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LES CHATOUILLES d’Andréa Bescond et Eric Métayer : la critique du film

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La Mondo-Note :

Carte d’identité :
Nom : Les chatouilles
Parents : A. Bescond & E. Métayer
Date de naissance : 2018
Majorité : 14 novembre 2018
Type : Sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h43 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de famille : Andréa Bescond, Karin Viard, Clovis Cornillac, Pierre Deladonchamps, Grégory Montel, Carole Frank, Ariane Ascaride…

Signes particuliers : A défaut d’être toujours convaincante, une première réalisation forte et audacieuse.

UN FILM AU SUJET IMPORTANT

LA CRITIQUE DE LES CHATOUILLES

Synopsis : Odette a huit ans, elle aime danser et dessiner. Pourquoi se méfierait-elle d’un ami de ses parents qui lui propose de « jouer aux chatouilles » ? Adulte, Odette danse sa colère, libère sa parole et embrasse la vie…   Avec son titre mignon tout plein rappelant les guili-guili rieurs de l’enfance, Les Chatouilles pourrait laisser penser à une jolie comédie pleine de légèreté et de tendresse. Pas du tout. Derrière lui, se cache en réalité un drame adapté d’une pièce de théâtre par ses propres auteurs, le couple (à la ville) Andréa Bescond et Eric Métayer. Les Chatouilles, c’est en réalité le nom enjoliveur que donnait un homme à une petite fille pour parler d’attouchements. Cet homme, c’était un ami de la famille, incarné par un Pierre Deladonchamps que l’on en finit plus de voir au cinéma cette année et qui n’a de cesse de démontrer l’étendu de ses talents. Bien des années plus tard, la petite fille a grandi et la jeune femme qu’elle est devenue (jouée par Andréa Bescond elle-même) tente de se reconstruire en poussant la porte du cabinet d’une psychologue (Carole Franck) qui va devoir l’aider à se réconcilier avec son passé, mais surtout avec elle-même.C’est à un sujet très grave que s’attaque le tandem Bescond-Métayer avec Les Chatouilles, qui aborde l’horrible question des pédophiles sans visage, des abus sexuels sur les enfants, des lois sur la prescription pour ces crimes, et des traumatismes engendrés par ces actes innommables souvent commis par des personnes tellement bien sous tous rapports en société, qu’il est impossible d’imaginer l’horreur de leur nature intérieure. Le sujet est dur et c’est logiquement que l’on se lance en sachant que l’on ne va passer un chouette quart d’heure devant le film. Mais peu envieux de signer un film lourd et austère englué dans l’horreur morbidement misérabiliste, c’est par le biais du drame teinté d’un soupçon de comédie que Bescond et Métayer ont décidé d’approcher leur propos, parti pris audacieux qui lui permettant de garder le cap vers une certaine lumière plutôt que de s’enfermer dans les ronces d’une noirceur anxiogène.

Le procédé employé pour parvenir à destination va un peu dérouter au départ, avant que l’on finisse par s’y habituer au bout de deux ou trois allers-retours temporels. Car ce procédé, c’est celui d’une narration imaginée à deux temps. Deux récits coexistent dans Les Chatouilles, reliés entre eux par les séances de psy auxquelles se rend la désormais adulte Odette. D’abord, il y a l’histoire de cette jeune femme qui multiplie les séances pour essayer de sortir la tête de l’eau après avoir plongée dans l’autodestruction, et pour tenter de trouver le moyen de libérer sa parole. A côté, il y a l’histoire d’Odette enfant, jolie petite tête blonde qui rêve de danse mais dont le quotidien est rythmé par les visites de cet ami de la famille malsain et criminel. Le film ne fonctionne pas selon un système de flashbacks classiques mais sur le schéma de la mémoire revisitée. Adulte, Odette retourne mentalement dans son passé, emmenant avec elle sa psychologue (et nous par la même occasion) pour lui montrer ses souvenirs d’enfance, son passage délicat à l’âge adulte et l’état délabré de sa vie récente où les traumas ont fait des dégâts. Dans ces souvenirs, Odette et sa psy discutent, échangent, analysent, imaginent parfois, et l’on est complice de cette tentative de reconstruction psychologique.

Ce dispositif fait de va-et-vient est intéressant dans l’idée et donne au film une certaine liberté ponctuée d’effets de drôlerie qui viennent tempérer la dureté du sujet et la férocité du ton. Néanmoins, on regrettera qu’il ne soit pas toujours adroitement exploité, les allers et retours entre le drame et la fantaisie, autant qu’entre la réalité dure et l’imaginaire vagabond, créant souvent une sensation de confusion narrative, précisément là où le film espère gagner en cohérence. Avec ce procédé de mise en abyme offrant à l’héroïne le fantasme et l’onirisme comme armes pour désamorcer l’horreur des souvenirs qu’elle fait remonter à la surface, de même qu’ils offrent au spectateur quelques touches comiques pour mieux digérer le visage effrayant de l’histoire, Les Chatouilles évite de basculer dans un excès de lourdeur pesante, mais il bascule toutefois dans une certaine lourdeur de mise en scène, l’artifice employé qui sied plutôt bien au propos, ne seyant en revanche pas toujours à la fluidité d’un film dont l’émotion est un peu mise à mal par ces cassures permanentes jouant de manière trop marquée, la carte du décalage extra-diégétique. Quelque part et de manière assez ironique, Les Chatouilles est victime d’une de ses plus belles qualités, son originalité et cette louable volonté d’injecter un peu de fantaisie au beau milieu du drame se retournant contre l’œuvre toute entière, qui perd parfois l’équilibre sur le mince filin où elle évolue à force de mal maîtriser ses transitions entre la douloureuse réalité vécue et l’imaginaire inventé pour la combattre. Mais sur la longueur, on finit par comprendre que le parti pris a des répercussions positives sur le récit et qu’il se justifie dans le propos, ce qui permet d’être indulgent à rebours après avoir été parfois excédé et de n’y voir qu’une maladresse résultante de bonnes intentions. Et l’émotion viendra, surtout dans un final poignant. Film engagé et parfois enragé, Les Chatouilles est un film d’auteur qui prend les habits d’un film « grand public » pour mieux faire entendre son discours. Il y parvient, aidé par d’excellents comédiens dans les rôles secondaires, Karin Viard, Clovis Cornillac et Pierre Deladonchamps notamment.


BANDE-ANNONCE :

Par David Huxley

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