Nom : Le dossier Maldoror
Père : Fabrice Du Welz
Date de naissance : 15 janvier 2025
Type : sortie en salles
Nationalité : France, Belgique
Taille : 2h35 / Poids : NC
Genre : Thriller, Policier
Livret de Famille : Anthony Bajon, Alba Gaia Bellugi, Alexis Manenti, Sergi Lopez, Laurent Lucas, Béatrice Dalle, Mélanie Doutey, Jackie Berroyer, Félix Maritaud, Guillaume Duhesme…
Signes particuliers : Un très grand polar.
Synopsis : Belgique, 1995. La disparition inquiétante de deux jeunes filles bouleverse la population et déclenche une frénésie médiatique sans précédent. Paul Chartier, jeune gendarme idéaliste, rejoint l’opération secrète « Maldoror » dédiée à la surveillance d’un suspect récidiviste. Confronté aux dysfonctionnements du système policier, il se lance seul dans une chasse à l’homme qui le fera sombrer dans l’obsession.
L’HORREUR DROIT DANS LES YEUX
NOTRE AVIS SUR LE DOSSIER MALDOROR
La carrière de Fabrice du Welz a souvent paru sur courant alternatif. Pour un bon film salué, un loupé et on recommence. La révélation avec Calvaire, la descente avec Vinyan et surtout Colt 45. Le réveil éclatant avec Alléluia puis le plus anecdotique avec Message from the King. L’éblouissement avec Adoration puis le naufrage avec Inexorable. Dans cette logique du film sur deux (ou presque), le prochain Le Dossier Maldoror était censé être le sursaut d’orgueil. Et quel sursaut ! Quel film, mes enfants !
Inspiré de faits réels, Le Dossier Maldoror nous ramène dans la Belgique des années 90 et plonge dans l’horreur d’une enquête sur la disparition de deux fillettes. Entre une forte pression médiatique et des dysfonctionnements dans le système policier, le jeune idéaliste qu’est Paul Chartier se lance dans une chasse à l’homme obsessionnelle sur fond de trafic pédophile et va côtoyer les plus sombres méandres de l’espèce humaine.
Se réclamant des plus grands polars dont il se veut un héritier à la fois rétro et moderne, Le Dossier Maldoror est un film policier à enquête intense et terrifiant dont la rage n’a d’égale que l’intensité qui l’anime de la première à la dernière minute. Convoquant autant Les Rivières Pourpres que Zodiac ou Seven, Le Dossier Maldoror s’accroche à un réalisme terrible vissé au portrait d’un cauchemar tristement connu et dont il ne dévie que pour tenter, au final, d’y apposer une issue cathartique. Fabrice du Welz signe une plongée horrifiante et horrifiée dans un milieu au cynisme effroyable. Horrifiante par la dureté, le malaise et la colère que génèrent les questions de pédophilie, horrifiée car le cinéaste se sert comme vecteur d’immersion, d’un jeune gendarme pétri d’idéaux et dont la noble droiture va être fortement malmenée et écornée par les failles de réalités judiciaires et politiques insensées. Au point de s’y perdre lui-même. À la fois thriller, film d’enquête et drame psychologique, Le Dossier Maldoror est un choc à tous les niveaux.
Parce que la pédophilie est probablement l’une des pires horreurs humaines qui soit, les accointances de Fabrice du Welz pour le cinéma de genre deviennent une aide précieuse pour retranscrire cette histoire librement inspirée de l’affaire Dutroux. Le Dossier Maldoror prend vite des airs de fresque vertigineuse dans laquelle un homme juste s’abîme. Plus il creuse, plus ce Paul Chartier (impressionnant Anthony Bajon) perd des miettes de son âme face à la noirceur qu’il côtoie et face à son incapacité à pouvoir la combattre, freiné par les procédures, par les guéguerres minables entre services, par les multiples défaillances d’un système judiciaire qui tourne à l’envers et par la lâcheté de ceux qui refusent de se mouiller un peu trop de peur de salir leur costume impeccable. L’horreur, Fabrice du Welz la regarde droit dans les yeux avec un long-métrage qui flirte volontairement avec le cinéma de genre, de la narration à la direction artistique en passant par la mise en scène. Cette dernière est tour à tour crue, lyrique, poisseuse ou opératique, froidement calme ou puissamment viscérale. Elle a cette capacité de tendre d’angoisse, d’horrifier de noirceur, d’indigner de révolte cauchemardesque ou de sublimer le tragique sacrificiel du parcours de son héros avec lequel on partage fort les hurlements d’impuissance.
Véritable piège cinématographique dont il est impossible de s’extraire, Le Dossier Maldoror est âpre, amer, douloureux, une immersion tentaculaire sous tension portée par une ambiance anxiogène voire mortifère s’approchant de la quintessence du Mal pervers qui œuvre et évolue en sous-main tout autour de nous, dans l’ombre de la société. Et alors que ce Mal contamine le film, il vampirise l’écran et un héros tourmenté par son obsession de lui crever les yeux, par sa peur de l’échec et du poids de la culpabilité. Chaque idée est admirablement traitée et illustrée par Fabrice du Welz, et au moins autant admirablement incarnée à l’écran par ce grand acteur qu’est Anthony Bajon, par tous ceux qui l’entourent (Alexis Manenti, Laurent Lucas et les autres) ou encore par un excellent Sergi Lopez dans un rôle très difficile.
Par Nicolas Rieux