Nom : September 5
Père : Tim Fehlbaum
Date de naissance : 05 février 2025
Type : sortie en salles
Nationalité : USA, Allemagne
Taille : 1h35 / Poids : NC
Genre : Thriller, Drame
Livret de Famille : Peter Sarsgaard, John Magaro, Ben Chaplin, Leonie Benesch, Zinedine Soualem…
Signes particuliers : Passionnant, intelligent, haletant.
Synopsis : 5 septembre nous replonge dans l’événement qui a changé le monde des médias à jamais et qui continue de résonner à l’heure où l’information, le direct et la maîtrise de l’antenne reste l’objet de nombreux débats. Le film se déroule lors des Jeux Olympiques de Munich de 1972 où l’équipe de télévision américaine se voit contrainte d’interrompre subitement la diffusion des compétitions, pour couvrir la prise d’otage en direct d’athlètes israéliens. Un évènement suivi à l’époque par environ un milliard de personnes dans le monde entier. Au cœur de l’histoire, l’ambitieux jeune producteur Geoff veut faire ses preuves auprès de Roone Arledge, son patron et légendaire directeur de télévision. Avec sa collègue et interprète allemande Marianne, son mentor Marvin Bader, Geoff va se retrouver confronté aux dilemmes de l’information en continu et de la moralité.
RÉCIT TÉLÉVISÉ D’UNE JOURNÉE NOIRE
NOTRE AVIS SUR 5 SEPTEMBRE
5 septembre 1972, les Jeux Olympiques en Allemagne battent leur plein quand l’effroi s’abat sur les festivités sportives. Au cœur du village olympique, un commando terroriste prend en otage une délégation d’athlètes israéliens. Steven Spielberg avait déjà raconté l’histoire tragiquement connue avec son Munich en 2005. On aurait pu craindre un effet de redite mais 5 Septembre propose tout autre chose, tant sur la forme que sur le fond. Le réalisateur suisse Tim Fehlbaum (Hell, Tides) relate la journée terrible du 5 septembre 1972 en prenant comme point de vue, les équipes d’ABC Sports peu habituées à couvrir le News. Coincées dans la régie de leur studio au plus près du site olympique, elles vont mettre tout en œuvre pour rendre compte au monde de ce qu’il se passe du côté de Munich.
Incarné par de bons comédiens plutôt que par des stars (l’excellent Peter Sarsgaard, John Magaro, Ben Chaplin), dépourvu d’emphase dramatique ou du sensationnalisme spielbergien, concentré sur une journée unique observée selon un point de vue unique et depuis un lieu unique (la régie télé du studio d’ABC sur place que l’on ne quittera quasiment jamais), 5 Septembre est un thriller qui trouve sa redoutable efficacité dans l’épure. Pas de brodage narratif, pas d’embardées hors du sujet, pas de gras cinématographique, le film de Tim Fehlbaum opte pour une vision resserrée qu’il va tenir coûte que coûte, du début à la fin. Tout passe par des conversations, par des coups de fil, par la radio, par les images qui arrivent au studio. Ce que les personnages ignorent, on l’ignore avec eux. Ce qu’ils apprennent, on l’apprend en même temps qu’eux. Ce parti pris du quasi huis-clos autour d’une poignée de protagonistes qui cherchent à savoir ce qu’il se passe dehors, à une centaine de mètres du studio, va conférer une tension insoutenable à ce 5 Septembre, thriller captivant d’une indéniable réussite. On a beau connaître l’histoire et son épilogue, le film nous la remémore frontalement en usant d’un montage énergique et d’une épatante précision des plans.
Mais la plus grande intelligence du film est de réussir à raconter plus que son seul sujet trop connu pour passionner à lui-seul. Sans jamais le perdre de vue une seule seconde, 5 Septembre questionne la spectacularisation du drame à l’heure de l’information moderne. Les J.O. de Munich furent les premiers à bénéficier d’une diffusion mondiale en direct par satellite. De fait, les attentats qui ont endeuillé la fête du sport furent les premiers à être suivis en temps réel dans le monde entier à la télévision. Et la situation comme le film de poser des questions alors fondamentales (et dont les médias actuels feraient bien de se remémorer). Quoi montrer à l’antenne ? Ou s’arrêter ? Quand couper le direct ? Ces questions étaient nouvelles à l’époque et alors que la situation était plus suivie que l’alunissage d’Apollo 11 trois ans auparavant, elles sont vite devenues un modèle de cas de conscience journalistique et éditoriale. Et si les terroristes mettent leurs menaces à exécution et assassine un otage, doit-on filmer ou couper brutalement l’antenne ? Sachant que les familles des victimes sont très probablement devant leurs postes à suivre le sort des leurs ? Et si l’on rend compte précisément de ce qu’il se trame, ne risque t-on pas d’informer les terroristes en même temps que le monde entier ? Et leur donner pareille tribune mondiale « en live tv », n’est-ce pas jouer le jeu de leur histoire à eux ?
Véritable noeud d’enjeux à divers étages et échelles, 5 Septembre est définitivement un film passionnant. Outre le devoir de mémoire, à plus forte raison dans le climat tendu actuel, le film de Tim Fehlbaum pose sur la table le débat du rôle de la télévision et des médias en général avides de scoops et qui, sous concert de vouloir « informer », prennent le risque de se fourvoyer dans le voyeurisme, voire pire dans l’erreur par précipitation. Boule de stress qui tient en haleine par son impressionnante concision narrative et formelle, 5 Septembre est un film plutôt brillant, parfaitement interprété, minutieusement reconstitué et surtout d’une grande intelligence dans l’épaisseur qu’il prend au fur et à mesure qu’il progresse intensément dans le vif de ses sujets.
Par Nicolas Rieux