Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : The Thing
Père : John Carpenter
Date de naissance : 1982
Majorité : 27 janvier 2016
Type : Ressortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 1h48 / Poids : 15 M$
Genre : Epouvante-horreur
Livret de famille : Kurt Russell (McReady), T.K. Carter (Nauls), Wilford Brimley (Blair), David Clennon (Palmer), Keith David (Childs), Richard A. Dysart (Cooper), Charles Hallahan (Norris), Richard Masur (Clark), Donald Moffat (Gary), Peter Maloney (Bennings)…
Signes particuliers : Le chef-d’œuvre absolu de Big John ressort en salles en version restaurée, grâce à Splendor Films.
LE SALAIRE DE LA PEUR
LA CRITIQUE
Résumé : Hiver 1982 au cœur de l’Antarctique. Une équipe de chercheurs composée de 12 hommes, découvre un corps enfoui sous la neige depuis plus de 100 000 ans. Décongelée, la créature retourne à la vie en prenant la forme de celui qu’elle veut ; dès lors, le soupçon s’installe entre les hommes de l’équipe. Où se cache la créature ? Qui habite-t-elle ? Un véritable combat s’engage.L’INTRO :
Si l’on devait dire et justifier pourquoi John Carpenter a mérité ses galons de « Maître de l’horreur« , alors il suffirait de répondre : « parce que The Thing« . Ou plutôt « parce que Halloween et The Thing » pour être plus précis. Alors que le chef d’œuvre de Big John a subi les affres d’un remake ridicule et sans intérêt il y a quatre ans, comme bon nombre de classiques passés à la moulinette hollywoodienne pour alimenter les tiroirs caisses d’une industrie à court d’idées, rien ne valait une bonne ressortie sur grand écran de ce classique originel et fondateur, morceau de bravoure du cinéma horrifique réalisé en 1982 par un Carpenter alors au sommet de son art. Ironiquement, The Thing était pourtant déjà lui-même un remake, celui du daté La Chose d’un Autre Monde, signé Christian Niby et Howard Hawks, en 1951. Mais accoucher d’un remake juste pour faire un lifting à un vieux film, aucun intérêt pour Big John. Ce qui l’intéressait, c’était le challenge de faire autre chose, et The Thing n’entretenait finalement pas grand-chose en commun avec son prédécesseur. Quittant les routes de la science-fiction, Carpenter aura filé toutes voiles dehors vers ce qu’il maîtrisait le mieux, le genre. Mais pas n’importe lequel, pas l’horreur tape-à-l’œil et vulgairement sensationnaliste. Non, plutôt la terreur sourde et angoissante, jouant avec nos nerfs et avec notre imaginaire facilement « tétanisable« , pour peu que l’on sache bien si prendre correctement. Et il savait s’y prendre, mieux que personne le John…L’AVIS :
Avec The Thing, Carpenter était revenu aux origines de l’histoire, au roman Le Ciel est Mort de John Campbell paru en 1948, et dont il va signer une adaptation plus fidèle, après avoir découvert le film de Niby et Hawks, dont il était un immense fan (à tel point, qu’il avait transposé dans un autre univers quelques années auparavant, son Rio Bravo avec l’excellent Assaut). Mettant aux prises dans une station scientifique isolée au fin fond de l’Antarctique glacial et enneigé, un groupe d’hommes et une créature extraterrestre métamorphe, capable de prendre l’apparence de ce qu’elle croise de vivant, Carpenter ne savait pas qu’il s’apprêtait à signer l’un des films les plus cultes du genre. Un film qui n’aura pas vraiment fonctionné à sa sortie, mais qui gagnera son statut avec le temps et l’explosion du marché de la vidéo. Premier volet de ce que le cinéaste appelle sa « trilogie de l’apocalypse » avec Le Prince des Ténèbres et L’Antre de la Folie, The Thing est peut-être bien son film le plus abouti et sans aucun doute l’un de ses meilleurs, parvenant à atteindre l’excellence dans son registre. Pas étonnant de voir qu’il inspirera nombre d’œuvres par la suite, qui lui feront ouvertement référence. Pour le premier rôle, le cinéaste fait appel à Kurt Russell, acteur avec lequel il avait aimé collaborer sur Le Roman d’Elvis puis New York 97, et qu’il retrouvera par la suite pour Jack Burton puis Los Angeles 2013. Les deux compères s’associaient donc pour la troisième fois, en vu d’un film… glacial !
The Thing impressionne par la faculté avec laquelle Carpenter parvient à se jouer des nerfs de son audience. Plutôt que d’œuvrer dans un registre visuel et graphique pour happer le public, le cinéaste va privilégier l’ambiance. Poussé par une musique angoissante pondue par un grand Ennio Morricone (encore aujourd’hui fier de son travail sur cette œuvre magistrale) et s’inscrivant dans le pur style des mélodies lancinantes chères au metteur en scène, Carpenter va s’ingénier à faire de son atmosphère terrifiante, une constante croissante au fur et à mesure du déroulement d’un scénario à la maîtrise absolue. A l’instar du Alien de Ridley Scott une paire d’années auparavant, Carpenter ne va pas montrer quoique ce soit tout de suite. Il va prendre son temps pour mieux nous glacer d’effroi avec des choses élémentaires, des présences dans l’ombre, des bruits, des évènements horrifiques presque anodins mais qui vont logiquement semer un doute provoquant l’explosion de cette petite cellule d’hommes isolés dans un huis clos de génie. Et la tension de grimper encore et encore, au diapason des soupçons inquiets et de la peur, alors que la confiance en chacun vole en éclat, que la paranoïa se répand partout. Dehors, quelque chose, on ne sait pas trop quoi mais quelque chose. Habile et maîtrisant son sujet, Carpenter sait suggérer pour être redoutablement efficace, tenant religieusement son idée que n’importe quel effet spécial ou trucage, ne vaudra jamais l’illustration des plus pures terreurs nocturnes de l’enfance, celles tapies dans l’ombre, sous la lit ou dans le placard entrouvert.
Monument de peur cauchemardesque et étouffante, The Thing va alors briller par sa capacité à hypnotiser un spectateur placé sous sa coupe. Un spectateur qui s’identifie au personnage de Kurt Russell, dépassé, piégé, confiné. Carpenter va ménager sa terreur sourde jusqu’au bout, jusqu’à l’arrivée de Rob Bottin, génie des effets et maquillages. Et quand le récit l’imposera, quand le paroxysme de l’angoisse atteindra son plus haut niveau, alors il sera temps de dégainer son travail. On n’est pas prêt d’oublier l’haletante séance de dépistage du ou des contaminés, pas plus que les fugaces apparitions sourdes de la créature, son vrai visage ô combien effrayant et marquant quand il se révèlera, ou encore l’ambiance qui se dégage de ce chaos en pleine construction. The Thing est bel et bien un chef d’œuvre majeur et reconnu de l’horreur qui, 34 ans après sa sortie, n’a pas perdu un gramme de son efficacité. Et grâce à Splendor Films, ce sommet du genre renaît aujourd’hui sur grand écran. The Thing ressort au cinéma et qu’on se le tienne pour dit, il a toujours pour lui, la force de balayer sur son passage, n’importe laquelle des œuvres horrifiques actuelles.
Les salles proposant le film pour le moment :
Paris : Cinéma le Grand Action (5è arr.), Publicis Cinémas Champs Élysées (8è arr.), Luminor (4è arr.)
Amiens (Cinéma Orson Welles), Besançon (Cinéma Victor Hugo), Caen (Cinema Lux), Epinal (Palace), Cherbourg (Odéon), Lille (Cinémas Métropole et Majestic), La Roche sur Yon (Cinéma Le Concorde), Montbéliard (Colisée), Poitiers (Tap Castille)
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux