle, Noé cherche avant tout à provoquer des réactions, qu’elles soient de fascination ou de rejet, d’ébranlement ou de colère. Et sur ce point, le cinéaste réussit son coup. Impossible de sortir de la salle en n’ayant rien ressenti. Climax est si extrême dans sa mise en scène, sa narration, sa musicalité, son hystérie et son spectacle de l’horreur, que le résultat nous pousse forcément à réagir face à lui, en bien ou en mal. Rien que pour ça, Gaspard Noé peut cocher son pari comme gagnant. Une fois passé ce checking-point, vient la question d’après, savoir si tout cela se limite à un simple trip barré cherchant à pousser le spectateur dans ses plus profonds retranchements. En somme, Gaspar Noé arrive t-il à dire quelque-chose ou Climax n’est-il qu’un triste objet de provoc gratuit ? En grattant le vernis d’une œuvre bordélique et surchargée, on pourra y deviner une métaphore évidente. A travers un groupe représentatif, Climax est une allégorie de la dislocation du tissu social et de la société en général, dont la folie a poussé les hommes à se monter les uns contre les autres avant que leurs pulsions ne fassent le reste.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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