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INTERVIEW JASON BLUM : ON A RENCONTRÉ LE PRODUCTEUR DES SUCCÈS PARANORMAL ACTIVITY, SINISTER, INSIDIOUS, THE PURGE

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Jason+Blum+Insidious+Chapter+2+Premieres+Universal+X2AhleuSChclOn a eu la chance de rencontrer le producteur américain à succès, Jason Blum, fondateur de la société Blumhouse Productions, derrière des hits comme la saga Paranormal Activity, Insidious, Sinister ou The Purge. Il était de passage à Paris au début de l’été à l’occasion de la promotion de American Nightmare 2, qui sortira sur les écrans le 23 juillet prochain. Extraits de la rencontre… Retrouvez également notre critique du film, ici.

A l’époque du premier American Nightmare, quand James DeMonaco est venu vous voir,  qu’est-ce qui vous a intrigué dans le pitch et qu’est-ce qui vous semble encore intéressant aujourd’hui ?

Jason Blum : D’abord, je voudrais dire que la raison pour laquelle je produis des films à petit budget, c’est que, bon d’abord ça peut générer de gros profits, mais surtout, ça nous donne une liberté créative totale pour faire des choses différentes et parfois un peu barrées. American Nightmare relève de ça. James DeMonaco est venu me voir en me demandant ce que je pensais du pitch de The Purge, ce que je pensais de cette idée qu’une fois par an, pendant une nuit, tous les crimes étaient légaux… S’il était allé voir un studio hollywoodien, ç’aurait été un sujet bien trop difficile et controversé à cause des problèmes de société, notamment la question sensible de la légalisation du port d’arme aux Etats-Unis. Mais ce type d’idée allait parfaitement dans le cinéma que je veux produire. Petit budget mais un concept dramatique fort.

 

Deux ans après le premier The Purge, les thèmes sociaux notamment la fracture entre les riches et les pauvres (qui vivent une nuit bien différente) sont toujours aussi pertinents ?

J.B. : Ce qui est bien ce que je peux parler plus librement en France qu’aux Etats-Unis… Le premier était plus porté sur la question du port et du contrôle des armes alors que le second est plus tourné vers la lutte des classes. D’ailleurs, aux États-Unis, le film est simplement appelé The Purge. En France, c’est American Nightmare. Et j’adore ce titre français ! C’est exactement ce qu’on voulait montrer, un vrai « cauchemar américain ». Chose amusante, quand je sors de projections aux Etats-Unis, des journalistes me demandent souvent si je ne pense pas que ça serait une bonne idée !

 

Et votre avis ?

J.B. : (rires). Non, je ne pense pas que ça serait une bonne idée. Une des choses qui a fait germer le projet dans la tête de James DeMonaco, ce sont les nombreuses fusillades qui ont eu lieu dans les campus américains. Une des solutions proposées par les gouvernements locaux, c’est de mettre des gardes armés dans le écoles. C’était leur solution. Mais au fond, si on veut tous se protéger de la même manière, ça finirait peut-être en tuerie générale.

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Il paraît que l’idée originelle est venue chez James DeMonaco à cause d’un accident…

J.B. : Oui, James et sa femme habitent à Staten Island et un jour, une voiture leur a coupé la route, provoquant un accident. Ou presque. James a lâché, comme on le dit souvent, « J’ai envie de le tuer celui-là ». Sa femme l’a regardé et lui a dit : « tu n’as qu’à en faire un film ». Voilà comment est né The Purge.

 

Ou a été tourné le film ?

J.B. : Il a été tourné à Los Angeles, pendant 27 jours. On tourne presque toujours à L.A. parce que tout le monde travaille pour nous presque gratuitement ou au minimum garanti. Donc c’est difficile de dire aux gens qu’ils vont être peu payés et qu’en plus, ils vont devoir aller à Vancouver ou en Roumanie. Si au moins ils peuvent rentrer le soir en famille, c’est mieux. Le truc, c’est qu’en fait, on travaille avec un pool d’environ 250 à 300 personnes. On emploie régulièrement les mêmes personnes, notamment un petit noyau dur d’environ 70 personnes qui est comme ma compagnie théâtrale.

 

C’est drôle que vous parliez de théâtre car c’est là que vous avez rencontré Ethan Hawke, justement, avec lequel vous avez travaillé sur le premier American Nightmare mais aussi sur Sinister.

J.B. : Oui. C’est mon meilleur ami depuis 25 ans. D’ailleurs, scoop, je dois le rejoindre là au Nouveau-Mexique, où l’on doit attaquer le tournage d’un western avec John Travolta et lui. Ce sera réalisé par Ti West. Un western plutôt effrayant bien sûr.

 

Quand on voit Ethan Hawke dans Sinister puis American Nightmare 2, ou encore ici Kiele Sanchez et Zach Gilford, on a l’impression que vous aimez travailler avec des acteurs qui ne viennent pas du cinéma de genre…

J.B. : Exactement. D’ailleurs Ethan Hawke en est le parfait exemple. Il déteste le cinéma d’horreur. Je lui ai proposé plusieurs fois de jouer le rôle de Patrick Wilson dans Insidious. Mais il n’a jamais voulu faire de films d’horreur. Je lui ai proposé plein d’autres scripts, il a toujours refusé. Puis un jour, il a accepté Sinister. Je lui ai demandé pourquoi il avait dit non si longtemps, il m’a expliqué qu’en fait, il était persuadé que tourner un film d’horreur faisait peur déjà sur le plateau ! Mais ça y est, maintenant il est converti.Film TIFF Woman in the Fifth 20110913

On suppose qu’un The Purge 3 est envisagé ? Le premier était en intérieur, le second s’ouvre sur l’extérieur. Que pourriez-vous imaginer pour une éventuelle suite ?

J.B. : Oui, le premier était un tout petit budget de 3 millions. Celui-ci est monté à 9 millions. Pour nous, c’est le budget de Transformers ! On a rien défini encore mais on espère faire un troisième, bien sûr. Et j’espère pouvoir importer le titre français aux Etats-Unis ! En tout cas, si ça se fait, j’aimerai qu’on se concentre peut-être sur les révolutionnaires qui se battent contre la Purge et qu’ils amènent le chaos. Sinon, on envisage aussi un prequel revenant sur la toute première Purge. Car le premier film se passait la cinquième année.

 

Petite question sur la date choisie pour la Purge annuelle. La nuit du 21 au 22 mars. C’était une date qui a une signification particulière ?

J.B. : Alors, définitivement oui… Le problème, c’est que je ne m’en souviens pas ! C’est lamentable mais c’est vrai. Il y a une, on me l’a dit, mais impossible de m’en souvenir.

 

Le genre de films dans lequel s’inscrit The Purge est très propre au cinéma américain. Pensez-vous que cela pourrait marcher si on produisait ce genre de choses ailleurs qu’aux USA. En France par exemple ou dans d’autres pays européens…

J.B. : Je crois que si ça fonctionne aussi bien avec l’Amérique, c’est à cause de la relation très particulière que notre pays a avec le marché des armes. Cela dit, on m’a dit un jour que je devrais l’exporter ailleurs, faire un The Purge genre en Chine.516016.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxx

 

Pensez-vous que votre film pourrait aider dans le débat sur le port d’armes aux États-Unis ?

J.B. : Je vais peut-être vous étonner mais… Au début avec James DeMonaco, on n’était pas sûrs de sortir le film sur une très grande combinaison à cause de la puissance des Lobbys qui militent pour le port d’armes. Vous l’aurez compris, James et moi, on est contre. Et on savait que si on basait le marketing du film sur le fait qu’il se positionne contre cette culture du port d’arme, on aurait des problèmes et on allait éliminer 60% du public potentiel. Donc commercialement, c’était compliqué. Ce qu’on a fait du coup, c’est qu’on a montré notre film à six journalistes très importants à New York. Quatre était plutôt d’une tendance de Gauche (Démocrates, donc plutôt anti-port d’arme) et les deux autres étaient plutôt de Droite (Républicains donc plutôt pro-port d’armes). Ce qui a été hallucinant, c’est que les Républicains ont adoré le film ! Ils l’ont trouvé génial car pour eux, il montrait que le Gouvernement ne devrait pas se mêler  de la vie privée des gens. Et ils ont trouvé ça génial. James et moi, on était très choqué. C’était dingue. Eux, ils voyaient ça comme un film de vengeance. Ils ne voyaient pas du tout la critique sur le port d’armes aux USA ! Donc au final, le film a bien marché aux Etats-Unis mais il n’a pas créé ce dialogue que nous espérions. On espère l’avoir avec le deuxième et ses nouvelles thématiques.

 

Petite question sur les références. Dans l’ambiance, American Nightmare 2 rappelle lointainement Les Guerriers de la Nuit de Walter Hill. Vous connaissez le film, je suppose ?

J.B. : Mais carrément ! C’est exactement ce qu’on a voulu faire. C’est l’un des films sur lequel on s’est basé ! Bien vu.

 

Parlons maintenant de vous et surtout de votre société, qui est un modèle économique unique aux Etats-Unis. On a eu l’occasion de lire que votre compagnie a été fondée sur l’envie de faire des films inspirés du cinéma d’Hitchcock et de ses thrillers…

J.B. : C’est mon maître. Je l’ai étudié à la fac. Je n’ambitionne pas de faire des films au moins à moitié aussi bons que ceux d’Hitchcock mais voilà. Mon film préféré est Rebecca.

 

Quelles sont vos autres références ?

J.B. : Vendredi 13 m’a terrifié. Je l’ai vu trop jeune. L’Exorciste aussi. J’aime tous les cinémas en fait. Je me suis spécialisé dans le film de genre parce que Paranormal Activity a été un grand succès mais ce que j’aime, c’est le mélange. C’est de glisser des thématiques de films indépendants dans des films d’horreur. On essaie souvent d’introduire du drame dans le cinéma de genre. Par exemple, Sinister. Au fond, c’est l’histoire d’un homme qui décide de placer sa carrière avant sa famille. Après, oui, on a mis un fantôme etc… Mais ce qui m’intéresse, c’est le puzzle qui consiste à enfouir dans un film de genre, des thématiques plus profondes et universelles.

 

Parlons de votre compagnie, Blumhouse Productions et de son fonctionnement…

J.B. : J’aime à dire que le modèle de fonctionnement que nous avons développé est inspiré du cinéma d’auteur. Ce que je fais avec les réalisateurs avec qui je travaille, c’est que je leur donne le contrôle créatif total. Ils ont, comme en France et rarement aux Etats-Unis, le final cut. C’est leur film, pas celui du producteur. Et les réalisateurs que je choisis, sont souvent des réalisateurs expérimentés qui acceptent de travailler pour peu d’argent mais avec comme objectif que le film marche et que tout le monde y gagne sur les pourcentages. On a une blague récurrente chez Blumhouse qui est de dire que l’on fait des films d’auteur à visée commerciale, des films américains avec une philosophie européenne.BLUMHOUSE_PRODUCTIONS_1.85_720x389_03

 

Depuis sa création, Blumhouse Productions est spécialisée dans les films de genre. Pensez-vous que votre modèle économique est viable pour d’autres registres ?

J.B. : Oui. On a essayé avec une comédie distribuée ensuite par Warner Bros : The Babymakers. Ca n’a pas marché. On n’avait pas l’exposition d’une grosse sortie de studio donc… On n’a pas perdu d’argent mais on n’en a pas gagné non plus. Mais on va essayer encore. Là, on a un film Hasbro à venir, une sorte de croisement entre Transformers et G.I. Joe. Ca s’appelle Jem et les Hologrammes (basée sur une série d’animation américano-japonaise destinée à promouvoir des sortes de Barbies en plus grand – ndlr). Et on vient de finir un film avec Universal, un thriller érotique avec Jennifer Lopez, réalisé par Rob Cohen. Ca s’appelle The Boy Next Door. C’est prévu pour 2015.

 

Vous parliez d’Universal. Blumhouse a toujours produit ses films de manière indépendante mais vous avez toujours choisi de faire distribuer vos films par de gros studios. Et pour la première fois, vous avez accepté qu’un studio ait un droit de regard sur vos productions, en l’occurrence Universal. Pourquoi eux ?

J.B. : Pour être franc, ils ont été le seul studio a accepté de faire des films comme on voulait les faire. On leur amène le scénario, le réalisateur, les acteurs, mais pas toujours, et à ce moment-là, ils ont le choix de dire « oui ou non ». S’ils disent « oui », cinq mois plus tard, ils ont le film. Quand ils le voient, on décide ensemble si on programme une large sortie ou pas. Pour l’instant, on a toujours été d’accord, sauf une fois. Je voulais, ils ne voulaient pas. Ils ont eu raison. Ils ont eu la classe de m’autoriser à voir d’autres distributeurs pour ce film et tous ont dit non aussi. Visiblement, Universal avait raison.

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