Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : Hummingbird
Père : Steven Knight
Livret de famille : Jason Statham (Joey Jones), Vicky McClure (Dawn), David Bradley (Billy), Siobhan Hewlett (Tracy)…
Date de naissance : 2013
Majorité au : 10 juillet 2013 (en salles)
Nationalité : Angleterre, USA
Taille : 1h40 / Poids : 20 millions $
Signes particuliers (+) : Une tentative de s’écarter des codes du genre traditionnel pour marier le thriller d’action musclé, le drame intimiste et le film d’auteur sur la tragédie rédemptrice d’un homme. Une série B estampillée Jason Statham différente doublée d’un gentil capital sympathie.
Signes particuliers (-) : L’équilibre de ce mariage hasardeux a du mal à trouver sa voie, ne contentant pas vraiment ni les cinéphiles, ni les amateurs de péloches bourrines stathamiennes. L’effort socialisant reste très limité question profondeur, à l’image du film et de son arc narratif, et le basiquement efficace est atténué pour lui faire de la place. Bien tenté mais insuffisant.
TOUS AUX SANS-ABRIS, STATHAM EST DANS LA PLACE !
Résumé : Joey Jones, ex-soldat revenu du front, s’est enfui pour échapper à un procès en cour martiale et a fini dans la rue. Sans abris, il se réfugie un soir d’agression dans un appartement inoccupé. Il profite des quelques mois d’absence du propriétaire pour se réinsérer. Il trouve un job de plongeur dans un restaurant asiatique et va gravir les échelons de la mafia chinoise grâce à physique et son absence de sentiment. Quand sa petite-amie est retrouvée morte, il va traquer le responsable …
Chaque nouveau Jason Statham s’approche dans un mélange d’appréhension et de réjouissance, entre la peur d’une énième crétinerie musclée et l’envie de voir de la castagne sympathiquement bourrine. Dernière œuvre en date, Crazy Joe de Steven Knight, un scénariste passant réalisateur pour la première fois. Après avoir signé des scripts comme ceux de Dirty Pretty Things de Stephen Frears ou Les Promesses de L’Ombre de David Cronenberg, Knight décide de passer la seconde et signer son premier long-métrage. Au vu de ce qu’il a pu écrire par le passé, le choix d’un thriller avec Jason Statham paraissait inattendu et étrange. Et finalement, pas tant que ça à la découverte des thématiques convoquées, plongeant dans les bas-fonds londoniens, dans l’univers des marginaux et des sans-abris. Crazy Joe est en fait né d’un constat étonnant, un nombre pas anodin de SDF étaient anciennement des militaires. Choqué, Steven Knight a eu envie d’approfondir ce phénomène et s’en est allé à la rencontre de plusieurs d’entre eux, nourrissant dans sa tête la trame de ce qui allait devenir son film. Un drame lourd et social ? Pas tant que ça car attention, Crazy Joe laisse par ailleurs la part belle à l’action virile et aux cascades chères à l’ami comédien baraqué.
Crazy Joe est donc bel et bien un Jason Statham où l’acteur fait du Jason Statham en se glissant, une fois n’est pas coutume, dans la peau d’un justicier au grand cœur défendant la veuve et l’orphelin. Cette fois, il est un ancien soldat plongé dans la rue à son retour du front après avoir fuit un procès en cour martiale. Un heureux hasard va lui permettre de se relever de cette mauvaise passe et de simple plongeur dans l’arrière cuisine d’un resto asiatique, il va gravir les échelons de la mafia chinoise, avant de se lancer dans une croisade pour découvrir qui a bien pu sauvagement assassiner sa petite-amie de la rue comme lui. Parallèlement, sa rencontre avec une nonne d’une mission oeuvrant pour les défavorisés, va l’aider à reprendre le bon sens de sa vie.
Bon, qu’on se l’avoue, on ne vous cachera pas que le script de Crazy Joe est en réalité faussement profond. Il essaie certes de se démarquer des bisseries habituelles du comédien en se drapant d’une hasardeuse dimension sociale mettant sa plume au service d’une peinture des marginaux et de leurs souffrances quotidiennes mais au final, il sonne surtout comme très artificiel et ne va pas bien loin dans son expérience de démarquage, très limité dans son immersion et factice par son histoire multipliant les improbabilités rappelant que l’on est bien dans une fiction et non dans un drame lourd de sens. Pourtant, sa débilité congénitale parvient à s’acoquiner d’une certaine originalité rendant le film un peu bâtard entre le ridicule et l’intéressant. Ridicule par sa linéarité radicale et tristoune, habituelle des films estampillés Statham et dans le même temps intéressant car Crazy Joe a au moins pour lui le mérite d’essayer de proposer autre chose qu’une péloche se résumant uniquement à ses bastons comme seuls moments de bravoure alimentant un série B de piètre facture. Le résultat est du coup un peu bancal et déroutant pour tout le monde, comme s’il ne savait pas réellement sur quel pied danser. Les fans des envolées castagneuses sur-efficaces chères aux films de l’acteur risqueront d’être un peu lassés du manque de rythmique et des longs trous d’airs entre deux réveils musclés alors que les autres n’auront que d’yeux pour un mélange maladroit, péchant dans son écriture trop simpliste malgré ses essais de cassage des codes du thriller survitaminé traditionnel.
Crazy Joe est un « autre » Statham, pas très éloigné de celui que l’on connaît mais un peu. Un film assez improbable dans le fond essayant de marier l’immariable, l’actionner efficace où Statham fracasse du méchants connards à tour de poing, avec le drame intimiste sondant les glauques rues londoniennes peuplés d’êtres perdus ou encore la tragédie personnelle d’un homme en quête de rédemption. Dans sa réalisation, Steven Knight met de l’eau dans le vin rouge sang des envolées barbares « stathamiennes » et multiplie les moments tout droits sortis d’un film d’auteur. Caméra à l’épaule, cadrages près du corps, longs passages sans musique ni action, verbosité existentielle… Il y avait de l’idée dans ce cocktail sombre, alternative presque courageuse aux Transporteurs et autres Hyper Tension ou Blitz. Mais l’effort reste quand même intrinsèquement limité. Personnages assez légers (la nonne en particulier), histoire manquant d’épaisseur et n’exploitant pas toujours bien ses velléités, et arc dramatique sans cesse en balance sans jamais réussir à se poser entre le sacrifice aux codes et l’envie de les contourner. Crazy Joe ne manque pas de sympathie et l’on appréciera quand même la volonté de Steven Knight d’avoir chercher à proposer autre chose mais le résultat est insuffisant. Un Statham peut-être un poil au-dessus de quantité de ses séries B demeurées dans le fond mais pour ça, il se voit obligé de limiter son basique régressif et l’échec d’avoir su transcender vraiment le récit, doublé de cette carence choisie mais contentant généralement ses fans, le conduit vers un déséquilibre structurel qui pourrait lui être fatal. Car finalement, on n’a ni un vrai drame sensible et intéressant, ni un pur actionner très con. Seulement des morceaux des deux. Sympathique mais anecdotique.
Bande-annonce :