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CAROLE MATTHIEU de Louis-Julien Petit : la critique du film

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note 1.5 -5
Carte d’identité :
Nom : Carole Matthieu
Père : Louis-Julien Petit
Date de naissance : 2016
Majorité : 07 décembre 2016
Type : Sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h25 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de famille : Isabelle Adjani, Corinne Masiero, Lyes Salem…

Signes particuliers : Après l’excellent Discount, Louis-Julien Petit rate sa nouvelle sortie.

ISABELLE ADJANI PART EN CROISADE

LA CRITIQUE DE CAROLE MATTHIEU

Résumé : Médecin du travail dans une entreprise aux techniques managériales écrasantes, Carole Matthieu tente en vain d’alerter sa hiérarchie des conséquences de telles pratiques sur les employés. Lorsque l’un d’eux la supplie de l’aider à en finir, Carole réalise que c’est peut-être son seul moyen de forcer les dirigeants à revoir leurs méthodes. carole_matthieu_2

Deux ans après son excellent Discount, comédie dramatique engagée qui nous avait follement emballé par sa générosité, son émotion et sa drôlerie, le réalisateur Louis-Julien Petit est de retour avec Carole Matthieu, un nouveau film social, cette fois plus sombre et dramatique, plongeant dans l’univers de ces entreprises qui détruisent leurs employés par le pouvoir de pression extrême qui domine leur culture du rendement. Sur la base de cette thématique qui semble soutenir son combat cinématographique, Louis-Julien Petit investit les couloirs bruyants d’une plate-forme téléphonique où les conversations frénétiques des vendeurs jaillissent au milieu d’un chaos moral oppressant orchestré par des managers et des patrons sans états d’âme. Au milieu de ce désordre professionnel et émotionnel, un médecin du travail (Isabelle Adjani) tente de réagir et de lutter contre ces techniques de management humiliantes.carole_matthieu_3

En 2008, Arte avait réussi un joli coup avec La Journée de la Jupe, drame de Jean-Paul Lilienfield diffusé tout d’abord sur le petit écran avant de connaître une exploitation en salles quelques semaines après. A l’arrivée, un gros succès télévisuel, suivi d’un second au cinéma, et un cinquième César à la clé pour une Isabelle Adjani retrouvée. Huit ans plus tard, la chaîne franco-allemande tente le même pari avec Carole Matthieu. Le « téléfilm », adapté d’un roman de Marie Ledun, a tout d’abord connu les honneurs d’une diffusion télé à la mi-novembre avant de revenir en salles le 07 décembre prochain. Mais malheureusement, pas mal de choses séparent La Journée de la Jupe et Carole Matthieucarole_matthieu_4

On attendait Louis-Julien Petit au tournant après la bonne surprise de son exaltant Discount. Réussir son second long-métrage après un succès initial, n’est jamais chose aisée pour un cinéaste et tristement, force est de constater que le réalisateur manque son virage. Avec Carole Matthieu, le metteur en scène poursuit son chemin dans un cinéma social et engagé cherchant à dénoncer les dérives du monde du travail actuel soumis au capitalisme et au rendement excessif, au point d’exercer une forme d’harcèlement permanent sur les pauvres âmes qui en souffrent au quotidien. Le sujet était fort, au moins autant que celui de Discount, mais la forme dérape. Porté par une Isabelle Adjani omniprésente et que l’on cherche à faire briller à tout prix sans jamais vraiment la diriger, Carole Matthieu s’embourbe progressivement dans sa construction maladroite, dans son manque d’épaisseur et dans une trame trop préoccupée par l’envie de représenter des idées sociétales au détriment de toute exigence narrative.carole_matthieu_1

Dans son installation, Carole Matthieu part sur les sentiers du drame et observe de l’intérieur, un monde cruel où rien n’est pensé à dimension humaine. Ces opérateurs téléphoniques sont poussés au rendement, notés ensuite par des enquêtes de satisfaction plaçant le consommateur dans une position de délateur, comme l’explique le metteur en scène. Pression inextricable, robotisation, déshumanisation, humiliation et harcèlement, font partie intégrante du quotidien de ces travailleurs du bout du fil, employés invisibles réduit au silence dès que le combiné est raccroché, sans cesse sous la menace d’un licenciement ou d’une délocalisation. Avec un tel sujet, Louis-Julien Petit avait tout pour reproduire un film fort, humain et empathique, mettant en exergue l’horreur d’un système kafkaïen dévoré par l’hypocrisie de ses têtes-pensantes. Mais en vrillant du côté du drame psychologique, doublé d’une enquête policière à la suite du meurtre d’un employé, Carole Matthieu quitte ce qu’il avait de meilleur et ne vient pas affronter son sujet comme il aurait pu le faire. Louis-Julien Petit se perd dans un effort avançant maladroitement ses idées et le résultat, confus au possible, perd toute sa crédibilité en sacrifiant son réaliste terrifiant au profit d’un développement scénaristique aussi vaporeux que grossier.309819-jpg-r_1920_1080-f_jpg-q_x-xxyxx

Voir Isabelle Adjani, la véritable instigatrice du projet, évoquer Ken Loach et Polanski comme inspirations premières, nous amène encore un peu plus à comprendre tout ce qui ne va pas dans Carole Matthieu. Glissant entre le portrait social, le polar et le thriller psychologique, Carole Matthieu tente de faire coexister plusieurs styles dans un film dominé par son discours. Mais le résultat se noie dans sa confusion, en plus de souffrir de son imagerie sur-appuyée et trop signifiante. Entre une image fade et des couleurs grisâtres illustrant lourdement l’atmosphère délétère qui règne dans ces entreprises mortifères, le recours à la voix off et à un montage déconstruit visant à traduire les désordres psychologiques de son héroïne impuissante face au drame humain et perdant pied devant un combat perdu d’avance, Carole Matthieu dévisse et loupe complètement ses intentions de portrait sans cesse écartelé entre la pertinence de ce qu’il entend montrer et la trame scénaristique artificiellement rajoutée pour nous y amener. Au final, l’ensemble paraît terriblement poussif, animé par de bonnes idées mais exprimées par un traitement tantôt sans finesse, tantôt trop allégorique. Et au final, c’est l’émotion qui en pâtît le plus tant elle se dissout dans un résultat perdant toute sa force brute de décoffrage et la contemplation réaliste de son sujet.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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