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ETERNAL DAUGHTER de Joanna Hogg : la critique du film

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Nom : Eternal Daughter
Mère : Joanna Hogg
Date de naissance : 2022
Majorité : 22 mars 2023
Type : sortie en salles
Nationalité : Angleterre
Taille : 1h36 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de Famille : Tilda SwintonJoseph MydellCarly-Sophia Davies

Signes particuliers : Ce qui est rare est précieux. Comme le cinéma de Joanna Hogg par exemple. 

Synopsis : Julie, accompagnée de sa mère âgée, vient prendre quelques jours de repos dans un hôtel perdu dans la campagne aeternal daughternglaise. La jeune femme, réalisatrice en plein doute, espère y retrouver l’inspiration ; sa mère y voit l’occasion de faire remonter de lointains souvenirs, entre les murs de cette bâtisse qu’elle a fréquentée dans sa jeunesse. Très vite, Julie est saisie par l’étrange atmosphère des lieux : les couloirs sont déserts, la standardiste a un comportement hostile, et son chien n’a de cesse de s’échapper. La nuit tombée, les circonstances poussent Julie à explorer le domaine. Elle est alors gagnée par l’impression tenace qu’un indicible secret hante ces murs.

 

UN MIRACLE DE CINEMA

NOTRE AVIS SUR ETERNAL DAUGHTER

Cinéaste rare qui n’a réalisé qu’une poignée de films en l’espace de quinze ans, Joanna Hogg nous avait littéralement soufflé avec son diptyque The Souvenir, l’un des plus beaux gestes de cinéma vu en salle l’an passé. Un an après, la britannique est déjà de retour avec un nouveau film, Eternal Daughter, porté par sa grande amie Tilda Swinton. Laquelle incarne les deux rôles principaux de ce drame entêtant, une mère et sa fille séjournant quelques jours dans un vieil hôtel lié à leur passé. De cette proximité apaisée vont remonter des souvenirs enfouis qui vont s’entrechoquer avec l’atmosphère étrange des lieux.

Ceux qui ont pu voir The Souvenir (ou ses anciens films avec Tom Hiddlestone) le savent, le cinéma de Joanna Hogg est singulier. Il a un quelque chose de total, d’envoûtant, de fascinant de par son perfectionnisme lancinant et obsédant. Il est en quête constante d’une balance entre le beau et le charnel, entre l’esthétisme figuratif et l’introspection intimiste, alors que ses personnages sont comme des vaisseaux transportant les thématiques profondes de ses œuvres. Comme des toiles blanches sur lesquelles Hogg appose son regard, applique sa vision, peint son propos.

Dès les premières minutes, Eternal Daughter opère comme une irrésistible aspiration. Le film nous entraîne dans une sorte de forêt épaisse (au sens propre comme au sens figuré) où il va ensuite évoluer dans une ambiance de mystère feutré. On se prêterait presque à penser que Joanna Hogg cherche à nous tirer par la main vers un film d’épouvante au sentiment d’angoisse aussi subtil qu’envahissant. La nuit, la brume, ce vieux manoir inquiétant, sa carcasse en bois qui craque, le vent qui souffle, les courants d’air assourdissant, et le vide à l’intérieur. L’hôtel serait plein mais l’on n’y croise jamais personne. Hogg déploie une atmosphère de film fantastique qui très vite nous piège, nous captive, et nous pousse malgré nous à observer les moindres détails, à la recherche d’informations qui permettraient de percer l’énigme. Sur ce cadre presque suffocant à la Shining (ou plutôt à la manière des films des 70’s de la Hammer), Joanna Hogg va établir son insaisissable récit.

Une chronique ? Un drame ? Une fable ? Un film fantastique ? Eternal Daughter reste longtemps un épais mystère, tel un sentier sinueux nous conduisant vers l’inconnu. On ne sait pas ce qu’il y aura au bout mais l’on a tellement envie de savoir, qu’on se laisse porter par le chemin. D’autant qu’il brille d’un éclat sidérant. Avec une mise en scène qui confère au sublime entre élégance à l’anglaise, codes de la Nouvelle Vague, motifs horrifiques et musique emplissante, Eternal Daughter hypnotise. Pour quel but ? La finalité nous imposera une œuvre virtuose, bouleversante et éperdument mélancolique, qui questionne au travers d’une relation mère-fille, la peur et la douleur du deuil, les fantômes mémoriels, les adieux, l’angoisse de voir disparaître avec ses parents, tout ce qui nous rattache à notre passé. Huis-clos contemplatif au minimalisme presque radical porté par une étourdissante Tilda Swinton, Eternal Daughter est un film qui paraît constamment en apesanteur sur sa réalité. Décidément, Joanna Hogg est l’une des cinéastes les plus passionnantes qui soit.

 

Par Nicolas Rieux

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