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SUCKER PUNCH (critique – action)

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note 8.5
Carte d’identité :
Nom : Sucker Punch
Père : Zack Snyder
Livret de famille : Emily Browning (Baby Doll), Abbie Cornish (Sweet Pea), Jena Malone (Rocket), Vanessa Hudgens (Blondie), Jamie Chung (Amber), Carla Gugino (Dr Gorski), John Hamm (High Roller), Scott Glenn (le sage), Oscar Isaac (Blue Jones)…
Date de naissance : 2011 / Nationalité : USA
Taille/Poids : 1h50 – 82 millions $

Signes particuliers (+) : Une merveille esthétique, sonore et visuelle, de chaque instant au service d’un malin scénario à tiroirs bien plus intelligent qu’il n’y paraît. Sucker Punch est l’alliage parfait entre le plaisir coupable au casting ultra-sexy et le grand film de cinéma proposant une vision et un univers singulier. Zack Snyder est un génie moderne. Bon sinon, voir la liste en majuscules ci-dessous…

Signes particuliers (-) : x

 

DESPERATE LOLITAS

Résumé : Babydoll est internée en hôpital psychiatrique après avoir accidentellement tué sa petite sœur en essayant de la protéger de son beau-père qui voulait abuser d’elle. Mentalement et en compagnie de quelques autres jeunes patientes, elle va se servir de son imagination pour ouvrir des portes sur de folles aventures lui permettant de s’évader de son monde cauchemadesque…

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FURIEUX BRUYANT ACTION DOUBLE ACTION SEXY DÉCHAINEMENT TOTAL DÉJANTÉ IMMERSIF BARRÉ ACTION ÉROTIQUE ÉROTISANT ACTION VISUEL SENSORIEL FOU UNIQUE EXPÉRIENCE PLASTIQUE ACTION SEXY DOUBLE SEXY ACTION MUSICAL EXPLOSIF INTENSE DESTRUCTEUR DIFFÉRENT FUN TERRIBLEMENT FUN BOURRIN TOUCHANT ATTACHANT SCOTCHANT SUR-VITAMINÉ DÉCOMPLEXÉ MONUMENTAL JOUISSIF EFFRÉNÉ FRÉNÉTIQUE DÉFOULOIR BABYDOLL !!!!

Sucker Punch

Ce bordel foutraque de mots en réalité organisé et pensé, est à l’image du dernier film du génial Zack Snyder, auteur touche-à-tout foisonnant d’idées et qui nous aura déjà mis à genoux avec L’Armée des Morts, relecture percutante du Zombie de George Romero, avant de définitivement faire adhérer une large communauté de fans par ses brillants 300 (pour le péplum), Watchmen (pour le film de super-héros) ou Le Royaume de Ga’Hoole (pour le dessin animé). Mais Sucker Punch est surtout le nouveau point d’achoppement entre partisans et détracteurs du cinéaste texan. La guerre est ouverte, les blogs et sites sont en surchauffe, les débats risquent d’être enflammés et passionnés. Car cette œuvre dantesque, apothéose absolue du style du metteur en scène, est à la fois un exercice de style monumental sur la forme mais également une œuvre énorme dans le fond, basée sur un scénario retors aux multiples niveaux de lectures. Jusqu’à présent, Snyder n’avait jamais eu de projet personnel. Son film d’horreur était un remake. Son péplum était l’adaptation d’un comics, de même pour son ambitieuse adaptation de Watchmen et son dessin-animé était une commande. La nouveauté, cette fois-ci, est que Sucker Punch sort de l’imagination folle de cet immense génie moderne. Projet personnel, ambitions décuplées, technologies de pointes, budget de taille (82 millions de dollars) : tout est réuni pour que cette hallucinante œuvre visuelle soit un monument.

Sucker Punch

Il est des tas de façons d’aborder et de parler de ce dernier opus de Snyder. La plus simple, la plus courte et directe est tout simplement par le commencement à l’image du Pulp Fiction de Tarantino : son titre. Qu’est-ce que « Sucker Punch » ?

Définition : Expression anglaise signifiant littéralement « attaque surprise ». En boxe, le terme désigne un coup porté par surprise à son adversaire de sorte qu’il soit sonné et ne puise réagir.
Traduction cinématographique : Sucker Punch... On entre dans la salle, on regarde et on en ressort complètement sonné et abasourdi par ce qui est réalité une pure expérience visuelle et sensorielle, comme le fut 300 il y a quelques années.

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Premier point d’achoppement, Sucker Punch est un joyeux bordel jouissif et intense mais qui n’a de bordélique que sa conceptualisation, et encore… Car formellement, Snyder prouve une fois de plus toute l’étendue de son talent de plasticien vif. Chaque plan y est pensé, réfléchi, soigné, du cadrage à la lumière, de la couleur à la texture (rappelons que Snyder vient d’une école d’arts plastiques à la base comme Michael Bay entre autres) mais également de la musique à la composition et au contenu de l’image. Chaque séquence est au final un tableau admirable de perfection visuelle et plastique. Frénétique et fou, Sucker Punch est un film épileptique dans le bon sens du terme. Car contrairement à d’autres qui font de l’épileptique dans une recherche d’un maximum d’efficacité gratuite, le texan Snyder a recours à un montage ultra-vif et dément mais visant une recherche formelle et visuelle impliquant le spectateur dans une aventure trépidante au rythme où elle se doit d’être vécue. C’est toute la nuance fondamentale qui est bon de rappeler à ceux qui qualifieront ce génie du XXIeme siècle de cinéaste clippesque sans talent. Oui, les films de Snyder sont survitaminés, oui, ils vont à 200 à l’heure visuellement parlant. Oui, le montage y est fou, frénétique, speedé et sous acide. Mais il est CONTRÔLÉ ! Il est contrôlé, parfaitement organisé et millimétré dans une recherche de perfection formelle et plastique tendant au passage vers le fun maximal afin de contenter le spectateur geek amateur du style et du genre. Chez Snyder, le montage sert une recherche de la poésie sensorielle de l’image.

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Second point, Sucker Punch est particulier dans sa forme.  Pour prendre un exemple concret, imaginons côte à côte deux photos. D’un côté, une charmante femme au charme naturel, de l’autre, une beauté sublime frôlant la perfection incarnée mais retouchée par ordinateur. Réaction ? Sucker Punch, comme 300 il y a quelques années, fait cet effet là et soulève à nouveau le débat du cinéma numérique. Non pas que le cinéaste ne veuille faire l’apologie de la beauté informatique. Mais tout simplement car il a sa disposition, un ensemble technologique lui permettant de sublimer son œuvre et d’en ouvrir des possibilités imaginaires délirantes. Pour beaucoup, l’on sort du cadre du « cinéma » pour entrer dans celui de « l’informatique ». Mais une autre façon de concevoir la chose est de se rendre à l’évidence que, concernant cette œuvre, on entre tout simplement dans un autre type de cinéma, ni pire ni meilleur, juste différent. Un cinéma qui certes est artificiel dans sa conception mais un cinéma quand même. Snyder n’a pas recours à l’ordinateur pour simplement étaler son savoir-faire en matière d’effets spéciaux. Il se sert d’un outil pour créer, pour fabriquer. La grande question n’est pas « est-ce du cinéma ou pas ? » auquel cas l’on peut se poser la question pour n’importe quel dessin animé actuel à une époque où les bonnes vieilles planches à dessins ont disparu au profit des ordinateurs. La question est plus : « êtes-vous prêt à sauter un fossé pour aborder une autre façon de voir, de concevoir le cinéma ? ». L’avis et la relation que l’on aura vis-à-vis de Sucker Punch sont conditionnés à la réponse à cette question. Pouvez-vous accepter cette façon de faire du cinéma ? Mais bien sûr, cet état de fait n’ôte en rien un principe élémentaire du septième art à savoir qu’ilreste conditionné à ce qu’il soit bien fait, bien employé et à bon escient. La débauche d’effets et la retouche systématique de l’image par ordinateur peut être très vite un défaut quand le rendu est juste de la soupe imbuvable, quand le but visé ne se justifie pas. Snyder y a recours mais avec un but noble : la recherche d’une nouvelle forme de perfection visuelle et plastique. C’est beau, c’est parfait. Peu importe la méthode employée, l’important est alors la finalité. Et la finalité est simple. Bien qu’elle soit « informatisée », l’oeuvre est artistiquement belle. Snyder, depuis 300, aborde le cinéma d’une façon nouvelle qui dérange certains puristes du cinéma. Mais au moins, chez lui, le recours aux CGI se justifie par une finalité attrayante, la recherche d’un beau, l’expérimentation d’une nouvelle forme de plasticité cinématographique. S’arrête t-il donc ici ? Non. Car le reste suit. L’univers qu’il développe est profondément passionnant. Et le résultat est jouissivement et résolument fun. Ce qui explique partiellement pourquoi il est autant critiqué. Car le cinéma « fun » n’a que trop rarement le mérite que l’on devrait lui rendre alors qu’on oublie souvent que c’est pour cela que le cinéma fut créer au départ avant que bien sûr, l’on ne se rende compte des possibilités de discours qu’il pouvait amener.

Sucker Punch

Mais Quid du résultat ? Sucker Punch est une oeuvre dantesque à l’arrière-goût « grindhouse » qui fulgure l’écran dans une folie bouillonnante et incisive. Snyder pose un décor fort d’une introduction relevant du clip élégant sur fond musical d’une rare beauté et rappelant le Antichrist de Lars Von Trier. Babydoll, jeune fille à la beauté lunaire, se dresse contre un père tyrannique et abusif qui allait s’en prendre à sa jeune soeur. Mais le drame, registre en toile de fond sur lequel va se jouer tout le film, est qu’elle manque sa cible. D’un coup de revolver, elle tue accidentellement sa petite sœur. Désireux de récupérer l’héritage de la défunte mère des jeunes filles, le beau-père saisit l’occasion de se débarrasser de cet ange sauvage qu’est Babydoll. Cet acte de désespoir rageur va la conduire à être internée dans un hôpital psychiatrique sordide dont elle n’aura que la pensée pour s’évader de son cauchemar. Son imagination va lui permettre ainsi, d’ouvrir des portes closes, de s’extraire d’un milieu crasseux et invivable pour se lancer dans des aventures folles et délirantes qui n’auront de cesse d’entretenir des ponts avec la réalité pour peu de débusquer les nombreux indices glissés ça et là tout un long d’un récit d’une immense richesse. Cette introduction posant les bases du récit, se fait sur une reprise délectable du Sweet Dreams d’Eurythmics chantée par la belle Emily Browning en personne, interprétant Babydoll. Une chanson qui n’a rien d’un hasard tant elle pose, par ses textes, la situation de la jeune femme. Babydoll est fragilisée, on se sert d’elle, on abuse d’elle, on se fait abuser par elle et tout le monde attend d’elle quelque chose. Mais Babydoll garde la tête haute et elle est décidé à se battre, à se révolter. C’est en compagnie d’un groupe de jeunes filles internées avec elle, qu’elle va se lancer dans sa croisade pour accomplir des missions qui n’ont pour but, que fantasmagoriquement, de traduire ses plans pour s’échapper de cet enfer. Des missions qui vont l’amener mentalement avec ses acolytes, à combattre des dragons, à livrer une guerre contre des nazis dans la Seconde Guerre Mondiale, à traverser une ville futuriste etc.

SUCKER PUNCH

A l’instar de James Cameron pour Avatar, Sucker Punch sera par ailleurs beaucoup critiqué pour son scénario parfois qualifié de simpliste. Mais il semble que beaucoup confondent « trame » et « scénario ». Et si la trame générale peut paraître simple (une fille internée s’évadant dans des aventures imaginaires), le scénario lui ne l’est pas. Pas plus que la façon dont le cinéaste le développe, ouvrant des possibilités grandes. Au contraire, Sucker Punch est d’une richesse narrative et thématique emblématique d’une catégorie de films qui demandent maintes et maintes visions pour en saisir toute l’incroyable essence, toute la profondeur insoupçonnée. Sucker Punch possède en effet de nombreux niveaux de lectures et chaque question pouvant être soulevée, trouve sa réponse dans un détail, un indice caché au sein même du film. Beaucoup de choses seront affaires d’interprétation selon l’angle à partir duquel on aborde l’œuvre. Qui raconte l’histoire en voix off ? Qui est la véritable héroïne du film ? Où est notre pauvre Babydoll ? Dans quel état ou condition ? Que lui arrive t-il au final de cette tragédie ? Ou se situe t-on dans le récit par rapport à elle et où se situe t-elle par rapport au récit ? Et même, ou se situe t-elle tout court dans le récit ? Snyder brouille les pistes pour permettre au spectateur de réfléchir, de s’interroger mais ne manque pas de distiller des réponses au gré de scènes en apparences mystérieuses mais qui se complètent les unes les autres. C’est tout un jeu subtil entretenant de nombreux ponts entre la réalité et l’imaginaire qui s’ouvre, opérant des allers et retours incessants entre l’un et l’autre monde en brouillant les cartes dans cette plongée hallucinatoire et hallucinée dans un cerveau étrange, malade ou au contraire lucide, malin ou au contraire perturbé. Là est toute la question des actes et de la condition d’une Babydoll traumatisée par son passé, traumatisée par son présent et par ses perspectives de futurs. Une Babydoll qui va devoir se créer un monde pour échapper à la terrifiante et révoltante réalité. Un scénario jugé simpliste à tort ? Certainement. Car Snyder met en place un système de miroirs où les (et non « le ») récits s’emboîtent et où de nombreuses scènes viennent remettre en cause ce qui semble évident, ce qui semble être pris pour acquis. La réalité et le fantasme d’une réalité s’entremêlent. Plusieurs versions et variations à l’histoire sont plausibles. On en recense au moins 3 ou 4 différentes et tout est donc affaire d’interprétation à la guise de tout un chacun. Fantasme isolé ou commun ? Réalité dissociée ou linéaire ? Lobotomie avant ou après les évènements ? Les personnages sont-ils des entités propres ou des personnalités créés par un esprit perturbé se démultipliant ? Quel esprit ? Quelles personnalités ? Qui est qui ? Que traduisent ces univers mentalement inventé par rapport à la réalité environnante ? Seules des analyses poussées pourront appuyer telle ou telle thèse possible après un travail de fourmi pour récolter les nombreux éléments cachés mais néanmoins proposés par Snyder. Dans tous les cas, on ne peut décemment accuser un tel travail complexe de « simpliste ». Pour une première création originale, Snyder frappe fort. Très fort.

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Et dans ce foisonnant puzzle scénaristique à la complexité incroyable, le cinéaste n’en oublie pas de nous livrer un divertissement au summum du pop-cornesque. Résolument déjanté et barré, Sucker Punch nous entraîne dans des tableaux à différentes époques, dans différents univers où notre groupe de lolitas va combattre en tenues sexy et affriolantes, toutes sortes d’ennemis personnifiant quelque part leur quête d’évasion de cet hôpital sordide. Quand on parle de fun, que demander de plus qu’un groupe de petites nanas en jupette qui vont se mettre sur la gueule avec des nazis étranges, avec des dragons immenses etc. Sucker Punch recherche et produit du fun dans sa plus pure expression et à notre plus grand régal. La sensuelle Emily Browning emmène ce petit groupe de femmes nerveuses et féministement viriles, composé d’une Vanessa Hudgens (Blondie) à tomber raide amoureux, d’une Abbie Cornish (Sweet Pea) charismatique et au rôle bien plus important qu’il n’y paraît, d’une Jamie Chung (Amber) à se damner et d’une Jane Malone (Rocket) plus effacée mais tout aussi capitale. Et puisque l’on est dans le casting, la sublime Carla Gugino (Snake Eyes) prête à sa moue à une psychiatre de velours s’opposant au charme animal d’un Oscar Isaac des grands soirs en infirmier terrifiant et autoritaire.

Sucker Punch

Visuellement parlant, Snyder déploie tout l’arsenal de son talent à tous les étages de son œuvre enchaînant les séquences les plus couillues avec des plans d’un raffinement esthétique d’une rare maîtrise. On pensera à ce superbe plan-séquence traversant un miroir en figure de proue de cette mise en scène alternant folie furieuse et élégance stylistique magnifiant un imaginaire visuel riche en diversité formelle entre l’hôpital austère et la visualisation mentale qu’en fait Babydoll pour se sortir de cette réalité abominable, l’imaginant en music-hall fringuant et classieux, entre les différentes aventures, du film de guerre d’époque, à l’héroic-fantasy en passant par la science-fiction…

Sucker Punch

Sucker Punch n’est clairement pas à mettre entre toutes les mains. Le style de Snyder est un style spécial, très particulier et force est d’admettre qu’il ne conviendra pas à tout le monde. C’est pour cela que son dernier bébé ne fera jamais l’unanimité, ne sera jamais dans la tonalité « grise ». Il y a de grandes chances pour que le public soit divisé : d’un côté ceux qui adoreront et de l’autre, ceux qui détesteront. La particularité visuelle de Sucker Punch s’adresse essentiellement à un public geek souvent fan du style du cinéaste mais pour une fois, les discussions autour du film seront vaines. On adhèrera à l’œuvre ou on restera sur le pas de la porte sans jamais pouvoir en franchir le seuil. Mais pour les amateurs, il y a de grandes chances que l’on veuille au plus vite, en sortant de la salle, reprendre la baffe reçue, revoir Babydoll et ses compagnes en tenues d’écolières affriolantes, ravoir les yeux explosés et éclaboussés par la folle maestria géniale de Snyder, réentendre Emily Browning chanter sa reprise romantico-mélancolico-rock de Sweet Dreams… Bref, revoir Sucker Punch une seconde fois et pour le plaisir des yeux et pour l’analyse d’une œuvre intense et prenante mais dont le fond posera bien des interrogations, bien des questions en suspens. Un fond que seules les multiples visions éclaireront. Car la richesse de ce sombre, noir et mélancoliquement désespéré Sucker Punch est de pouvoir y découvrir sans cesse de nouvelles choses à côté desquelles on serait passé la première fois. On aurait envie d’hurler : merci Snyder pour ce cadeau !

Bande-annonce :

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