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LA FILLE AU BRACELET de Stéphane Demoustier : la critique du film [VOD]

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Carte d’identité :
Nom : La fille au bracelet
Père : Stéphane Demoustier
Date de naissance : 2020
Majorité : 12 février 2020
Type : Sortie en salles / disponible en VOD
Nationalité : France
Taille : 1h36 / Poids : NC
Genre : Drame, Judiciaire

Livret de famille : Melissa Guers, Roschdy Zem, Chiara Mastroianni, Anaïs Demoustier…

Signes particuliers : Brillant de maîtrise, de l’écriture à la mise en scène en passant par l’interprétation.

 

Suite  à la fermeture des salles de cinéma, La Fille au Bracelet est désormais disponible en VOD

 

COUPABLE ? INNOCENTE ? ADOLESCENTE…

NOTRE AVIS SUR LA FILLE AU BRACELET

Synopsis : Lise, 18 ans, vit dans un quartier résidentiel sans histoire et vient d’avoir son bac. Mais depuis deux ans, Lise porte un bracelet car elle est accusée d’avoir assassiné sa meilleure amie.

Le registre du film de tribunal est un exercice pas facile qui exige énormément d’intelligence et de savoir-faire pour arriver à gérer de front à la fois le côté bavard, le côté huis-clos et le côté statique que ce dernier peut traîner dans son sillage. Pour son troisième long-métrage, le réalisateur Stéphane Demoustier (frère d’Anaïs) n’a pas eu peur de la tâche. En même temps, il partait déjà d’une bonne base. Réinterprétant un film argentin sorti en 2019 chez nous (Acusada) et lui-même inspiré d’une véritable affaire survenue en Argentine, La Fille au Bracelet met en scène une jeune adolescente qui s’apprête à affronter son procès. Deux ans plus tôt, Lise a été accusée d’avoir assassiner sa meilleure amie à coups de couteau. Depuis, elle est assignée à résidence sous bracelet électronique en attendant son jugement.

La Fille au Bracelet est un film de personnages. Ou plutôt de personnage sans « s ». Si la dramaturgie est finalement assez quelconque avec son histoire de procès pour meurtre (d’autant que le film ne prend pas autant de distances avec son modèle argentin qu’il ne le pense ou le voudrait), Stéphane Demoustier réussit à en faire quelque chose de brillant grâce à la manière dont il a composé sa « Lise », et dont la jeune Mélissa Guers (premier rôle au cinéma) l’a ensuite interprétée. Plutôt que d’avoir approché son sujet de manière très classique, superficielle et manichéenne, Demoustier a intelligemment transformé sa simple adolescente en un personnage aux multiples facettes et reflets, rendant ainsi toute la complexité de cet âge de transition lui-même complexe, insondable et mystérieux. Sa « Lise » est d’une richesse formidable, d’une ambivalence rare, d’une profondeur troublante. Elle peut paraître normale un instant, inquiétante dans la seconde suivante, douce et timide ou froide et imperméable à la moindre émotion. Chose très rare au cinéma, de même que le récit lui-même, on ne sait jamais comment appréhender cette adolescente désarçonnante, on ne sait jamais comment la prendre, comment la cerner, ce qu’elle peut penser ou ressentir. Lise est, et demeure, un mystère. Et c’est exactement tout ce qui lui confère une incroyable dimension et densité humaine et cinématographique.

A travers elle, Stéphane Demoustier ne s’intéresse pas qu’au seul âge de transition qu’est l’adolescence, thème ultra-revisité au cinéma. Il dresse certes un portrait de la jeunesse actuelle en prenant garde de ne jamais la juger (quoiqu’il serait difficile de la résumer à ce seul cas au risque de flirter avec le cliché), mais il s’intéresse aussi à la manière dont l’entourage a maille à partir avec ce cap où l’on se construit émotionnellement loin de ses parents et à l’intérieur de son intimité exacerbée. Ici, un père et une mère qui semblent « découvrir » leur enfant comme ils feraient la connaissance d’un étranger. Lise est leur fille, ils vivent ensemble, ils pensent tout savoir d’elle, ou du moins l’important. Au gré de ses allers et retours entre le tribunal et le domicile familial, on se retrouve spectateur d’un microcosme qui se fissure, qui se rend compte que tout n’était qu’une illusion, on est spectateur de parents qui, comme beaucoup, ne savaient finalement pas grand-chose de l’intimité de cet être qui est autant leur propre fille qu’une parfaite étrangère. C’est probablement la meilleure partie du film, ce regard plein de justesse et de force sur des parents (formidablement incarnés par Roschdy Zem et Chiara Mastroianni) qui ne comprennent pas et qui réagissent chacun différemment, à sa manière.

En plus d’être passionnant et malin dans son élaboration dramatique, La Fille au Bracelet se double d’une conduite profondément haletante dans son visage de thriller sous tension. On est accroché de la première à la dernière minute au suspens savamment entretenu par Stéphane Demoustier. Savamment entretenu mais sans jamais le forcer, sans jamais jouer ouvertement avec les codes du film à suspens. C’est la manière dont il dirige son drame qui l’amène sur les terres du thriller intenable et non l’inverse. Parce qu’outre le portrait d’une adolescente troublante et outre les difficultés de cette famille dans la tempête, il y a cette question qui brûle : coupable ou pas coupable ? A t-elle tué sa meilleure amie ou non ? Le film semblerait presque se ficher de cette question tant le sujet n’est pas là. Mais l’une des thématiques qui découle de cette histoire de parents découvrant avec stupéfaction qui est leur propre fille, est celle du doute. Et avec une grande maîtrise, Stéphane Demoustier fait aussi un film sur le doute, un film qui doute et fait douter jusqu’au bout, bien aidé par l’impressionnante prestation de Mélissa Guers, impassible, indéchiffrable. Et le cinéaste de laisser au spectateur le soin de se forger lui-même, son intime conviction.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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