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THE LORDS OF SALEM (critique – horreur)

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note 4
Carte d’identité :
Nom : The Lords of Salem
Père : Rob Zombie
Livret de famille : Sheri Moon Zombie (Heidi), Bruce Davison (Francis), Jeff Daniel Phillips (Whitey), Judy Geeson (Lacy), Meg Foster (Margaret), Patricia Quinn (Megan), Ken Foree (Jackson), Dee Wallace (Sonny), Michael Berryman (Virgil Magnus), Sid Haig (Dean Magnus), Richard Fancy (Kennedy)…
Date de naissance : 2012
Nationalité : États-Unis, Angleterre, Canada
Taille/Poids : 1h41 – 2,5 millions $

Signes particuliers (+) : Une première partie plutôt correcte où Zombie essaie de construire un film d’ambiance singulier, dans l’esprit de certains classiques de l’horreur des seventies.

Signes particuliers (-) : Le dernier tiers détruit toute l’entreprise d’un cinéaste qui s’abandonne à une forme de prétention en s’inspirant d’un style passé sans retrouver la recette de ses modèles. Abscons, confus, déroutant, le film bascule à mi-chemin dans le trip nanardesque ridicule après un enchaînement de scènes hideuses ni faites ni à faire aussi bien visuellement que dans leur conception. Ou comment passer de l’horreur à la comédie involontaire et du correct à la purge.

 

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Résumé : Heidi, une animatrice radio un peu décalée, reçoit un mystérieux disque qu’elle passe à l’antenne. Elle ne sait pas qu’en faisant cela, elle va réveiller un groupe d’anciennes sorcières de Salem et se retrouver directement convoitée pour un sombre dessein…

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Le métalleux Rob Zombie n’aura pas mis longtemps à s’imposer comme un incontournable du cinéma de genre, un authentique membre de la caste des « master of horror » qu’il n’est pas aussi facile qu’on ne veut bien le croire, de rejoindre. Car il ne suffit pas de réaliser un petit tour de force horrifique unique pour se prétendre « maître » d’un genre aussi difficile. Mais guidé par sa passion et sa culture du genre, animé par son talent et son intelligence et sans cesse ancré dans un respect sans faille pour ses aînés et ses inspirations, Zombie n’aura eu besoin finalement que de quatre long-métrages de cinéma (en mettant volontairement de côté ses quelques travaux annexes, notamment télévisés) pour se faire respecter, adouber voire adulé. Après le dingo La Maison des 1000 Morts, après le carnassier The Devil’s Reject, après une brillante revisite du mythe Halloween (même si le deux était nettement moins bon, il restait profondément marqué par un style singulier et un vrai parti pris), le cinéaste semi-underground décide de revisiter un autre mythe de légende du cinéma. Exit la figure du boogeyman et bienvenue à celle des « sorcières ». La célèbre et tragique histoire vraie des sorcières de Salem avec le procès dramatique qui y est associé, survenu en 1692 dans le Massachussetts de l’ancienne Amérique, est en quelque sorte l’épisode incarnant au mieux les idéaux de temps anciens marqués par un immense et puissant obscurantisme religieux où l’église se faisait un devoir de combattre le « mal » présent dans sur terre et dans l’homme. Pour information, ce procès aboutit à l’exécution de plus de 25 personnes accusées de sorcellerie.

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L’épisode des sorcières de Salem et ses 25 victimes exécutées post-procès, a souvent nourri le cinéma d’horreur ou fantastique, directement ou indirectement, et fait parti de ses mythes. Sans être aussi souvent qu’on pourrait le croire le sujet central de tout un tas de films, il est en revanche fréquemment mentionné ou cité en référence, ou abordé au détour d’une histoire parallèle. Eh oui, la ville de Salem est devenue un carrefour mythologique pour le cinéma de genre. Rob Zombie, sur lequel tous les regards des fans sont désormais braqués, suspendus à son prochain projet en trépignant d’impatience, annonce dès 2010, The Lords of Salem. Il est désireux de se réapproprier cet épisode riche en possibilités thématiques, graphiques et nourritielles. Car très vite, Zombie sait dans quelle direction il va partir. Sa culture du genre et ses inspirations personnelles le poussent vers un certain cinéma des années 70 qu’il affectionne tout particulièrement. Un cinéma fait de marginalité, de psychédélisme, d’étrangeté, d’ambiances singulières, à la fois envoutantes et perturbantes, dominé par une atmosphère bien avant toute notion d’horreur graphique. Ce cinéma, c’est celui en premier lieu de Ken Russell notamment (Les Diables mais aussi Au-delà du Réel ou encore le non-horrifique Tommy). C’est aussi partiellement celui de Robin Hardy lorsqu’il signe The Wicker Man ou celui du Polanski de la fin des années 60 (Rosemary’s Baby pour n’en citer qu’un). C’est aussi celui d’un Kubrick lorsqu’il fait Shining autant que celui d’un Jodorowsky. Dans tous les cas, c’est un type de cinéma déroutant à l’image de l’impact qu’aura eu le film dans les différents festivals où il aura été présenté, divisant autant la critique que le public. Ses passages tumultueux à Toronto ou à Sitges témoignent du sort négatif à venir d’un film quasi-condamné par sa réputation peu glorieuse, et qui connaîtra une exploitation calamiteuse en Angleterre alors qu’il reste inédit en France, au cinéma comme en DTV.

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Avec sa femme Sheri Moon qui sera son soutien mais surtout son héroïne principale, Rob Zombie s’attèle donc à un film très ambitieux, référentiel à un cinéma casse-gueule et tellement atypique, qu’il exige beaucoup de talent pour être maîtrisé. Mais heureusement, du talent, Zombie en a à revendre. Sauf que malheureusement, peut-être pas pour ce style-là. Car constat d’échec, son Lords of Salem est un ratage, probablement son plus mauvais exercice à ce jour. Même si tout n’y est pas à jeter, Rob Zombie s’est égaré en voulant reproduire un cinéma qui le fascine mais qu’il ne parvient pas à restituer, peut-être parce qu’il était ancré dans une époque, dans un contexte, peut-être parce que ses auteurs l’avaient dans le sang, allez savoir. Toujours est-il que le pauvre cinéaste bascule de l’autre côté de la barrière et c’était très certainement le plus grand risque pour lui et son projet. Renouer avec ce type de cinéma peut vite devenir un exercice dangereusement casse-gueule car la frontière entre le psychédélique et le ridicule est mince, car l’onirisme et l’underground y côtoie le délire nonsensique risible avec une proximité telle, que le danger de voir l’entreprise vriller du mauvais côté de la balance était réel. Pourtant, le metteur en scène ne rate pas tout. Il ne rate notamment pas son entame de film. Même si les flashbacks dans les temps reculés paraissent un peu cheap dans leur esthétisme, Zombie arrive à poser son contexte moderne, à poser ses personnages et surtout à développer une ambiance étrange. Il prend le temps, fidèle au modèle du cinéma de terreur des années 70 (L’Exorciste, Amityville…) de non pas faire monter la tension par à-coups et effets scénaristiques, mais de l’instiller dans son imagerie, de la diffuser dans ses plans, ses cadrages, sa musique, l’atmosphère qu’il développe et qui étreint son film. Inquiétant, The Lords of Salem déploie lentement son univers au son d’une mélodie étrange, lancinante et enivrante. Certains ont d’ailleurs pu lui reprocher d’un peu trop prendre son temps au point d’en devenir ennuyeux. Pourtant, à mi-chemin, difficile de dire si l’on déteste ou pas un film qui jusque-là, n’est ni bien ni mauvais, ni un naufrage artistique ni une belle œuvre marquante, mais qui seulement tire son épingle du jeu dans l’attente de voir ce qu’il va démontrer quand il sera décider à se livrer davantage. Proche du cinéma d’un Kubrick lorsqu’il fait Shining, Rob Zombie essaie d’apposer une angoisse suffocante même s’il a quand même recours à quelques petits effets de jump-scare modernes. Son travail est pour le moment assez honnête, d’autant que l’on note toujours ce soin apporté à la mise en scène dans son ensemble. Sauf que voilà, le temps passe, le spectateur attend… Il attend l’élément déclencheur qui lancera le film dans sa phase 2, qui lui permettra d’exploiter pleinement son scénario, sa mécanique et ses thématiques. Un élément qui ne viendra jamais.

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Rob Zombie ménage son suspens à l’ancienne reposant plus sur une ambiance lentement amenée et construite, mais oublie finalement de faire un film vivant où quelque-chose se passe. Et alors que les minutes défilent et que son métrage figé dans son postulat et ses intentions tombe dans un ennui mortel, c’est le soudain éveil dans un dernier quart d’heure à la limite entre le trip hallucinatoire et le clip perché, sorte d’aboutissement de ce jeu mis en place, qui va être le théâtre d’un final laissant s’exposer les inspirations et les visées du réalisateur. Son amour pour le cinéma des années 70 et pour Ken Russell en particulier va soudain se matérialiser dans une espèce de caricature ridicule faisant passer The Lords of Salem de petite déception à celui de nanar risible. Zombie décroche complètement de toute narration classique et part très loin dans un périple hystérique et « hypnotique » terriblement vain et laissant le spectateur seul face à une forme de prétention qui jusqu’à présent n’avait jamais été conviée dans le cinéma de cet artisan généreux et respectueux de son audience. Rob Zombie s’affranchit de toute considération commerciale, de tout traditionalisme ou classicisme. Au diable (profitons-en qu’il soit là, l’image) les codes et les façons de faire, le cinéaste fait le film qu’il souhaitait au fond de lui (à moins que lui aussi ne se soit perdu dans son affaire et ne sache même plus dans quelle direction aller) et qu’importe s’il défie les lois du conventionnalisme. Sauf qu’en nous entraînant de la sorte dans un tunnel déroutant à mi-chemin entre le délire pop-arty, le psychédélique hippie, l’iconographie religieuse, le gore graphique, l’envoutement horrifique, le non-sens et le sens au contraire caché derrière des symboles d’arrière-plan par dizaines, ce final fou, très théâtralisé, travaillé, bien plus maniéré qu’il n’y paraît, est un brutal moment d’incongruité inexplicatif et abscons qui ne mène à pas grand-chose si ce n’est à l’esclaffement. Car si Lords of Salem avait démontré quelque-chose jusque-là, peut-être que le spectateur eut pu être réceptif à une telle forme de contrepied cinématographique en forme de doigt d’honneur affiché envers le conformisme. Mais ce n’est pas le cas.
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Rob Zombie aboutit à un véritable naufrage artistique car son The Lords of Salem fait patienter son public en essayant de la capturer dans son étrangeté (et il y parvient partiellement) avant de lui couper l’herbe sous le pied en le laissant volontairement ahuri lorsqu’il se retrouve face à un tel dernier acte décousu et confus, fomenté à partir d’une iconographie religieuse détournée de pacotille. Le but de Rob Zombie était de surprendre et certes, il surprend. Le but était également de non pas faire un métrage basiquement expressif mais un film plus immersif, déployant des sensations en lieu et place des traditionnelles séquences attendues dans le genre. Il y parvient mais qu’à moitié, tant que le film ne chute pas de son piédestal pour tomber dans la série B à la limite de la zederie involontairement comique par son ridicule visuel (certains flashbacks sont hideux et quantité de séquence dans le tiers du film poussent quand même à la franche rigolade devant la nullité de leur conception). Oui, Zombie surprend par un film qui finalement ne prend jamais faute d’avoir en lieu l’intelligence et le fascinant des modèles dont il essaie de s’inspirer en cherchant à les recréer. Malgré l’application du metteur en scène, malgré sa possible sincérité planquée derrière la vanité de ce dernier exercice, malgré le plaisir d’un casting ultra-référentiel à l’image du film (Meg Invasion Los Angeles Foster, Dee E.T. Wallace, Ken Zombie Foree, Sid La Maison des 1000 Morts Haig, Michael La Colline a des Yeux n°2 Berryman ainsi que des caméos à la pelle avec Susan Sarandon, Barbara Crampton…), The Lords of Salem est un échec qui se transforme à l’arrivée en purge quand le kitsch entre en scène au détour de séquences visuellement surréalistes de ridicule comique (un diable qui ressemble à une statue de cire fondue de Passepartout gesticulant avec deux pauvres tentacules en caoutchouc, lorgnant graphiquement sans le talent du côté de L’Hôpital et ses Fantômes).

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Définitivement, le plus mauvais film de Rob Zombie à ce jour, un qui fera couler beaucoup d’encre entre les partisans de son élégante plastique et de son atmosphère mystique et les détracteurs de sa vacuité et de son manque d’impact là où Zombie s’était fait le spécialiste d’un cinéma hargneux et douloureux, communicant avec le spectateur dans le ressenti tranchant. Cet échec artistique aura peut-être le mérite de remettre en place un cinéaste qui glissait dangereusement vers la mauvaise pente de la prétention et qui essayait de nous faire gober ce presque nanar en nous affichant sa culture ciné via les nombreux clins d’œil (les classiques que l’héroïne regarde, sa chambre décorée façon Méliès…). Mais non.

Bande-annonce :

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