Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : Out of the Furnace
Pères : Scott Cooper
Livret de famille : Christian Bale (Russell Baze), Woody Harrelson (DeGroat), Casey Affleck (Rodney Baze), Zoe Saldana (Lena), Forest Whitaker (Barnes), Sam Shepard (Gerald Red Baze), Willem Dafoe (Patty), Charles David Richards (Chaplain), Tom Bower (Dan Dugan)…
Date de naissance : 2013
Majorité au : 15 janvier 2014 (en salles)
Nationalité : USA
Taille : 1h56
Poids : 22 millions $
Signes particuliers (+) : Un thriller dramatique âpre et tourmenté aux tonalités sociales envoûtantes et se nourrissant de son ambiance ancrée dans une Amérique rurale et industrielle profonde pour déployer un objet fascinant et empreint de symbolisme sur la lutte des laissés-pour-compte contre la fatalité d’un destin lié à une extrême noirceur. Magnifique et porté par un casting exceptionnel.
Signes particuliers (-) : Scott Cooper emprunte un chemin balisé, à de nombreuses reprises sillonné par d’autres.
LES RAISINS DU BRASIER DE LA COLÈRE
LA CRITIQUE
Résumé : À Braddock, une banlieue ouvrière américaine, la seule chose dont on hérite de ses parents, c’est la misère. Comme son père, Russell Baze travaille à l’usine, mais son jeune frère Rodney a préféré s’engager dans l’armée, en espérant s’en sortir mieux. Pourtant, après quatre missions difficiles en Irak, Rodney revient brisé émotionnellement et physiquement. Lorsqu’un sale coup envoie Russell en prison, son frère cadet tente de survivre en pariant aux courses et en se vendant dans des combats de boxe. Endetté jusqu’au cou, Rodney se retrouve mêlé aux activités douteuses d’Harlan DeGroat, un caïd local sociopathe et vicieux. Peu après la libération de Russell, Rodney disparaît. Pour tenter de le sauver, Russell va devoir affronter DeGroat et sa bande. Il n’a pas peur. Il sait quoi faire. Et il va le faire, par amour pour son frère, pour sa famille, parce que c’est juste. Et tant pis si cela peut lui coûter la vie…
Scott Cooper n’avait pas loupé son entrée dans le monde du cinéma, offrant en 2009 avec son premier film, le magnifique Crazy Heart, l’Oscar du meilleur acteur à Jeff Bridges. Peu prolifique et réfléchi sur la suite à donner à sa carrière, il a pris son temps pour bien choisir sa future réalisation et le voilà de retour quatre ans plus tard pour son second long-métrage, Out of the Furnace alias Les Brasiers de la Colère chez nous. Thriller dramatique fiévreux convoquant autant Voyage au bout de l’enfer, Fight club ou Mud que tous ces films s’imprégnant de l’ambiance de leur cadre scénique, que ce soit les bayous, la Nouvelle-Orléans ou l’Amérique rurale profonde, Les Brasiers de la Colère est une affaire d’hommes, devant comme derrière la caméra. Devant, un casting cinq étoiles cumulant les talents reconnus comme Christian Bale, Casey Affleck, Woody Harrelson, Willem Dafoe, Forest Whitaker, Sam Shepard. La seule touche féminine dans cette galerie virile est la douce et délicieuse Zoé Saldana. Derrière la caméra maintenant, outre Scott Cooper aux commandes, rien de moins que Ridley Scott et Leonardo DiCaprio à la production. Ca fait du beau monde.
Avec son casting monstrueux devant et derrière la caméra, Les Brasiers de la Colère nous entraîne dans l’Amérique du milieu, cette Amérique industrielle et rurale, celle du dur labeur, de la crasse, de l’austérité, celle de l’inconsidération des brisés qui s’accommodent de leur existence misérabiliste en essayant de s’en sortir avec les moyens du bord. Celle où vit tout un pan du peuple yankee, celui qui assume son rôle de rouage essentiel au bon fonctionnement de la Nation tout en essayant de faire abstraction de l’ingratitude qui leur est accordé, eux marginaux qui se crèvent à la tâche dans la poussière et la transpiration suintante, oubliés loin des regards. Dans ce contexte social fort mis en avant façon Steinbeck moderne (clin d’œil du titre français aux raisins), Scott Copper déploie avec application le théâtre d’un drame opératique qui se dessine en actes préparatoires menant vers une tragédie imminente et imparable, comme une force immuable d’un destin sombre et inéluctable tournant autour de deux frères, le repenti sorti de prison après un accident qui a coûté la vie à une mère et son enfant et le soldat de retour du front, marqué à vie par des cicatrices qui ne guériront jamais.
Si l’ensemble fleure un peu le déjà-vu avec un cinéma qui ne laisse guère de place à la surprise qu’elle soit narrative ou stylistique, Les Brasiers de la Colère se tient quand même dans l’énième plongée infernale qu’il propose par une œuvre en forme de parcours rédemptoire fort et émouvant au dispositif pictural éclatant. En somme, c’est beau à en crever, mais ça ne renouvelle rien d’autant que l’on sent venir les choses tant par habitude de ce type de cinéma que par confrontation à un script ne cachant pas sa trajectoire au désenchantement tragique prévisible. Toutefois, avec son intensité aléatoire (dommage qu’elle ne soit pas plus régulière d’ailleurs), Scott Cooper réussit une œuvre séduisante de noirceur à bien des égards. Un film âpre et suffocant respirant le gaz d’échappement, le drame, le badass et la condition humaine difficile, le tout dans une ambiance lourde et électrique flanquée d’une atmosphère de moiteur à peine respirable.
Scott Cooper est un cinéaste doué pour véhiculer des émotions fortes et dessiner des récits à fleur de peau. Il le démontre à nouveau avec une œuvre désespérée et marquée par une touche de fatalité, sublimée par sa puissante distribution en file indienne derrière un Christian Bale superbe mais un poil plus cabotin qu’à l’accoutumée à force d’essayer d’excessivement d’incarner ses personnages au lieu de seulement les jouer. On pourra reprocher au film d’être parfois une succession de grands moments comme chapitrés sans que le liant narratif n’opère de façon évidente. La gestion du « temps » est étrange, comme le film lui-même, qui mélange, assemble, pétrit, sans qu’une impression de chef d’œuvre éclatant ne ressorte de ses bonnes choses pourtant évidentes. Peut-être parce que cet exercice proprement manufacturé laisse ses coutures trop visibles. Peut-être parce que ce brasier nous chauffe à blanc sans qu’on ne s’y brûle vraiment. Reste une splendeur pas loin du viscéral aux images persistantes et aux symbolismes marqués, même si les analogies sont parfois faciles.
Bande-annonce :
Par Nicolas Rieux