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FALLING de Viggo Mortensen : la critique du film

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Carte d’identité :
Nom : Falling
Père : Viggo Mortensen
Date de naissance : 2019
Majorité : 30 décembre 2020
Type : sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 1h52 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de Famille : Lance Henriksen, Viggo Mortensen, Terry Chen, Laura Linney, Sverrir Gudnason, Hannah Gross…

Signes particuliers : Sélection officielle Cannes 2020.

 

 

ET VIGGO MORTENSEN DEVIENT CINÉASTE

NOTRE AVIS SUR FALLING

Synopsis : John vit en Californie avec son compagnon Eric et leur fille adoptive Mónica, loin de la vie rurale conservatrice qu’il a quittée voilà des années. Son père, Willis, un homme obstiné issu d’une époque révolue, vit désormais seul dans la ferme isolée où a grandi John. L’esprit de Willis déclinant, John l’emmène avec lui dans l’Ouest, dans l’espoir que sa sœur Sarah et lui pourront trouver au vieil homme un foyer plus proche de chez eux. Mais leurs bonnes intentions se heurtent au refus absolu de Willis, qui ne veut rien changer à son mode de vie… 

 

Viggo Mortensen a toujours eu de très nombreuses cordes à son arc, acteur, scénariste, producteur, musicien, photographe, écrivain, peintre. Aujourd’hui, l’artiste « poly-talent » en ajoute une de plus dans sa besace avec la mise en scène. Falling est son premier long-métrage en tant que réalisateur, basé sur un scénario écrit par ses soins. Il y raconte l’histoire d’une famille, fictive car n’ayant rien à voir avec la sienne, et plus particulièrement les relations très escarpées entre un père son fils. Ou plutôt un fils et son père. Alors qu’il commence à être atteint de démence, Willis vient passer quelques jours chez son fils John dans l’optique de peut-être quitter sa ferme pour s’installer en Californie. Mais le choc entre ce patriarche appartenant à un monde très rural et traditionnel et ce fils gay et progressiste va réveiller des blessures et des rancœurs enfouies depuis très longtemps et jamais vraiment cicatrisées. Nourri de flashbacks le positionnant sur deux temporalités, Falling revisite le passé pour expliquer un présent compliqué. Après un passage en demi-teinte hors compétition à Sundance où le film n’a pas eu l’accueil escompté puis ensuite à Toronto, Falling s’est vu décerner le label Cannes 2020 qui remplace la prestigieuse sélection officielle cette année. Juste récompense pour un très beau film dans la lignée du Wildlife de Paul Dano.

On a un peu tout lu au lendemain de Sundance sur ce très attendu Falling, « bordel épuisant » pour les uns ou « chronique bouleversante » pour les autres. Viggo Mortensen n’a pas réussi à convaincre avec son histoire filiale et c’est bien dommage car si on le connaît avant tout comme un acteur au talent immense, il confirme que sa sensibilité et son intelligence pouvaient apporter beaucoup à un récit façonné par ses soins. Falling, c’est l’histoire d’une famille dysfonctionnelle. C’est un voyage au cœur du pourquoi elle est dysfonctionnelle aujourd’hui. On pourrait vite céder à la tentation d’y voir une énième chronique sur des gens loin de nous, enfermés dans leur propre histoire. Mais la beauté du geste de Viggo Mortensen, c’est d’avoir réussi à extraire son film de la gravité attractionnelle de l’entre-soi pour lui conférer une dimension terriblement universelle. Que l’on soit hétéro, gay, que l’on aime ses parents ou que l’on ait eu des rapports conflictuels, que l’on ait eu une enfance heureuse ou malheureuse, il y aura toujours des bribes d’éléments qui parleront, qui toucheront ou qui bouleverseront. Falling, c’est l’histoire d’une chute, celle de la vie qui finit forcément avec la mort. Et Viggo Mortensen de réfléchir à ce que l’on emportera avec soi au moment du trépas en peignant le portrait d’un père avec ses qualités, ses erreurs et ses regrets.

Il se dégage une luminosité terriblement tragique de cette odyssée familiale, autant qu’une noirceur follement déchirante. Car ainsi est la vie, une montagne russe avec ses hauts et ses bas. Et Mortensen les capte à merveille dans cette œuvre très dense, très maîtrisée, surtout très bien écrite et racontée. Une œuvre qui pose des questions passionnantes. Comme s’affirmer et s’émanciper quand on a grandi auprès d’un père castrateur ? Que faire des blessures profondes jamais réellement guéries ? Que faire de nos aïeux quand ils déclinent ? Comment assurer son rôle de fils quand un père que l’on a toujours haï est en train de mourir ? Cette dernière interrogation est l’un des points centraux de Falling où un fils ravale ses ressentiments, sa colère et ses reproches, pour endosser son rôle et aider un père dont la maladie achève les derniers filtres au point de dire tout et n’importe quoi en mélangeant la réalité et les souvenirs faussés par une perspective égocentrique. C’est la partie la plus dure et sans aucun doute la plus déchirante du film, ce regard sur un fils qui encaisse vexations, humiliations et colères par respect filial. Il y a t-il encore de l’amour pour ce père qui a souvent été si dur, si méchant, si détestable voire si con ? Sans doute. C’est sûrement ce qui lui permet d’endurer, de surmonter malgré les crises, malgré les remarques, les insultes ou la mémoire qui flanche entraînant ce grand mélange de tout un passé douloureux. En point d’orgue, une scène de confrontation glaçante où les cœurs se vident dans un flot de hurlements non contenu.

Narrativement, Falling utilise le principe de la narration fracturée sur deux époques. Le passé, Viggo Mortensen ne le raconte pas à plat selon une trajectoire factuelle. Il se révèle doucement, par la truchement d’un montage alterné mélangeant constamment présent et passé se révélant par bribes. Ces bribes d’une mémoire qui file mais qui se rappelle épisodiquement de certains moments, parfois avec le prisme d’un point de vue troublé.

Seul reproche, Viggo Mortensen donne parfois (largement) dans les clichés (sur les couples gays notamment) au point de décrédibiliser certains personnages, certaines situations ou ressorts de son histoire. Espérons néanmoins qu’ils n’enterreront pas cette œuvre magnifique, poignante, qui s’attache sans cesse à montrer que la vie ne se résume pas au monochrome, blanc ou noir. Il y a surtout le gris, cette zone textuelle où beaucoup de choses s’expriment. Cette dans cette zone que Falling s’inscrit, et c’est elle qui permet de toujours tout nuancer. Déteste t-on ce père qui s’est parfois montré indigne de son rôle ? Oui et non. Car malgré l’impardonnable, Falling est aussi une histoire de pardon. Et puisque l’on parle de ce paternel, impossible de ne pas évoquer Lance Henriksen, saisissant de bout en bout pour sans aucun doute, l’un des rôles de sa vie. L’on peut d’ores et déjà annoncer un premier favori à l’Oscar. Si l’Académie ne sacre pas l’acteur octogénaire, il pourrait y avoir un petit parfum de scandale tant sa performance est hallucinante.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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