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MANK de David Fincher : la critique du film [Netflix]

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Carte d’identité :
Nom : Mank
Père : David Fincher
Date de naissance : 2019
Majorité : 04 décembre 2020
Type : disponible sur Netflix
Nationalité : USA
Taille : 2h12 / Poids : NC
Genre : Biopic

Livret de Famille : Gary Oldman, Amanda Seyfried, Lily Collins, Charles Dance, Tom Pelphrey, Tom Burke, Arliss Howard…

Signes particuliers : Une œuvre vertigineuse et complètement folle.

 

 

CITIZEN FINCHER

NOTRE AVIS SUR MANK

Synopsis : Dans ce film qui jette un point de vue caustique sur le Hollywood des années 30, le scénariste Herman J. Mankiewicz, alcoolique invétéré au regard acerbe, tente de boucler à temps le script de Citizen Kane d’Orson Welles.

 

Des années qu’on attendait de revoir David Fincher aux commandes d’un film. Car mine de rien, Gone Girl c’était il y a 6 ans déjà. Six longues années durant lesquelles le génie du bonhomme a été gaspillé sur des projets inaboutis (la suite de World War Z par exemple) avec pour seule satisfaction, son excellente série Mindhunter produite pour Netflix. Netflix justement, c’est encore là que l’on retrouve un Fincher ayant annoncé vouloir continuer à bosser avec la plateforme pour les années à venir, invoquant (et vantant) une liberté créatrice totale qui change des désidératas et autres règles imposées impactant le cinéma hollywoodien actuel. Avouons qu’un projet comme Mank aurait eu bien du mal à jaillir des cuisines d’un studio de « l’usine à rêves » qu’est Hollywood. David Fincher y raconte la genèse du légendaire Citizen Kane d’Orson Welles à travers l’histoire de son scénariste, le fantasque et très alcoolisé Herman Mankiewicz (incarné par Gary Oldman). Le tout en noir et blanc, en mono et façon film des années 40.

De la part de David Fincher, on était en droit d’attendre de la complexité, de l’exigence, une patte, une vision d’artiste différente, loin de tout classicisme ampoulé. Tout ce qu’il propose avec Mank, biopic qui ne ressemble presque en rien à un biopic, davantage à une plongée fiévreuse et bouillonnante dans le Hollywood des années 30/40 en reproduisant un étrange mélange nourri d’une part aux codes des films de l’époque et d’autre part avec la folie artistique qui a fait de Citizen Kane ce qu’il est aujourd’hui, un incroyable chef-d’œuvre visionnaire à l’audace radicale. Ce que l’on retient souvent du classique d’Orson Welles, outre ses plans d’une beauté scandaleuse, c’est sa (dé)construction alambiquée orchestrée autour d’une enquête pour comprendre. Comprendre qui était ce fameux Charles Foster Kane, quel était le sens de ce dernier mot (« Rosebud« ) prononcé dans un soupir. Au gré des interviews d’un journaliste qui s’accompagnent de flashbacks, la vie de cet énigmatique magnat de la presse se dévoile et les mystères se dissipent. Reproduisant ce modèle inspirant afin, au passage, de lui rendre hommage, c’est comme ça que fonctionne Mank, par des flashbacks lui-aussi, qui dévoilent petit à petit pourquoi et comment est né Citizen Kane, portrait d’un magnat inspiré de la vie du puissant William Randolph Hearst. Mais un biopic sur Orson Welles n’aurait pas été un vrai point d’intérêt à creuser. Trop simple, trop facile. S’attarder sur Herman Mankiewicz son scénariste, oui. Là il y avait un vrai sujet fort aux yeux de Fincher (et de son père Jack Fincher, qui avait ce script dans les années 90). Peut-être moins glamour pour le cinéma hollywoodien (un grand nom tel que Welles vs l’histoire du scénariste de l’ombre) mais tellement plus pertinent. C’est là que le côté « carte blanche » made in Netflix entre en piste. Un film « historique » sur l’histoire d’un scénariste, complexe, intellectualisé, vif et tourné en noir et blanc avec l’esthétique de l’époque, Hollywood aurait passé son tour. Pas la plateforme, si fière de « signer Fincher ».

Libre de toute contrainte et diktat, Fincher s’est lâché. Le cinéaste signe un film qui fuse à deux cents à l’heure. Mank fuse sur le plan narratif d’abord, avec un tempo particulier qui lui propre, collant à l’ambiance bouillonnante du microcosme hollywoodien de l’âge d’or. Il fuse aussi dans la retranscription de cet Hollywood, avec une folie quasi obsessionnelle de l’hyper-réalisme. Au diable le besoin de tout simplifier pour le confort du sacro-saint « grand public », Fincher n’en a cure et que ce soit dans la pure reconstitution historique ou dans les noms qui traversent l’histoire, le réalisme prime sur tout au point de destiner le film à un type de spectateur assez cinéphile dira t-on. Si vous ne savez pas qui sont Louis B. Mayer, Irving Thalberg, William Randolph Hearst, Joseph Mankiewicz, Marion Davies, Joseph von Sternberg et consorts… bah renseignez-vous avant, pendant, après. Une chose est sûre, Mank n’est pas là pour tout prémâcher, expliquer et faciliter la prise la main. Cet ultra-réalisme, on le retrouve jusque dans la technique et les choix artistiques, Fincher ayant calqué son œuvre sur celle de Welles, reprenant les effets de mise en scène de Citizen Kane, reproduisant sa photo voire allant jusqu’à utiliser le son mono de l’époque (autant dire qu’Hollywood aurait eu du mal à lâcher le stéréo actuel). Au cœur de cette folie complètement déroutante, Gary Oldman. Fabuleux comme souvent quand son génie surclasse tout, l’acteur livre une composition ahurissante, totalement dévouée à son personnage qu’il incarne sans retenue, mais néanmoins sans surjeu grotesque non plus.

La seule contrepartie à cette démarche hallucinée et hallucinante, c’est que Mank apparaît parfois un peu fouillis, mélange d’extrême bavardage et d’errements narratifs tortueux, certes voulus mais épuisants. Pas de quoi entacher la beauté somptueuse d’une œuvre folle mais il en devient parfois un peu rude. Dans le même temps, on ne peut que saluer une œuvre exigeante qui tranche d’avec les productions trop souvent malléables d’aujourd’hui, pensées davantage pour le confort que pour élever le spectateur. Mank est du vrai et du grand cinéma, dans toute sa splendeur.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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