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LE SKYLAB (critique)

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Carte d’identité :
Nom : Le Skylab
Parents : Julie Delpy
Livret de famille : Julie Delpy, Eric Elmosnino, Lou Alvarez, Aure Atika, Noémie Lvovsky, Bernadette Lafont, valérie Bonneton, Emmanuelle Riva, Vincent Lacoste, Sophie Quinton, Marc Ruchmann, Albert Delpy,Denis Ménochet, Jean-Louis Coulloc’h, Karin Viard, Candide Sanchez, Michelle Goddet…
Date de naissance : 2011
Nationalité : France
Taille/Poids : 1h53 – 4,8 millions €.

Signes particuliers (+) : Le genre de film où tout nous est familier, où tout nous parle.

Signes particuliers (-) : Certains y verront un cinéma un peu bobo.

 

RÉUNION DE GRANDE FAMILLE (DU CINÉMA)

Résumé : 1979. Une famille entière, des grands-parents aux petits-enfants, des oncles et tantes aux cousins et cousines, se réunit dans la maison de campagne en Bretagne pour fêter l’anniversaire de la grand-mère. L’occasion d’un week-end animé…

Grande actrice devant, la comédienne Julie Delpy poursuit désormais en parallèle sa belle carrière derrière la caméra où elle s’est révélée être une artiste de grand talent. Après les réussites que furent 2 Days in Paris ou La Comtesse, elle nous revient avec une dernière œuvre originale, la chronique intimiste d’un week-end autour d’une réunion de famille dans la maison de campagne bretonne pour l’anniversaire de la grand-mère à la tête d’un vaste clan hétéroclite. Parents, enfants, frères et sœurs, oncles et tantes, cousins et cousines, grand-oncle, beaux-frères, belles-sœurs, tout le monde est là pour un moment de fête haut en couleurs, faits de tout petits riens traditionnels de ce genre de séjours, d’apéro et de repas, de siestes et de parties de pétanques, de jeux d’enfants et d’engueulades animées où chacun constate les rapprochements et les différences qui les opposent. L’occasion surtout de célébrer le meilleur et le pire de ces réunions familiales qui semblent, dès que la cinéaste y pose son objectif, si communes à tous, si stéréotypées, si similaires d’une famille à l’autre, d’un lieu à l’autre et étrangement, d’une époque à l’autre.

On a tous quelque de familier avec ce Skylab (en référence à la menace planante sur ce week-end de détente, du nom d’un satellite fou dont les scientifiques ont perdu le contrôle et qui est annoncé comme devant s’écraser sur l’Ouest de la France) douce chronique pleine de tendresse et de nostalgie émouvante. Car Delpy ne fait pas un film classique à base d’évènements, de drames ou d’aventures extraordinaires. Concrètement, il ne se passe même rien si ce n’est une peinture simple, tendre et vraie, de l’ordinaire de ces manifestations familiales, qui trouvera un écho chez tout un chacun, comme si en racontant quelque chose qui a pu la marquer personnellement, Delpy arrivait à raconter la vie de tout le monde, à raconter un récit parlant à tout le monde. Comme si elle s’attardait sur une chose commune à tous, intemporelle et partagée par tous. Et Le Skylab de devenir une sorte de Madeleine de Proust collective. On a tous très probablement déjà vécu ces grands repas sans fin durant toute une journée, ces grandes réunions où la totalité de la famille est là, des grands-parents aux petits-enfants en passant par les parents. On a tous connu cet oncle un peu facho, le pan de famille un peu raciste face à celui au contraire gauchiste, la grand-mère qui ne comprend pas la nouvelle génération, les enfants se retrouvant entre cousins et cousines pour faire les 400 coups et veiller tard, la belle-sœur coincée, les divergences entre les cultivés aimant l’art et ceux qui n’y connaissent rien, le vieux grand-père qui perd la tête, les ancêtres à demi sourds, les disputes dès que la politique est mise sur le tapis avec la grand-mère hurlant car elle ne veut pas chamailleries à table au risque d’un ulcère, les rigolades en se remémorant des choses, les boums de village estivales où les enfants s’amusent avec permission de minuit, ont leur premiers baisers et émois, l’oncle maladroit un peu brutal avec ces gamins, la tante délurée, les vieux faisant la sieste pendant que les jeunes jouent aux boules, les apéros, les repas interminables, les soirées au rythme du « un dernier digestif et au lit » sur fond de partie de belote…  Delpy brosse ainsi le portrait d’une journée de fête avec ses hauts et ses bas, ses bons moments et ses écharpages dès qu’un sujet sensible pointe le bout de son nez. C’est la vie, la simple, l’authentique et qui finalement n’a pas besoin d’être mise en scène ou dramatisée pour être trépidante et enjouée et pour nous faire monter un florilège d’émotions nostalgiques. Il suffit de se laisser porter, conduire au rythme de ces stéréotypes d’une sacrée véracité car jamais caricaturaux et ne tombant pas du coup sous la coupe des clichés grotesques. Ces stéréotypes placés dans des personnages tous très différents, cruels de vérité et offrant un large éventail de ce que l’on côtoie, avons côtoyé ou allons côtoyer. Car c’est ça, Le Skylab, une chronique douce sur des choses intemporelles, intergénérationnelles et transfamiliales, passées, présentes ou futures. Des choses qui ne bougeront jamais et que l’on regarde à tout âge avec le même sentiment de familiarité alors que pourtant paradoxalement, le film est très ancré dans une époque précise. Pour chaque personnage, c’est tout un panorama de la société française qui s’offre à nous, la société à demi insouciante de la fin des années 70 (mais qui trouve une résonance forte même dans les décennies qui suivront). Il est des choses qui existaient à cette époque mais qui sont restés. Et d’une époque, Delpy raconte quelque chose d’universel.

La cinéaste compose avec un casting délicieusement variés et piquant. Elmosnino et elle-même en parents hippies babas-cool jamais redescendus de Mai 68, Aure Atika et Jean-Louis Coullo’ch en parents coincés et rigides, Noémie Lvovsky en mère un peu simplette mais touchante avec son gringalet de mari immigré espagnol de la vague ayant fui le franquisme (Candide Sanchez). Et il y a Valérie Bonneton en femme bègue a bout avec son ex-militaire de mari traumatisé par la guerre d’Algérie (Denis Ménochet) ou Bernadette Laffont en matriarche heureuse d’avoir tout sa grande famille avec elle mais se faisant des crampes d’estomac au moindre grain de sable cassant l’harmonie de la journée. Et Vincent Lacoste en ado râleur, agacé d’être trop jeune pour la table des adultes mais trop vieux pour celle des enfants et se coltinant des cousins qu’il ne voit jamais et dont il se contrefout, dépité par cette campagne chiante loin de son univers de bobo parisien.  Tout ce petit monde s’agite sous les yeux de la petite Albertine (Lou Alvarez) qui nous introduit dans ce monde nostalgique, dans ces seventies touchant à leur fin. Albertine qui est notre fil conducteur. Dans un TGV aujourd’hui, Albertine a grandi. Elle est mariée, mère de deux enfants. Elle est jouée par Karin Viard qui regarde le paysage défiler par la fenêtre du wagon et qui va se replonger dans ses souvenirs, comme nous nous replongeons dans les nôtres en voyant le film de Julie Delpy. Le paysage humain de ce Skylab est si riche, si vaste, qu’il est impossible d’en faire le tour car même chez les enfants, toutes les tendances se retrouvent entre le gamin un peu trop obsédé pour son âge, le gamin un peu potache et turbulent, la jeune chippie précieuse et celle qui répète tout ce que sa mère dit ou pense car c’est parole d’évangile.

En deux heures de simplicité filmée, Delpy décortique tous les travers de tout un chacun dans une grande famille ou personne n’est jamais d’accord mais ou, au fond, tout le monde s’aime sans se le dire assez. Car c’est ça Le Skylab… la famille dans toute sa splendeur. Tout ça alors que dehors, un satellite menace de tomber sur Terre, sur l’Ouest, sur la Bretagne, sur le village, sur la maison même à y être ! L’angoisse de Anna (Julie Delpy) de voir cet engin incontrôlable tomber et mettre fin à cette journée, nous rappelle qu’en effet, on ne sait jamais si la prochaine ne sera pas la dernière faute à tout un tas de choses. Qui sait ? Ce que l’on sait en tout cas, c’est qu’il faut alors profiter de ces moments au maximum car ils sont rares et trop courts avec le recul. Le film pourrait durer une heure, deux heures trois heures de plus, que l’on ne s’en rendrait même pas compte. Le Skylab se savoure comme on savourerait ces beaux moments de communion familiale malgré tout ce qui y cloche, malgré tout ce qui nous y agace. Parce que dès fois, ils font du bien et ils laissent des souvenirs impérissables. C’est drôle, c’est émouvant, c’est sincère, c’est beau et surtout, c’est d’une telle justesse. Bref, c’est du Delpy. D’ailleurs à ce propos, madame Julie Delpy, vous êtes bel et bien une grande cinéaste.

Bande-annonce :

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