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A FIELD IN ENGLAND de Ben Wheatley – critique (drame fantastique)

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note 4
Carte d’identité :
Nom : A Field in England
Père : Ben Wheatley
Livret de famille : Julian Barratt (Trower), Richard Glover (Freund), Peter Ferdinando (Jacob), Ryan Pope (Cutler), Reece Shearsmith (Whitehead), Michael Smiley (O’Neill)…
Date de naissance : 2013
Majorité au : inconnue
Nationalité : Angleterre
Taille : 1h31
Poids : 350.000 £

Signes particuliers (+) : Un soupçon d’élégance qui ne fait que traverser l’écran par fulgurances.

Signes particuliers (-) : Un long et bavard calvaire chaotique et prétentieux que l’on essaie de nous faire passer pour un brillant trip psychédélique virtuose. Ben Wheatley recherche à outrance la rupture au point de s’y enfermer en verrouillant la serrure avec un clé auto-masturbatrice. Un pénible ovni poseur.

 

L’EMBARDÉE DE BEN WHEATLEY

Résumé : Un petit groupe de déserteurs durant la guerre civile anglaise, est attiré dans un champ par un alchimiste persuadé qu’un trésor se cache dans la prairie. En franchissant un cercle mystique entouré de champignons, le groupe va commencer à se disputer, se battre et tomber dans la paranoïa…

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L’INTRO :

Le nouveau trublion du cinéma britannique Ben Wheatley a encore fait parler de lui et à tous les niveaux cette fois-ci, aussi bien artistiquement que commercialement. Après s’être violemment fait un nom avec le secouant Kill List, après avoir surpris tout son monde avec sa comédie noire Touristes, le voilà qui revient avec un troisième long-métrage aux antipodes des précédents, infirmant ainsi le fait qu’il se refuse à se laisser enfermer dans des cases, cherchant sans cesse le renouvellement formel et thématique. Son dernier-né après sa petite virée du côté de l’anthologie des ABC’s of Death se nomme A Field in England, un drame fantastique de guerre tourné en seulement douze jours, dans un seul décor, en noir et blanc, avec une petite poignée de comédiens et pour la modique somme de 350.000 livres. Un film étrange et déroutant prenant encore une fois son public à contrepied. Et parce que Wheatley aime être en dehors des rails, en dehors des schémas, en dehors du système et du traditionnel, la sortie de son film ne se sera pas faite sous une forme conventionnelle, salles puis DVD quelques mois plus tard, mais selon une formule innovante puisque le 5 juillet dernier, A Field in England est sorti au Royaume-Uni sur tous les formats possibles en même temps : salles, DVD, Blu-ray, VOD, diffusion à la télévision et même VHS pour les plus geeks des geeks ! Une opération commerciale étonnante qui a créé un mini-buzz rapidement effacé au profit des critiques élogieuses qui ont plu sur un film taxé de chef d’œuvre par les uns, d’œuvre virtuose et exceptionnelle par d’autres, rapprochée parfois d’Apocalypse Now en version minimaliste ou érigée d’emblée en film culte…

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L’AVIS :

A Field in England est une sorte de mélange totalement improbable convoquant Ken Loach, Werner Herzog, Jim Jarmush, Jodorowsky et Ken Russell, Les Monty Python et Gaspard Noé avec une pointe de Kubrick, de Terry Gilliam ou de certains artistes japonais en passant par Ingmar Bergman (difficile de ne pas penser au chef d’oeuvre Le Septième Sceau). Ben Wheatley n’hésite pas à s’inscrire dans une démarche expérimentaliste pour livrer un film au carrefour de plusieurs genres, une sorte de trip théâtreux et psychédélique traversant les styles comme les genres, passant de l’étrange au burlesque, du surréaliste au sérieux, du verbeux au sur-visuel, du drame historique au film fantastique ou de la comédie au thriller en costumes viscéral. Le résultat donne lieu à une œuvre unique et inclassable, un huis clos à ciel ouvert où la prairie dans laquelle se déroulera toute l’action servira de scène de théâtre aux quelques comédiens qui animent cette cruelle histoire loufoque bourrée de symbolismes, de références et dominée par une atmosphère d’étrangeté soutenant un récit s’aventurant aux confins de la folie humaine. La balade bucolique champêtre se transforme alors en cauchemar où paranoïa et tensions seront les deux forces obscures qui maîtriseront la narration. Et en chef d’orchestre de ce bal de l’étrange, Wheatley signe une œuvre atypique à classer dans la catégorie art post-moderne, qui témoigne une fois de plus de toute sa maestria technique et stylistique de part la perfection des plans, des cadrages, de l’image…

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Ben Wheatley n’est pas du genre à réciter une recette qui a fait son succès de film en film. D’ailleurs, il n’a pas de « recette » puisque visiblement son objectif est de sans cesse surprendre, de sans cesse se réinventer, tester, expérimenter. Pour le coup, il y arrive au-delà des attentes, accouchant d’un film extrême et radical motivé par une envie de rupture volontairement impopulaire (une démarche qui n’est pas sans rappeler celle de Nicolas Winding Refn récemment avec son Only God Forgives). Sacré génie très vite et peut-être trop conscient de l’être, il signe pour son troisième long-métrage une œuvre entre le délirium scénique et l’expérimental envoûtant où quand le fascinant bascule dans le chiant pompeux. Beaucoup de créativité anime cet ovni singulier vide de premier abord, riche au second, mais terriblement poussif et ennuyeux au troisième. Wheatley veut se détacher de cet engouement autour de lui, se couper volontairement de sa néo-popularité en envoyant un signal fort mais verse au final dans le prétention motivée par une unique envie de faire dans l’inconfort. Le résultat est décousu, maniériste, faussement viscéral mais réellement lassant d’expressivité forcée et de fausse sincérité d’exécution. Si du sens et de la cohérence finissent par se dégager de l’ensemble de ce trip désenchanté poussif et agaçant, sonnant faux jusque dans son impolitesse, la dérive cauchemardesque narrée à l’écran se transforme rapidement en dérive cauchemardesque à regarder alors que s’en défausse toute intensité fiévreuse. On se retrouve condamné à contempler dubitatif une sorte de ready-made cinématographique que l’on essaie de nous faire passer par une œuvre d’art dans une démarche à la Marcel Duchamp, là où n’est qu’une pièce suffisante d’un auteur qui a vrillé dans l’arrogance en croyant nous avoir par son seul savoir-faire propice au magnétisme subjuguant. Un interminable chaos et une question qui demeure : Chef d’oeuvre expérimentalo-essayiste ou poussive démarche non sincère d’un auteur qui veut tout simplement faire un doigt d’honneur au public histoire de justifier son statut d’artiste marginal en dehors des clous ?

Bande-annonce :

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