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LES GRAINES DU FIGUIER SAUVAGE de Mohammad Rasoulof : la critique du film

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Nom : The Seed of the Sacred Fig
Père : mohammad Rasoulof
Date de naissance : 18 septembre 2024
Type : sortie en salles
Nationalité : Iran
Taille : 2h46 / Poids : NC
Genre : Drame, Thriller

Livret de Famille : Misagh Zare, Soheila Golestani, Mahsa Rostami

Signes particuliers : Magistral !

Synopsis : Iman vient d’être promu juge d’instruction au tribunal révolutionnaire de Téhéran quand un immense mouvement de protestations populaires commence à secouer le pays. Dépassé par l’ampleur des évènements, il se confronte à l’absurdité d’un système et à ses injustices mais décide de s’y conformer. A la maison, ses deux filles, Rezvan et Sana, étudiantes, soutiennent le mouvement avec virulence, tandis que sa femme, Najmeh, tente de ménager les deux camps. La paranoïa envahit Iman lorsque son arme de service disparait mystérieusement…

 

NOTRE PALME D’OR

NOTRE AVIS SUR LES GRAINES DU FIGUIER SAUVAGE

On a bien cru qu’il allait rafler en grande pompe la Palme d’Or à l’unanimité, il n’a fini « qu’avec » le prix spécial du jury (ainsi que plusieurs prix secondaires comme le prix du jury œcuménique ou le prix Fipresci). Les Graines du Figuier Sauvage est le nouveau long-métrage du réalisateur iranien Mohammad Rasoulouf (Un homme intègre, Le Diable n’existe pas). Une charge politique très virulente contre le régime théocratique iranien qui a valu à son auteur de fuir le pays, à pieds par les montagnes, pour échapper à une lourde nouvelle peine de prison. Il faut bien dire que Les Graines du Figuier Sauvage avait tout pour révolter le régime, le film rendant hommage aux femmes d’abord, puis à tou(te)s les opposant(e)s qui ont manifesté au lendemain de la mort de la jeune étudiante Mahsa Amini dans les locaux de la police.

D’une durée fleuve de près de trois heures, le film retrace l’histoire d’une famille ébranlée par le soulèvement populaire. Iman, le père, vient d’être nommé juge d’instruction au tribunal révolutionnaire de Téhéran. C’est lui qui signe les actes de condamnation à mort. Dépassé par les événements et les pressions, son intégrité est mise à mal. À la maison, ses deux filles prennent fait et cause pour le mouvement de protestation et sa femme tente de ménager les deux camps.

Vivre dans la crainte permanente, est-ce vivre ? Ne serait-ce pas plutôt s’appliquer à faire attention à tout pour survivre ? C’est en somme le tableau de l’Iran dépeint par Mohammad Rasoulouf dans Les Graines du Figuier Sauvage. Un pays où les gens ont peur, vivant dans l’angoisse de commettre le moindre faux pas qui vous mènerait en prison ou pire. Cette tension permanente qui prend aux tripes les Iraniens, Rasoulof la retranscrit avec une puissance terrible. Surveiller son langage, son apparence, ses fréquentations, ses échanges, ses allers et venues, ses affaires, le danger peut venir de partout et de tout le monde. Ce portrait terrifiant et anxiogène donne au film des airs de thriller intimiste que l’on suit le souffle court, avec une appréhension de chaque minute pour le sort des personnages. Avant que le film ne bascule réellement dans le thriller familial sur la foi de rebondissements inquiétants tellement bien imaginés que l’on ne peut que s’incliner devant l’intelligence et la cohérence de la démonstration politique.

Immense film qui parvient à dépasser sa seule mission de critique politique en se chargeant d’un côté plus haletant et spectaculaire lié à la paranoïa qui tient les soumis aux lois strictes d’un régime intransigeant, Les Graines du Figuier Sauvage est un très grand film de cinéma à tous les égards. Pour ce qu’il propose, pour ce qu’il montre et pour la manière dont il le montre, Rasoulouf faisant preuve d’une virtuosité et d’une inventivité impressionnantes. Le cinéaste associe l’implosion d’une famille iranienne et l’implosion de la société iranienne en général. Plutôt que de faire une métaphore de l’un avec l’autre, Rasoulof retranscrit les deux en parallèle, ce qui lui permet d’ouvrir son propos lucide sur l’état de l’Iran d’aujourd’hui où ancienne et nouvelle générations s’affrontent dehors et à l’intérieur des foyers. Brillant. Le recours aux images d’archives et aux vidéos publiées réseaux sociaux permet d’associer et de lier avec force et réalisme cette contestation, d’en saluer le courage tout en dénonçant l’horreur de la répression, et surtout d’en discuter les fondements dans des débats passionnants.

Les Graines du Figuier Sauvage est un film important, majeur dans l’histoire du cinéma iranien et témoin d’une époque de vacillement dans l’histoire de l’Iran. Au-delà de ses frontières (où il est bien évidemment interdit), il est un choc, un film coup de poing passionnant et captivant. Après le prodigieux Leila et ses frères, Cannes s’est encore planté de Palme d’Or.

 

 

Par Nicolas Rieux

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