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THE DESCENDANTS (critique)

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Carte d’identité :
Nom : The Descendants
Parents : Alexander Payne
Livret de famille : George Clooney, Shailene Woodley, Amara Miller, Nick Krause, Patricia Hastie, Grace A. Cruz, Beau Bridges, Kim Gennaula, Matthew Lillard…
Date de naissance : 2012
Nationalité : États-Unis
Taille/Poids : 1h50 – 20 millions $

Signes particuliers (+) : D’excellents comédiens, des jeunes aux plus anciens. Quelques jolis moments.

Signes particuliers (-) : Rien que le cinéma indépendant n’a pas déjà proposé mille fois. Sans saveur particulière. Fainéant.

 

COMÉDIE DRAMATIQUE À L’AMÉRICAINE

Résumé : Matt King vit à Hawaï. Si l’on aurait tendance à le croire veinard, il n’en est rien. Sa femme, victime d’un récent accident de bateau, est dans un coma irréversible. Se retrouvant seul avec ses deux filles, il tente de se rapprocher d’elles tant bien que mal, lui, le père débordé de travail ayant délaissé sa famille durant des années sans s’en rendre vraiment compte. Et c’est maintenant et pour cette même raison, qu’il apprend que sa femme avait une liaison et l’intention de le quitter…

Si à ses débuts il a pu signer le scénario de Jurassic Park III, Alexander Payne s’est depuis tourné vers un tout autre cinéma radicalement différent, indépendant, plus intimiste, marqué par un juste mélange dans le ton entre comédie douce et drame mélancolique mais traité avec une certaine légèreté de regard sans lui ôter toute profondeur de sens. Après les remarqués Monsieur Schmidt abordant la sexualité au troisième âge ou Sideways et son fabuleux parcours sur la route des vins, Payne s’est tourné vers la production et quelques comédies plus tard (dont le drôle et décalé Cedar Rapids) le voici de retour derrière les caméras pour une nouvelle comédie dramatique, ou plutôt un drame comique devrait-on dire, qui débarque directement dans la course à l’Oscar du meilleur film. Avec George Clooney en vedette, The Descendants, nouvelle œuvre du cinéaste, vient s’inscrire dans la droite lignée de la carrière de Payne, abordant un sujet triste et lourd mais en maniant les armes de la légèreté de ton et de l’humour doux-amer, sans pour autant ne jamais sacrifier l’intelligence et l’analyse de fond par le soulèvement de questions intéressantes traitées avec grâce et finesse.

Loué par la critique, The Descendants a l’air d’être une réussite incontestable. Eh bien, non. Et loin de là. Car il est l’archétype même du film auquel l’on pourrait apposer le label du « sans plus ». Reprenant les ingrédients de la « comédie dramatique indépendante à l’américaine » dont on est sevré depuis quelques années, The Descendants sert une recette éculée car archi-utilisée et donne ce sentiment de déjà-vu mille fois, de déjà traité, de redite, tant dans le style que le discours. Un paradoxe étrange pour un cinéma ayant eu la volonté de se démarquer des clichés hollywoodiens mais qui à force, a fini par développer les siens et par devenir aussi figé dans des mécanismes sur-employés que le cinéma qu’il était censé combattre et dont il proposait une alternative, au point que le cinéma indépendant est presque devenu une marque, un registre à lui seul !

Croisant l’esprit de films tels que Away We Go avec le fond d’un Grace is Gone, The Descendants est comme une sorte de lointain road movie familial où un père maladroit va, pour la énième fois, essayer de se rapprocher de ses enfants, lui qui n’a jamais suffisamment assumé son rôle par le passé et qui dès lors, est en quête de légitimité dans son statut. Et une nouvelle fois, une tragédie d’être le moteur d’un rapprochement humain, d’une introspection, d’une interrogation et redécouverte de soi. Bien sûr, et il faut être honnête, il n’y a pas que cela dans The Descendants. Payne aborde une question délicate, celle d’une mère tombée dans un coma qui va se révéler irréversible. Et c’est plutôt justement que le cinéaste va s’attarder sur tout un quotidien découlant de cette situation dramatique, de la prévention des proches à la découverte des derniers secrets qui n’ont plus de raison d’être gardés et l’impact qu’ils auront sur soi. Mais tous les clichés de la comédie dramatique typique du cinéma indépendant américain sont réunis et viennent gâcher la chose. Si The Descendants n’a rien de mauvais ou de désagréable en soi, il sonne juste comme trop familier, abordant son sujet sur un ton dont on a tendance à en avoir assez à la longue. Et stylistiquement, Payne n’apporte rien de nouveau sous les cieux du genre, pas plus que dans le discours servi ou le ton employé. Si les questions soulevées et traitées ne manquent pas d’intérêt et présentent même une certaine pertinence épisodique, l’ensemble sonne forcé et cabotin par le principe même d’existence du film. Le mélange entre comédie légère et drame de vie touchant voire cruel de malchance ne présente en soi rien de bien révolutionnaire, le cinéma indépendant américain servant cette recette depuis déjà plusieurs années avec un certain succès récurrent. Payne arrive trop tard et surtout, ne parvient pas à reproduire ce que plusieurs ont fait brillamment avant lui tant sa mayonnaise ne prend pas.

The Descendants est en effet, à ce titre, bien bancal, le mélange ne fonctionnant sur aucun des deux genres qu’il met en corrélation. Comme souvent dans le cahier des charges du nouveau cinéma dit « indé », Payne ne souhaite pas faire dans le registre du tragique intense et larmoyant à la sauce hollywoodienne. Allégeant cette histoire de « pré-deuil » par le truchement de la comédie douce-amère, il opte pour un équilibre jouant sur un fil, une double partition qu’il espère mélodieuse. Sauf que, comme mal mixée, les faux accords pointent rapidement le bout de leur nez et l’ensemble, tout en ayant une certaine fluidité, finit par devenir commun, lisse, plat. La partie dramatique, aussi intéressante soit-elle, est étouffée par sa voisine humoristique et perd totalement en crédibilité et en émotion paradoxalement par la bonne volonté, à la base, de l’extraire de la lourdeur pathos traditionnelle via un humour attendrissant glissé en filigrane. Plus clairement, les qualités de The Descendants vont devenir dans le même temps ses défauts intrinsèques. Car le filigrane devient une énorme corde bien épaisse. Le ton léger annihilant l’émotion, on n’éprouve rien, on reste terriblement distant et détaché devant ce drame familial peinant à impliquer le spectateur dans la mélancolique tristesse touchant ce père de famille paumé dans une nouvelle situation qu’il ne maîtrise que bien mal. Matt King voit son monde s’effondrer sous ses yeux au gré des révélations et tente de réagir tant bien que mal. Entre alors en piste une tentative d’humour presque à la limite du décalé façon Frères Coen signant un drame. Mais sans être vraiment drôle mis à part quelques brefs passages éparses (notamment avec Matthew Lillard – le débile marrant de Scream il y a quinze ans) car manquant de mordant, de tranchant et de relief, The Descendants se rate et le charme espéré par la réunion des deux tons de ne pas opérer. L’humour, qui ne se veut pas hilarant mais davantage léger et enjoué, annihile la lourdeur de son sujet lacrymal, certes, mais annihile au passage toute empathie, toute émotion pour les protagonistes.

Reste au final un film que l’on qualifierait de « sympathique », de « gentillet » par manque d’adhésion. Le genre de film qui n’emballe pas vraiment, qui ne fait pas mouche, que l’on traverse sans vraiment détester mais sans vraiment aimer non plus. Le genre de film « sans plus » et presque quelconque pour résumer, dont on aurait pu se passer aisément. Au moins, on pourra toujours se délecter de la très bonne prestation, une nouvelle fois, d’un impeccable Clooney nommé dans la catégorie « Meilleur Acteur » (en même temps le choix est un peu facile vu le sujet et le rôle) même si la véritable révélation du film, raflant presque la vedette, est plutôt à chercher du côté de Shailene Woodley, actrice issue de la série La Vie Secrète d’une Ado et jouant à merveille la fille aînée sur laquelle ce père dépassé va avoir tendance à beaucoup trop se reposer.

Bande-annonce :

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