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ELLE de Paul Verhoeven : la critique du film

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Elle_affiche_filmMondo-mètre
note 3 -5
Carte d’identité :
Nom : Elle
Père : Paul Verhoeven
Date de naissance : 2016
Majorité : 25 mai 2016
Type : Sortie en salles
Nationalité : France, Allemagne
Taille : 2h10 / Poids : NC
Genre : Drame, Thriller

Livret de famille : Isabelle Huppert, Laurent Lafitte, Anne Consigny, Virginie Efira, Charles Berling, Judith Magre, Christian Berkel, Jonas Bloquet, Alice Isaaz, Vimela Pons…

Signes particuliers : A cheval entre le brio et le loupé, Elle avance sur un mince filin. Trébuchera, trébuchera pas ?

LE RETOUR FRACASSANT DE PAUL VERHOEVEN

LA CRITIQUE

Résumé : Michèle fait partie de ces femmes que rien ne semble atteindre. À la tête d’une grande entreprise de jeux vidéo, elle gère ses affaires comme sa vie sentimentale : d’une main de fer. Sa vie bascule lorsqu’elle est agressée chez elle par un mystérieux inconnu. Inébranlable, Michèle se met à le traquer en retour. Un jeu étrange s’installe alors entre eux. Un jeu qui, à tout instant, peut dégénérer.Elle_verhoeven_huppertL’INTRO :

Ressenti étrange face à ce retour sur le devant de la scène, du hollandais fou qu’est Paul Verhoeven. D’un côté, la joie et l’excitation de retrouver enfin l’immense cinéaste derrière des chefs-d’œuvre cultes tels que RoboCop, Basic Instinct, La Chair et le Sang, Starship Troopers ou Total Recall. De l’autre, une légère pointe d’amertume à voir cet auteur incroyable, batailler pour monter un projet plus modeste en France, dirigeant Virginie Efira ou Laurent Lafitte après avoir piloté Sharon Stone ou Michael Douglas. Clairement, les temps ont changé pour l’iconoclaste Verhoeven, le temps des projets ultra-ambitieux est révolu et même si l’on aime beaucoup les membres de la distribution franco-française de Elle, l’idée que « ce n’est plus pareil » trotte dans la tête. Mais qu’à cela ne tienne, loin d’Hollywood, Verhoeven n’est pas décidé à se laisser abattre. En adaptant un roman de Philippe Djian, le metteur en scène renouait avec les grandes heures de ses thrillers sulfureux et livre un film au fort parfum de soufre, emmené par Isabelle Huppert en chef d’entreprise dirigiste et dure, victime d’un viol dans sa belle maison provinciale. Le début d’un jeu dangereux avec son agresseur.Elle_huppertL’AVIS :

Acclamé à Cannes, au point d’avoir scandalisé la critique qui s’est longuement épanchée sur son absence du palmarès, Elle semble mettre à peu près tout le monde d’accord à en croire l’impressionnante collection d’étoiles qu’il récolte un peu partout. Quasi disparu des écrans radars depuis dix ans et son Black Book (il n’a signé depuis, que le moyen-métrage Tricked en 2012), Paul Verhoeven a signé un retour en force avec cette œuvre psychologique portée par un sujet audacieux et perturbant, traînant dans son sillage, ambiance perverse, ambiguïté malsaine, sexe, déviances, violence, poids du passé, ombre de la mort, et résurgence de sombres pulsions enfouies… Construit autour d’un personnage de cinéma particulièrement fort et intense, Elle se voulait comme un thriller psychologique provocateur à la palette des ressentis très large, autant capable de pousser vers le malaise, que de tirer des rires étouffés quand il se paye des incartades dans la farce drolatique. Surtout, avec Elle, Paul Verhoeven rappelle qu’il est un monstre de cinéma qui n’a rien perdu de son talent et de sa maîtrise. Chaque plan du film est d’une beauté fascinante, que ce soit dans le sens des cadrages, la photographie pleine de nuances ou l’utilisation d’une musique lourde et suffocante. Des plans qui illustrent une histoire orchestrée telle une plongée vénéneuse et habitée, dans laquelle on se sent presque comme pris au piège de sa folie, de sa radicalité, de son perpétuel mouvement cherchant à surprendre un spectateur glacé d’effroi. Car sous ses apparences de thriller dramatique aux accents chabroliens, Elle n’est pas loin du film d’horreur teinté d’angoisse sourde, et Paul Verhoeven n’hésite pas à en utiliser certains codes. Jouissivement tordu, Elle déroule avec une certaine virtuosité narrative, un scénario captivant et d’une richesse d’écriture inouïe, notamment dans sa propension à soigner tous ses seconds rôles pour les faire exister et prendre part au machiavélisme ambiant d’un coup d’éclat souvent dément.Elle_filmL’ennui, c’est que le petit jeu vertigineux de Paul Verhoeven ne dure qu’un temps, avant de lasser. On se régale d’abord à voir le cinéaste tordre le cou à bien des conventions et archétypes du cinéma classique, comme l’absence de personnage auquel se rattacher émotionnellement, à l’image de son « héroïne » froide et sans affect sur qui tout semble glisser, ou comme cette faculté à discuter des notions de morale tout en naviguant dans des eaux particulièrement troubles, semblables à un doigt d’honneur fait à ces mêmes notions. Mais sur la longueur, Elle perd progressivement de sa superbe. Plus le film part loin dans son intrigue hallucinante aux renversements inattendus, plus il vient flirter dangereusement avec le grotesque. Plus il tente de brouiller les pistes, plus il produit l’effet inverse et se rend prévisible. Plus il tente d’être foncièrement original, moins on croit à ce qu’il raconte, assumant totalement ses tournures abracadabrantesques au risque de voir sa crédibilité s’effilocher pour laisser place, à un trip barré pas loin d’être maniériste dans sa façon de rechercher l’inconfortable pour l’inconfortable. Et puis il y a ce rythme dangereusement précaire, qui vient lentement égratigner le pouvoir de fascination que l’on éprouvait préalablement, alors que le scénario traîne la patte. Elle réussit tellement bien à hypnotiser, qu’il finit par nous perdre à force de vouloir entretenir cet état le plus longtemps possible, trop longtemps. Reste la problématique Isabelle Huppert. Un choix de casting presque évident tant la personnalité naturellement austère et glaciale de la comédienne colle finalement idéalement à ce personnage impassible, qu’elle incarne avec une froideur effrayante. Mais dans le même temps, on ne peut s’empêcher de s’agacer de cet éternel jeu typique de l’actrice, sans cesse dans la déclamation de dialogues, citant ses répliques mécaniquement sans chercher à y mettre une once d’âme et de naturel. Entre le formidable et la gêne, Huppert brille autant qu’elle énerve. Un peu comme Elle finalement, œuvre cyclothymique à la fois coup de génie soufflant un vent d’audace et de nouveauté, et petite déception lardée d’imperfections.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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