Mondociné

NO PAIN NO GAIN de Michael Bay
– critique – en salles – (thriller, comédie)

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note 7
Carte d’identité :
Nom : Pain & Gain
Père : Michael Bay
Livret de famille : Mark Wahlberg (Lugo), Dwayne Johnson (Paul), Anthony Mackie (Adrian), Ed Harris (Ed Du Bois), Tony Shalhoub (Victor), Bar Paly (Sorina), Ken Jeong (Johnny Wu), Rob Corddry (John), Rebel Wilson (Robin), Michael Rispoli (Frank)…
Date de naissance : 2013
Majorité au : 11 septembre 2013 (en salles)
Nationalité : USA
Taille : 2h09
Poids : 26 millions $

Signes particuliers (+) : Thriller trash, Hilarant et décalé ou une comédie très noire et dramatique, Pain & Gain est un mélange aussi incroyable que l’histoire vraie qu’il raconte. Michael Bay délaisse le sur-spectaculaire pour proposer une petite série B tournée à l’économie et surprend à se transcender avec cette jouissive pépite complètement allumée et grinçante, touchante et plus profonde qu’elle n’y paraît, portée par d’exceptionnels comédiens. Nerveux, percutant, délirant, Pain & Gain est une sacrée surprise aux antipodes du style habituel du cinéaste, sublimement mise en scène, avec une vraie vision et surtout l’intelligence d’avoir su la prendre par le seul angle d’attaque qui pouvait lui conférer de la crédibilité au-delà de sa loufoquerie : le second degré. Gé-nial !

Signes particuliers (-) : Rien de fatal mais comme souvent, Bay ne peut pas s’empêcher de vouloir trop bien faire et tombe dans quelques excès pas bien méchants mais qui atténue légèrement la puissance de son film dans sa globalité. Quelques excès de potacherie, parfois d’hystérie et de longueur sur l’ensemble.

 

LES TROIS STOOGES DU CRIME

Résumé : L’histoire vraie du Sun Gym Gang à Miami en 1994. Daniel Lugo, coach sportif culturiste dans une salle de sport, souffre d’un manque de considération et veut croquer le rêve américain. Il recrute deux amis, un ex-taulard ultra-musclé et idiot et un jeune compagnon de stéroïdes influençable, affecté par son impuissance, conséquence directe des médicaments. Ensemble, ils vont tenter d’enlever un riche propriétaire de restaurants pour le séquestrer et l’obliger à leur léguer tous ces biens…

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L’INTRO :

Après des années d’adolescence cinématographique fun et régressive où Michael Bay rêvait d’entrer dans la cour des grands (et en un sens, c’est allègrement fait), le cinéaste texan pique aujourd’hui sa petite crise de la quarantaine, la même que pas mal de cinéastes comme lui ont connu, connaissent ou connaîtront, caractérisée par cette envie passagère de lâcher prise d’avec le système le temps d’un film ou deux, de se sentir libre, vivant, fou, créatif. Dans les faits ? Dans les faits, ça passe par une petite pause revitalisante entre deux blockbusters à 150 millions de dollars, mise à profit pour un coup d’œil en arrière embrassant avec nostalgie le chemin parcouru jusqu’ici, doublé d’une furieuse et grandissante envie de se ressourcer sur le plan artistique, de renouer le cinéma des débuts, de retrouver le plaisir des petits séries B à faible ou moyen budget, tournée à l’économie, l’énergie et l’envie, accouchée à l’inventivité et à la passion avec la rage du poing levé. Contrairement à ce que l’on serait en droit de penser, Bay s’y connaît dans le domaine, lui qui avait emballé le premier Bad Boys pour 20 ridicules millions en rusant et en injectant la majeure partie de son salaire dans le film pour combler le manque d’argent nécessaire et se payer quelques explosions supplémentaires qu’il savait très bien qu’elles rehausserait le niveau de spectacularité de son film. C’est donc un Michael Bay qui délaisse deux minutes les immenses robots des Transformers, saga exténuante dans laquelle il est enfermé depuis 2007, pour d’offrir une parenthèse enchantée, seulement animé par le plaisir de concrétiser un projet qui lui tenait à cœur depuis près de treize ans et qu’il a pu rendre réalité après un petit deal post-Transformers 3. Un film monté pour seulement 26 millions de dollars à la force du poignet et de concession (Bay, comme Dwayne The Rock Johnson et Mark Walhberg, ont accepté de ne percevoir aucun salaire et d’être payés sur les futures recettes pour réduire le budget) et inspiré d’une histoire vraie…

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Pain & Gain revient sur l’incroyable histoire du surnommé le Sun Gym Gang, micro-groupe de malfrats de fortune qui aura fait les choux gras de la presse à faits divers dans les années 90. Incroyable parce qu’on vous la raconterait que vous n’y croiriez pas, pensant à une blague destinée aux crédules. D’ailleurs, plus question désormais de se moquer des « surfeurs braqueurs de banques » d’un Point Break car l’histoire du gang Sun Gym nous apprend bien que parfois, la réalité se révèle bien plus étonnante que les plus folles fictions. Octobre 1994 à Miami, Daniel Lugo, un coach sportif d’une salle de musculation passionné par le culturisme, monte un coup aussi absurde que maladroit. Par ras-le-bol d’être traité comme un moins que rien par les souvent richissimes clients de la salle où il bosse, par envie de lui-aussi croquer au rêve américain, d’obtenir la part du gâteau qu’il n’a jamais reçue, Lugo recrute deux amis et fomente un plan improbable visant à enlever un riche propriétaire de restaurants, à lui faire signer tous les documents nécessaires prouvant qu’il leur lègue sa fortune puis à le relâcher, eux riches, lui dépouillés. Rien que sur le papier, tout le monde aura un sourire à la lecture d’une idée qui trahit d’emblée ses fissures mais le trio, convaincu par la fougue de son leader, y croyait. Et c’est ainsi qu’un petit groupe de culturistes bodybuildés est tombé dans le crime avec enlèvements, séquestrations, meurtres… Pour camper ces personnages réels dont l’histoire est narrée à partir d’articles de presse et d’un livre écrit par le journaliste Pete Collins, Michael Bay convoque un super casting malgré son manque d’argent (il est malin et convaincant pépère). Mark Walhberg, que Bay va retrouver dans peu de temps puisqu’il sera le nouveau héros des prochains Transformers, incarnera le leader Daniel Lugo, le reste du trio étant composé de Dwayne Johnson et du grandissant Anthony Mackie (Gangster Squad, Real Steel, Abraham Lincoln Chasseur de Vampires…). Autour d’eux, Tony Shalhoub (Monk) sera leur victime, Ken Jeong (le taré Chow des Very Bad Trip) un de ces coachs de vie prêcheurs vantant la force intérieure et Ed Harris (qui retrouve Bay 17 ans après Rock) un privé opiniâtre.

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On aurait aimé vous dire que Michael Bay fait du Michael Bay, histoire que les amateurs puissent d’ores et déjà s’en lécher les babines. Sauf que ce n’est pas le cas. Les seules réminiscences du style du bonhomme, sont quelques déploiements de policiers, le soleil écrasant de la Floride, quelques petits bikinis très alléchants et un soupçon de placement produit (Nike sponsorise le film). Pour le reste, force est d’avouer que le texan nous en a bouché un coin. Avec Pain & Gain, c’est un autre Michael Bay auquel on est confronté, un Bay au visage diffèrent, au style aux antipodes de son travail habituel malgré quelques récurrences. Plus proche de ses personnages, plus viscéral, moins archétypal, ouvertement second degré, avec une vraie vision de mise en scène ne se limitant pas à la seule efficacité, Bay signe un petit bijou régalant. Terminé (enfin pour l’instant) le sur-découpage clippesque ou le travail de réalisation en salle de montage; à l’image de son personnage, le cinéaste se transforme en fonceur. Plans immersifs collés aux basques de ses protagonistes, réalisation percutante caméra à l’épaule tout en densité, en richesse et en épaisseur, alors qu’un style et une vision se dessinent entièrement au tournage, sans se reposer plus que nécessaire sur les artifices truqueurs et trompeurs d’un banc de montage, Bay étonne, surprend surtout, prenant toute la mesure de son sujet et montrant qu’avec une véritable histoire à incarner, il peut faire des merveilles.

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Pain & Gain est un bien étrange mélange. Une sorte de croisement entre le récent cinéma de David Ayer (End of Watch), l’esprit loufdingue des Frères Coen, la comédie noire façon Pulp Fiction, la stylisation presque expérimentaliste à la feu Tony Scott, le tout dans ambiance gangsta cool lorgnant du côté d’un Training Day, l’énervant ton nauséabond en moins et le décalage d’approche second degré en plus. C’est là qu’il fait d’ailleurs toute la différence entre ce qu’aurait pu et ce qu’est Pain & Gain. En lieu et place d’une approche sérieuse et premier degré, Bay préfère illustrer le rocambolesque improbable de son histoire par un ton complètement déjanté qui finalement fonctionne à merveille car restitue à merveille l’esprit « what the fuck » de cette histoire surréaliste. Le fait que ces gangsters du dimanche soient des pieds nickelés ridicules, véritables neuneus naïfs et loosers, permet à Bay de jouer avec l’empathie en leur conférant un côté touchant, presque attendrissant au-delà de leurs méfaits. Là où un Training Day nous prenait en otage dans une espèce de puante « clinquant-isation » de la cool attitude du gangster, Pain & Gain trouve sans cesse le parfait dosage vis-à-vis d ses personnages qu’il ne juge jamais, essaie de comprendre, sans pour autant les excuser. Des personnages qui finalement ont un côté presque pathétique dans leurs touchantes aspirations au rêve américain accroché aux valeurs de la Nation louée et respectée, aspirations articulées à leur obsessionnelle et monomaniaque culture de leur corps qui en devient un véritable ressort comique. Mais ce qui fonctionne le plus, c’est finalement la véritable sensibilité cachée derrière des tonnes de muscles bodybuildés empilés. Entre Walhberg, The Rock ou Mackie, Michael Bay tenait un cast de gros bras bien baraqués. Mais même s’il use un peu car il aurait eu tort de s’en priver après tout, l’essentiel du film sera ailleurs. Dans un incessant jeu d’allers et retours entre la façade virile de ces garçons légèrement débiles et leurs failles personnelles, d’un Lugo frustré par sa vie et son statut social à un Paul (Dwayne Johnson) ex-alcoolique et taulard repenti plus suiveur pas futé que meneur bien méchant en passant par un Adrian (Mackie) qui souffre de complexes d’infériorité et qui voudrait juste ressembler à ses acolytes, avoir leur fausse assurance et leurs vrais muscles.

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Trash et complètement barré, Pain & Gain est une sacrée surprise rentre-dedans, pas forcément le plus fendard des Bay mais peut-être son meilleur d’un point de vue artistique. Que ce soit narrativement ou dans sa mise en scène, le cinéaste se transcende, prend la tangente d’avec son travail habituel pour dévoiler une autre facette de son talent. Plus profond, plus singulier, moins artificiellement spectaculaire, Pain& Gain est une réussite à la fois nerveuse, musclée et surtout hilarante. Michael Bay conjugue sa générosité et son talent de plasticien qui se font plus discrets, à un bandant thriller archi-décalé, doté d’une vraie vision et d’un ton original, en parfaite adéquation avec son sujet. Toute la qualité de cette série B est à mettre au crédit de la vista d’un réalisateur qui a su aborder ce projet sous le seul angle qui pouvait le sauver de lui-même et du ridicule inhérent à son histoire qui l’est tout autant. En prenant la voie du comique décalé, et en évitant l’impasse d’avance condamné du sérieux premier degré, 21015399_20130626115702195.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxxBay a fait le bon choix et porte avec sincérité ce film « mineur » par le poids et le succès (50 millions pour 26 de budget, correct mais loin de standards du cinéaste) mais grand par le talent. Il peut en être fier le gaillard car même s’il n’aura pas rencontré un succès foudroyant, il aura au moins rencontré la qualité et Bay pourra prétendre à gagner le respect même de ses détracteurs sauf bien entendu de ceux pour lesquels les quelques défauts du film seront rédhibitoire à toute appréciation. Certes, Pain & Gain est un peu long (il ne cracherait d’ailleurs pas sur petite dizaine de minutes en moins), certes son hystérie (très relative) peut paraître parfois un peu épuisante sur la durée, certes il pourra paraître par endroits un poil putassier à certains (mais faut voir comment le réalisateur se calme par rapport à d’habitude et Rome ne s’est pas faite en un jour) et enfin oui, il tombe de temps à autre dans un léger excès de potacherie. Mais rien de grave ni de fatal en comparaison des qualités ici déployées. Libéré du blockbuster aux responsabilités et exigences écrasantes en terme de divertissement, Bay semble s’éclater comme un malade avec un enfant pas sage entre les mains, un ovni marginal dans sa filmographie, aux antipodes des précédents. Sur une BO d’enfer, il laisse libre court à une créativité démente à tous les égards et signe une série B géniale, traversée de talent de mise en scène, à la fois drôlissimement noire, dramatiquement émouvante, sympathiquement réjouissante et exaltante. Bay est au top, débarrassé des conventions, il révèle un visage que l’on ne connaissait pas, celui d’un mec capable d’accoucher de thrillers dramatico-comiques grinçants où les limites n’existent plus, où la comédie noire déroule sans borne pour la canaliser. Pas besoin de préciser que Pain & Gain est bien aidé par ses comédiens tous exceptionnels à commencer le trio Walhberg-Johnson-Mackie (trois personnalités différentes, trois acteurs grandioses) qui réussissent à merveille à transmettre au public une forme d’empathie pour leur personnage, tous benêts et pas méchants dans le fond mais qui ont franchi la ligne devenant des culturistes criminels dont on se demande s’ils n’étaient pas légèrement attardés tellement leur maladresse devient un élément comique terriblement ravageur. Pain & Gain n’est pas parfait mais franchement, il vaut très largement le détour, qu’on soit pro ou anti-Bay.

Bande-annonce :

Par Nicolas Rieux

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