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OUISTREHAM d’Emmanuel Carrère : la critique du film

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Nom : Ouistreham
Père : Emmanuel Carrère
Date de naissance : 2021
Majorité : 12 janvier 2022
Type : sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h46 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de Famille : Juliette BinocheHélène LambertLéa Carne

Signes particuliers : L’adaptation au cinéma du best seller de Florence Aubenas.

JULIETTE BINOCHE SOUS COUVERTURE

NOTRE AVIS SUR OUISTREHAM

Synopsis : Marianne Winckler, écrivaine reconnue, entreprend un livre sur le travail précaire. Elle s’installe près de Caen et, sans révéler son identité, rejoint une équipe de femmes de ménage. Confrontée à la fragilité économique et à l’invisibilité sociale, elle découvre aussi l’entraide et la solidarité qui unissent ces travailleuses de l’ombre.

L’écrivain Emmanuel Carrère n’avait plus réalisé de long-métrage depuis 16 ans (La Moustache en 2005). Il lui fallait sans doute un sujet qui lui tienne à cœur pour revenir. Ce sujet, il l’a trouvé avec Ouistreham. Le cinéma social français aime les plongées dans un corps de métier spécifique avec ce but de confronter difficultés du quotidien et humanité des personnes qui l’animent avec résilience. La police, le corps médical, les caissières de supermarché (dans le formidable Discount) ne sont que quelques exemples parmi des dizaines que l’on pourrait citer. Avec Ouistreham, adaptation du best-seller de Florence Aubenas porté à bout de bras par une Juliette Binoche qui a bataillé pour convaincre l’auteure de faire confiance au projet et de céder ses droits, le réalisateur Emmanuel Carrère nous emmène à la rencontre des agents d’entretien. Comprenez par-là, des mésestimées « femmes de ménage ».
Carrère a respecté l’aspect « autobiographique » du roman de Florence Aubenas qui s’y mettait directement en scène telle une journaliste d’investigation. Dans Le Quai de Ouistreham, l’écrivaine s’était fondue dans le décor pour mieux se rendre compte de la précarité du travail en temps de crise. Elle avait arpenté les couloirs de Pôle Emploi, cherché un travail et s’y était investie à 100% car c’est en vivant les choses qu’on les relate le mieux. Dans Ouistreham, Carrère met en scène une écrivaine qui se lance dans cette démarche d’enquête anonyme et qui va vivre plusieurs mois durant au sein d’un groupe de femmes de ménage s’occupant de l’entretien d’un ferry. Les nuits qui s’enchaînent, l’exigence d’un travail difficile, les sacrifices, la précarité, une paie minable, des fins de mois à boucler et au milieu de cette noirceur sociale, la solidarité entre ces travailleuses inconsidérées qui s’épaulent, qui survivent, qui dégagent joie et lumière. Voilà ce que montre Emmanuel Carrère.
« Après votre livre, les gens sauront et nous regarderont différemment », pensait l’une des éphémères compagnes de travail de Florence Aubenas. Vraiment ? Son roman n’a pas suffit à changer les mentalités. Pas plus que ne le fera le film d’Emmanuel Carrère. Mais ils ont le mérite d’exister et de mettre en lumière un exemple de précarité, avec une sobriété, dignité et humanité. Aubenas avait peur que la relation nouée avec ces femmes soit dénaturée dans le processus cinématographique. Il n’en est rien. Le film retranscrit parfaitement tant cette relation que la culpabilité qu’elle a ressenti à leur mentir pour préserver sa « couverture ». De son livre, Carrère n’a pas su faire un grand film, mais il livre au moins un film pertinent. Il manque juste à Ouistreham ce petit quelque chose qui déclencherait vraiment l’émotion. Cette puissance à la « Ken Loach » par exemple, le britannique n’ayant décidément pas son pareil pour mêler fiction sociale à la lisière du documentaire et émotion déchirante qui transfigure leur portée. Carrère se réclame de cette veine mais si son film sonne juste, à l’image de son casting (impeccable Binoche et formidable casting de non-professionnels), sa proposition bienveillante est freinée par son manque de force, d’envergure et d’incarnation. Reste l’authenticité de la démarche.

 

 

Par Nicolas Rieux

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