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RHUM EXPRESS (critique)

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Spectateurs

Mondo-mètre :

Carte d’identité :
Nom : The Rum Diary
Parents : Bruce Robinson
Livret de famille : Johnny Depp, Amber Heard, Aaron Eckhart, Michael Rispoli, Richard Jenkins, Giovanni Ribisi, Amaury Nolasco…
Date de naissance : 2011
Nationalité : États-Unis
Taille/Poids : 2h00 – 45 millions $

Signes particuliers (+) : Un brin délirant et farfelu. Un récit décalé. Un lointain esprit de Las Vegas Parano

Signes particuliers (-) : Très maladroit et confus. Beaucoup d’emprunts, peu de création. L’esprit du roman se noie un peu dans la transposition. Manque de folie. Qu’à moitié convaincant.

 

PORTO RICO PARANO

Résumé : Paul Kemp, écrivaillon porté sur la bouteille et journaliste minable, quitte New York où il ne perce pas pour aller tenter sa chance auprès d’un journal portoricain voulant bien de lui. Plein de bonne volonté et motivé mais découvrant une rédaction miteuse au bord du chaos dirigée par un chef sans ambition, Paul accepte de rencontrer un riche homme d’affaire, Sanderson dont la proposition peu honnête l’intrigue autant qu’elle ne travaille sa conscience. Réticent, il peine à refuser car tombant quasi instantanément amoureux de la compagne de Sanderson…

Comédie éthylique, thriller loufoque, difficile de savoir où ranger cet iconoclaste Rhum Express du revenant Bruce Robinson, si ce n’est au rayon des œuvres filmiques imbibées et délirantes, aux côtés par exemple d’un Las Vegas Parano de Terry Gilliam, les deux films partageant le même auteur adapté, le même ton atypiquement décalé et le même interprète en la personne d’un Johnny Depp, ami à la ville avec le défunt écrivain en question, Hunter S. Thompson et producteur au passage de ce projet lui tenant à cœur depuis longtemps.

Pour commencer, Rhum Express, c’est l’histoire d’un double retour. D’une part, le retour de Bruce Robinson derrière les caméras, le cinéaste n’ayant plus rien signé depuis 20 ans et son Jennifer 8 en 1992. D’autre part, il marque le retour sur grand écran de Hunter S. Thompson, journaliste phare des années 70, inventeur du concept du « Gonzo Journalism » consistant en une enquête fortement engagée et subjective rédigée à la force d’une plume incisive et acerbe et de la prise de substances illicites en tout genre entre alcools et drogues diverses. Le résultat aboutissait à des romans tels que The Rum Diary ou Las Vegas Parano, récits divaguant dans un ailleurs lointain et pourtant proche, au gré des vapeurs d’alcool embrumeuses permettant à la fois de s’éloigner et de s’enraciner au monde environnant via dans « une perception » différente.

Balade au milieu des bas-fonds d’un Porto Rico de la fin des années 50, Rhum Express plonge le spectateur dans un récit enivrant mêlant fantaisie déjantée et charme rétro distillé par quelques références et une esthétique doucement désuète (les décors, voitures, l’ambiance, une Amber Heard renvoyant directement aux femmes fatales des films noir des années 40/50…). Transposer le travail littéraire de Thompson n’est pas chose aisée tant son univers est particulier, flamboyant et coloré, riche en détails et en émotions sensorielles. Si Terry Gilliam sur Las Vegas Parano s’en était pas si mal sorti conjuguant son style à la base déjà décalé et l’univers halluciné de l’auteur, Bruce Robinson lève le pied quant à lui sur l’expérimentalisme hallucinogène pour privilégier un côté doux-dingue tentant de retranscrire la folie ambiante du roman originel. C’est par le personnage du journaliste Paul Kemp (Depp donc) que le spectateur entre dans cette virée loin de l’Amérique classique citadine et bouillonnante new-yorkaise, dans un Porto Rico pauvre et marginal, répondant à ses propres codes et mode de fonctionnement. Mais c’est aussi par la bouteille (de Rhum) que l’on va être introduit et découvrir les pérégrinations et cas de conscience intérieurs d’un auteur frustré, cantonné aux rubriques astrologiques, aspirant à devenir ce qu’il n’a encore jamais été, un véritable auteur dénonçant avec mordant des sujets importants, des causes essentielles. Mais pour l’heure, Kemp est surtout un looser, un raté, un anti-héros aspirant à des rêves mais dont la frustration de ne pas les atteindre le pousse à trouver un échappatoire dans les vapeurs d’alcool et les substances illicites. Un personnage auquel Johnny Depp colle idéalement par son éternel et célèbre jeu marginal et bohème incarnant avec grâce la déchéance filmée.

Rhum Express est une peinture d’un univers poisseux où l’ivresse n’est pas une tare mais le quotidien des artistes à la recherche à la fois de l’inspiration et à la fois de l’évasion d’un monde auquel ils ne collent pas et qui ne les comprend pas. Un peu fou, un peu farfelu, un peu marginal, le film de Bruce Robinson se plaît à tituber à l’image de ses comédiens, opposant la froideur impeccable d’un Aaron Eckart en magnat de la finance cupide et le gentiment déluré d’une galerie de personnages ubuesques, de Depp à Michael Rispoli en passant par un incroyable Giovanni Ribisi mi-taré mi-extraterrestre. Et Amber Heard d’apporter la touche de glamour détonnant d’avec la crasse ambiante.

Agréable virée amusante en compagnie de personnages atypiques, Rhum Express reste néanmoins de trop dans la retenue et ne pousse pas le délire visuel et la créativité aussi loin qu’un Las Vegas Parano a pu le faire, plus fidèle à l’esprit des romans de Thompson. Hésitant à foncer tête baissé dans son concept, Robinson se perd un peu en tentant le collage d’éléments et de registres divers, du mélo romantique au thriller, de la comédie au film noir (en se prenant pour Hitchcock auquel il emprunte beaucoup). Et son récit de peiner à trouver une voie continuellement cohérente dans cette balade se voulant enivrante mais qui ne convainc au final qu’à moitié, se regardant d’un œil émoustillé mais sans vraiment nous emporter aux cotés de ses protagonistes. Sans être policé à la sauce hollywoodienne mais tout de même plombé par quelques éléments trop classiques dans sa narration, Rhum Express manque d’un petit quelque chose, d’un scénario peut-être encore plus barré et audacieux qu’il ne l’est, plus borderline à l’image de ses personnages par exemple. La saveur y est mais elle aurait pu être encore plus relevée, comme si le film était une dinguerie encore engourdie par un réveil trop matinal…

Bande-annonce :

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