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A LA MERVEILLE (critique)

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Nom : To the wonder
Père : Terrence Malick
Livret de famille : Ben Affleck (Neil), Olga Kurylenko (Marina), Rachel McAdams (Jane), Javier Bardem (Père Quintana), Tatiana Chiline (Tatiana)
Date de naissance : 2012 / Nationalité : Etats-Unis
Taille/Poids : 1h58 – 32 millions $

Signes particuliers (+) : Toujours cette esthétique superbe chère à T. Malick.

Signes particuliers (-) : Prétentieux, ennuyeux, plombé par sa facilité pompeuse (une voix off déclamant solennellement des textes existentialistes lourds sur l’amour, appliqués sur de belles images répétitives, 2h00 durant). Malick est devenu sa propre caricature.

 

AH LA MERVEILLE… POUR DORMIR !

Résumé : Neil, un écrivain américain, rencontre Marina en France. Ils tombent amoureux, vivent de beaux moments et partent vivre en Oklahoma avec Tatiana, la petite fille de Marina. Là-bas, leur relation se fragilise, Marina s’ennuie. Elle repart en France. Neil rencontre Jane. Mais les problèmes de Marina à l’autre bout du monde ne s’arrangent pas. Neil est tiraillé entre ses deux grands amours de sa vie. De son côté, le père Quintana est en proie au doute, sa foi est en crise…

Avant, Terrence Malik, c’était 20 ans d’écart entre deux films. Aujourd’hui, c’est deux ans soit un zéro de moins. Un zéro qui manque cruellement car le cinéaste est en train d’illustrer à la perfection l’adage vieux comme le monde : mieux vaut la qualité que la quantité. Celui qui n’avait signé que cinq films en 32 ans de carrière entre 1973 et 2005 (pour quasiment cinq chefs d’œuvre) a pris un virage étonnant pour s’engouffre sur une pente savonneuse qui fait peine à voir. Terrence Malik rimait avec une aura exceptionnelle, metteur en scène de génie aussi rare qu’époustouflant. C’était avant mai 2011 et la découverte à Cannes de The Tree of Life, son come back sept ans après Le Nouveau Monde, qui avait divisé la critique. Prétentieux, ennuyeux, à la limite parfois du supportable voire du grotesque, ce retour ambitieux n’avait guère été payant et c’est un euphémisme de le dire. Et voilà que le rythme « malickien » continue de se resserrer. Mars 2013 (déjà !), arrive A la Merveille, porté par un couple composé de l’ex-mannequin ukrainien révélé par son rôle dans le James Bond Quantum of Solace, Olga Kurylenko et la star Ben Affleck, ainsi que l’espagnol talentueux Javier Bardem et la douce Rachel McAdams. Un drame qui philosophe « en profondeur » sur l’amour et la foi avec toujours le style poético-lyrique cher à Malik mis en avant.

Pour les fans de son cinéma artistique, généralement gage de qualité, Terrence Malik avait beaucoup à se faire pardonner. Même si The Tree of Life n’avait pas déçu tout le monde, il avait été en tout cas très loin d’emporter l’adhésion et n’avait pas été la claque traditionnellement attendue quand on se précipite voir le nouveau film du génie. Un homme, deux femmes à différents moments de sa vie, l’amour fort et intense, plus puissant que tout, celui qui détruit autant qu’il ne construit, celui qui bouleverse autant qu’il ne ravage. A côté, un ecclésiastique, torturé, en plein doute, en pleine crise de foi. Et toujours cette magie des images, ce sens inné de l’art couché sur pellicule qu’a le cinéaste qui sait mieux que personne composer, créer, avec son fabuleux sens du cadrage, de l’éclairage juste, de la mise en scène. Incontestablement, Malick n’a pas perdu la main et s’il y a bien une chose que l’on ne pourra pas lui reprocher (et personne ne la lui a reproché déjà sur The Tree of Life), c’est bien la plastique de ses films, toujours aussi beaux, toujours aussi magiques et enivrants. Le metteur en scène brosse de multiples petits tableaux, effleurant des moments de vie, dessinant la constance de l’amour qui déchire, qui fait mal, mais qui est dans le même temps la plus belle chose qui soit. A la Merveille parle de la relation fusionnelle entre ce sentiment et l’existence à travers le personnage de Neil, un écrivain vivant dans une petite ville d’Oklahoma. En France, il rencontre Marina, une belle jeune femme divorcée qui a une petite fille de dix ans. Il tombe amoureux, elle aussi. Ils vivent des moments intenses, magiques. C’est l’amour fort, passionnel. Ils partent tous ensemble en Amérique. Mais Marina se sent vite piégée dans cette nouvelle vie, elle s’ennuie et l’inéluctable arrive, Marina retourne en France. Neil retrouve Jane, une ancienne amie. Il s’attache, retombe amoureux. Mais rien ne va pour Marina, et Neil est tiraillé entre ses deux amours. Le Père Quintana a lui aussi le même mal. Il est tiraillé entre deux formes d’amour et doute de sa foi. Deux hommes, deux femmes, quatre comédiens et une idée commune motrice pour tisser ce film philosophique  réfléchissant sur l’Amour avec un grand « A ». « A » comme assommant aussi…

Terrence Malik retombe dans les mêmes travers que ceux qui ont plombé son précédent exercice. Prétentieux, ennuyeux, A la Merveille (du surnom du Mont Saint-Michel où une partie du film se passe) est d’une lourdeur soporifique fastidieuse. Pas une lourdeur indigeste, comme on en rencontre que trop souvent au cinéma, non, le film a cette légèreté imagée propre aux films de l’auteur. Mais une lourdeur pompeuse, accentuée par l’omniprésence d’une voix off (celle d’Olga Krylenko) qui déclame des textes poético-philosophique d’une bêtise à tomber, d’autant que c’est une philosophie de comptoir qui régie un film vite lassant, jamais poignant, jamais envoutant, faussement sensible pointant du doigt un Malick devenant plus imposteur qu’artiste de talent. Les personnages ? Ben Affleck mutique comme jamais, qui ne parle pas ou peu, Kurylenko qui passe son temps à sourire, faire une moue triste, sourire, faire une moue triste et danser le reste du temps, McAdams, qui s’en sort sur le peu de temps qui lui est octroyé et Bardem, quasi-instantanément insupportable. Baigné dans une atmosphère vaporeuse et une esthétique voilée lumineuse qui sonnent terriblement artificielles, A la Merveille se vit comme un très très long voyage en compagnie de personnages qui sonnent tout aussi faux, eux aussi. En fait, rien ne prend dans un film qui tend à prouver que plus le temps passe, et plus ce néo-Terrence Malik plus prolifique se caricature lui-même avec des films qui recherchent le sens très profond à outrance au mépris de toute narration, de toute histoire touchante de résonance envers le spectateur. A se focaliser uniquement sur la force et la portée évocatrice de ses œuvres, le cinéaste devient maniériste et en oublie qu’il fait du cinéma pour des spectateurs se retrouvant dans une posture passive devant un sermon filmique expérimental terrassant qui n’a rien de sensoriel, comme cela semble être le but d’un cahier des charges suivi à la lettre. Il n’y a plus rien de merveilleux à voir un génie se fourvoyer ainsi. Une fois, ça peut être un accident de parcours. Deux fois… Inquiétant ?

Répétitif, appuyé, maniéré, A la Merveille (et ses images de Paris et de la France rappelant une pub pour un parfum) est un effort recherchant un hypnotisme onirique et impressionniste vain et creux, que la poésie malickienne ne sauve pas de la léthargie ambiante. On voudrait y voir du superbe et du somptueux, mais les yeux fermés, l’affaire est mal engagée. Fermés soit car le cinéaste nous a eu à l’usure, soit pour reposer un cerveau migraineux tourmenté par ces insupportables textes débités sans cesse langoureusement sur de belles images… C’était déjà le reproche majeur fait à The Tree of Life, c’est le même cette fois-ci. Espérons que Terrence Malick va vite se sortir de ce carcan agaçant et cesser de croire que de la monotone poésie verbeuse mise sur de jolies images léchées suffit à faire une œuvre d’art cinématographique. Ca donne juste un résultat poseur où le cinéaste se regarde filmer ses comédiens dans des plans répétitifs entre cadrages serrés sur des visages tiraillés tristes et plans larges d’un couple enlacés vivant des moments de bonheur dans la campagne, au mont Saint-Michel, au jardin du Luxembourg, dans un TGV, dans le Paris kitsch pour touristes etc… etc… Épuisant.

Bande-annonce :

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