Mondociné

L’INCOMPRISE d’Asia Argento
Critique – Sortie Ciné

Partagez cet article
Spectateurs

L'incompriseMondo-mètre
note7-10
Carte d’identité :
Nom : Incompresa
Père : Asia Argento
Date de naissance : 2014
Majorité : 26 novembre 2014
Type : Sortie en salles
Nationalité : Italie, France
Taille : 1h43 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de famille : Giulia Salerno (Aria), Charlotte Gainsbourg (la mère), Gabriel Garko (le père), Carolina Poccioni (Lucrezia), Anna Lou Castoldi (Donatina), Alice Pea (Angelica), Andrea Pittorino (Adriano)…

Signes particuliers : L’expérience d’avoir travaillé avec des enfants sur Le Livre de Jérémie a séduite l’actrice-réalisatrice Asia Argento qui a eu à coeur de réitérer l’expérience. S’appuyant sur des éléments de son vécu (le divorce de ses parents) et sur des thématiques universelles, elle signe L’Incomprise, son troisième film.

LES MALHEURS D’ARIA

LA CRITIQUE

Résumé : Aria, neuf ans, fait face à la séparation très violente de ses parents. Au milieu de leurs disputes, mise à l’écart par ses demi-sœurs, elle ne se sent pas aimée. Ballotée de l’un à l’autre, elle erre à travers la ville avec son sac à dos et son chat noir. Frôlant le désespoir, elle essaie de préserver son innocence.341020.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxx L’INTRO :

Actrice, scénariste, cinéaste, chanteuse et même DJ ou écrivain occasionnelle, la belle transalpine Asia Argento est une artiste pluridisciplinaire à l’univers fascinant. Et si elle davantage connue pour sa carrière de comédienne débutée quand elle était adolescente, son cinéma en tant que réalisatrice est tout sauf inintéressant. Pour son troisième long-métrage (après le sulfureux Scarlet Diva en 2000 et l’inconfortable Le Livre de Jérémie en 2004), Asia Argento poursuit dans un cinéma personnel et indépendant empruntant des choses à sa vie autant qu’il ne se veut un récit universel rattaché à des thématiques qui pourront parler à tout un chacun. Surtout, Argento reste dans le sillage de l’enfance malmenée. L’Incomprise brosse le portrait d’une petite fille de neuf ans ballotée par la vie et en proie à un sentiment de rejet désespéré. Un film présenté au dernier Festival de Cannes, dans la section Un Certain Regard.incompresaL’AVIS :

Si le parallèle avec le classique (presque) éponyme de Comencini (L’Incompris – 1967) s’arrêtera à une influence thématique avouée, un discours sur l’enfance incomprise et une citation via un extrait dans une télévision, Asia Argento désamorce et dissipe tout de suite tout malentendu à qui veut l’entendre, concernant sa nouvelle œuvre. Non, il ne s’agit en aucun cas d’un film auto ou même semi-autobiographique. Ce qu’il y a d’apport personnel dans L’Incomprise, demeure au rang de thématiques universelles sur le sentiment de rejet et de désamour que l’on peut éprouver durant l’enfance, notamment de la part des parents ou des amis, à un âge où la fragilité émotionnelle est à son paroxysme. Asia Argento n’en est pas à son premier coup d’essai sur l’enfance meurtrie et torturée. Après Le Livre de Jérémie, la cinéaste creuse encore davantage ce sillon avec un nouveau film à l’équilibre aussi fragile que singulier et précieux. L’Incomprise évolue sur un mince filin entre l’horreur tragique et la luminosité de l’innocence de l’enfance.l'incomprise 1

Dur et douloureux, ce troisième long-métrage se drape dans le candide du regard de l’enfance pour mieux masquer la terrible dureté de son sujet frôlant l’ignoblement cruel et indignant. Empreint d’une noirceur révoltante dans le fond, L’Incomprise adopte sur la forme, une étonnante délicatesse qui s’entremêle à une étrange drôlerie dessinant les contours du portrait de cette gamine attachante et différente, en quête d’amour quel qu’il soit. Mais très rapidement, les masques tombent. Et derrière la poésie et la tendresse du regard enfantin plein de rêves et d’espoir nichés au centre d’un cœur immense comme son désir d’aimer et d’être aimée, ce qui peut prêter à sourire au détour de scènes tragi-comiques est en réalité les nombreux pigments composant un tableau épouvantablement terrifiant, peinture sans concession d’une mal-aimée écartelée au milieu de parents lunatiques et égocentriques capables de rares instants de douce affection comme d’innombrables actes de désamour horrifiant, écartelée au milieu de camarades qui la rejettent pour sa différence, écartelée au milieu de sœurs idéalisées à ses dépends, entre le modèle parfait et adulée et la grande sœur tyrannique, incarnation de la méchanceté à l’état pur… Au centre de ce monde qu’aucun enfant ne devrait connaître, Aria est perdue, délaissée, reniée, traumatisée, encaissant les coups avec la naïveté chimérique qu’un jour, elle aura droit à ce lot d’amour qui lui est déniée.l'incomprise 2

Portrait d’une fillette invisible qui fait tout pour devenir visible aux yeux de ceux qu’elle s’acharne à aimer envers et contre tout, L’incomprise est une œuvre forte et bouleversante, dont la terrible noirceur encadre la luminosité de son petit être fragile, seule étoile dans un vaste ciel sombre. Et puisque l’on parle d’étoile, impossible de ne pas évoquer l’incroyable Guilia Salerno, toute jeune actrice (jouant la comédie depuis ses cinq ans) haute comme trois pommes et dégageant un océan d’émotions derrière ses grands yeux bleus pétillants et magnétiques. Sa chambre de fillette typique, son envie de plaire pour quémander l’affection, son gros sac à dos symbolisant toute la misère qu’elle trimballe avec elle d’un appartement à l’autre au gré des caprices de ses parents se la renvoyant comme un vulgaire encombrement, son chat noir parabole de sa malchance d’être née dans la mauvaise famille et seule figure réconfortante ne la rejetant pas… Guilia Salerno n’a que treize ans et elle incarne tout cela en portant le film sur ses frêles épaules avec un sens inné de la présence dévastatrice, éclipsant presque les formidables interprétations de ses « parents d’un film », Charlotte Gainsbourg en tête (qui a appris l’italien en quelques mois pour les besoins du film de son amie côtoyée sur le tournage de Do Not Disturb) et Gabriel Garko.121377.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxx

Si l’on pourra reprocher à Asia Argento cette récurrente tendance à surcharger musicalement et visuellement ses œuvres portées par tellement de sincérité qu’elles en perdent parfois leur lucidité formelle, L’Incomprise marque une nouvelle fois le talent d’une auteure singulière dont le cinéma a le mérite d’avoir un style, un ton, beaucoup de caractère et des choses à dire. Un cinéma que l’on aime ou que l’on déteste. L’Incomprise a peu de chance de bouleverser la donne tant il est du Asia Argento 100% pur jus, mais il marque en profondeur.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Close
Première visite ?
Retrouvez Mondocine sur les réseaux sociaux