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LOIN DES HOMMES de David Oelhoffen
Critique – Sortie Ciné

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loin des hommesMondo-mètre
note 8.5 -10
Carte d’identité :
Nom : Loin des Hommes
Pères : David Oelhoffen
Date de naissance : 2014
Majorité : 14 janvier 2015
Type : Sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h41 / Poids : 7,7 M€
Genre : Drame

Livret de famille : Viggo Mortensen (Daru), Reda Kateb (Mohamed), Djemel Barek (Slimane), Vincent Martin (Balducci), Nicolas Giraud (Le Tallec), Jean-Jérôme Esposito (Francis), Yann Goven (René)  …

Signes particuliers : L’année 2015 va démarrer très fort avec Loin des Hommes, drame librement inspiré d’une nouvelle de Marcel Camus et porté par deux comédiens exceptionnels, Reda Kateb et Viggo Mortensen.

SOUS LE SOLEIL DE L’ATLAS

LA CRITIQUE

Résumé : 1954. Alors que la rébellion gronde dans la vallée, deux hommes, que tout oppose, sont contraints de fuir à travers les crêtes de l’Atlas algérien. Au coeur d’un hiver glacial, Daru, instituteur reclus, doit escorter Mohamed, un paysan accusé du meurtre de son cousin. Poursuivis par des villageois réclamant la loi du sang et par des colons revanchards, les deux hommes se révoltent. Ensemble, ils vont lutter pour retrouver leur liberté.Loin des hommes L’INTRO :

Quand un grand acteur doublé d’un grand monsieur, accepte l’invitation d’un jeune cinéaste français à venir partager l’affiche d’un projet humble et méritant… Viggo Mortensen, celui-là même qui a prêté son charisme rugueux au célèbre Aragorn du Seigneur des Anneaux, s’invite dans le cinéma hexagonal pour jouer et produire l’adaptation d’une nouvelle d’Albert Camus. Érudit et polyglotte, Mortensen connaissait déjà parfaitement l’œuvre de l’auteur français et associé à l’excellent Reda Kateb (Un Prophète, Hippocrate) sous l’œil de la caméra du cinéaste David Oelhoffen (Nos Retrouvailles), jaillit Loin des Hommes, drame très librement inspiré de L’Hôte de Camus, passé par plusieurs festivals de renom, Toronto, Venise ou Sarlat, et récompensé de la plus haute distinction au Festival de la Réunion.Loin des hommes 2L’AVIS :

Loin des Hommes nous emmène dans les montagnes de l’Algérie de 1954, à la rencontre d’un instituteur né algérien, mais d’origine franco-espagnole. Un citoyen du monde sans appartenance, vivant isolé dans un pays qui est le sien jusqu’aux premiers signes d’instabilité d’une nation en quête d’indépendance. D’autochtone, « Daru » devient colon. Et sa tranquillité paisible jalousement préservée va être mis en péril par sa rencontre avec Mohamed, paysan accusé de meurtre et qu’il doit contre son gré, escorter jusqu’à une ville voisine. Sauf que Loin des Hommes n’a pas pour vocation de sillonner les terres de la polémique historique, de la controverse ou de la politique. Histoire d’une rencontre sur fond de renaissance, de découverte, de partage et d’amitié, Loin des Hommes va s’attacher à la destinée de deux êtres qui vont se nourrir mutuellement dans un récit humaniste puissant et bouleversant, étrangement façonné aux codes du western mais dont les réelles thématiques proposent une réflexion sur l’altérité, l’égalité, le refus de l’engagement idéologique forcé, sur la difficulté d’y voir clair dans un monde instable, sur la tentation de s’isoler des maux du monde par souci de ne pas prendre parti sur des questions auxquelles on n’a pas les réponses. Car finalement, l’abstention est une conviction et un choix en soi. Si tous les opposent de premier abord, Daru (Viggo Mortensen) et Mohamed (Reda Kateb) partagent en commun les contradictions d’une sensation soudaine à la fois d’enracinement et de déracinement dans une période troublée impactant leur existence. Et porté par sa justesse permanente à tous les points de vue, des personnages au récit conté, de l’équilibre des relations qui vont se nouer aux ressentis déchirants qu’elles vont faire naître, Loin des Hommes se hisse en bijou de sincérité, de véracité et de puissance pudique, aidé dans sa tâche par une mise en scène à la fois empreint d’humilité naturaliste, de symbolisme édifiant et d’intelligence rhétorique (quel jeu avec les cadrages, l’espace ou le rapprochement progressif de la caméra), conférant une profonde densité et gravité à un drame fascinant, implacable et pourtant lumineux.loin des hommes 3

Sous le soleil aride des grandes étendues de l’Atlas, David Oelhoffen ouvre une fenêtre sur le théâtre d’un drame intimiste se jouant dans l’immensité des paysages et dans les soubresauts d’une révolte grandissante et d’une guerre imminente. Une toile de fond offrant un décor à cette chronique humaine aux enjeux forts, aussi bien dans l’histoire générale que dans les personnages qui en sont les vecteurs magnifiques et magnifiés. Le cinéaste utilise à merveille son cadre immense à ciel ouvert, pour symboliser l’isolement de ces deux êtres qui incarnent l’intimisme des victimes plongées au milieu d’une page de l’histoire qui se tourne et qui les dépasse. Un simple récit humain sur deux hommes pris dans une tempête à laquelle ils ne souhaitaient pas prendre part, mais par laquelle ils seront happés bien malgré eux.loin des hommes 5

Lent et dans le même temps passionnant, fascinant et même haletant à sa manière, Loin des Hommes mène son drame étincelant d’espoir avec une exigence qui dégage des sensations contradictoires, quelque chose de brut et d’authentique d’une part, mais aussi de sage et de réfléchi. Cette conjugaison à facettes multiples tend vers une perfection du langage cinématographique alliant pureté totale et richesse intérieure. Tout ce qu’est Loin des Hommes au final. Une histoire pure et riche à la fois, humaine et naturaliste, bavarde et taiseuse, où les regards, les gestes, les situations, en disent souvent bien plus qu’une nuée de dialogues insignifiants. Il fallait pour parvenir à une telle virtuosité du résultat, deux comédiens exceptionnels. Et chanceux qu’il est, David Oelhoffen les tenait avec les fabuleux Reda Kateb et Viggo Mortensen, qui brillent comme deux étoiles au milieu de ces plaines sauvages et arides. Impressionnants d’abnégation et d’abandon total à leur rôle et à l’histoire qu’ils incarnent, le duo est littéralement dévastateur et irradie l’écran avec une subtilité de jeu enivrante décuplant la charge émotionnelle en présence.loin des hommes 4

Loin des Hommes est une équation brillante et complexe. L’addition d’une histoire poignante, d’interprètes touchés par la grâce et d’une vision éclairée, multiplié par le talent d’un cinéaste au service de ce qui se déroule devant sa caméra. Chacun occupe sa fonction, chacun s’efface au profit de l’œuvre, chacun se dépasse, apporte et se nourri de l’autre, pour formaliser ce voyage spirituel, moral, mental, émotionnel et humain. Et c’est de cet état d’esprit que sortent de la terre les grands films et les chefs d’œuvres. Loin des Hommes est-il un chef d’œuvre ? À chacun de juger. C’est en tout cas un très grand film, refusant les raccourcis, les schémas simplificateurs, le démonstratif facile, pour privilégier finesse et densité mirifique. Beau à se damner et d’une profondeur insondable, Loin des Hommes est la quintessence même d’un cinéma d’auteur à portée de tous. Une aventure humaine sublime aux allures de quête existentielle, doublée d’un drame fort en émotion et d’une réflexion subtile sur la fraternité et le respect d’autrui. Exceptionnel, vrai et profondément humain.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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