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COMANCHERIA de David McKenzie : la critique du film

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comancheriaMondo-mètre
note 4.5 -5
Carte d’identité :
Nom : Hell or high water
Père : David McKenzie
Date de naissance : 2016
Majorité : 07 septembre 2016
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 1h42 / Poids : NC
Genre : Thriller, Polar

Livret de famille : Jeff Bridges, Chris Pine, Ben Foster, Gil Birmingham…

Signes particuliers : Un polar tendu, un western crépusculaire, un drame fraternel, un thriller hargneux, une comédie hilarante… Comancheria est plein de choses, mais surtout un petit bijou !

TEXAS, TON UNIVERS IMPITOYABLE

LA CRITIQUE DE COMANCHERIA

Résumé : Après la mort de leur mère, deux frères organisent une série de braquages, visant uniquement les agences d’une même banque. Ils n’ont que quelques jours pour éviter la saisie de leur propriété familiale, et comptent rembourser la banque avec son propre argent. À leurs trousses, un ranger bientôt à la retraite et son adjoint, bien décidés à les arrêter. 

8E9A2360.CR2Trois ans après Des Poings contre les Murs, son drame carcéral rageur emmené par Jack O’Connell, David McKenzie quitte les espaces exigus pour les grands espaces du Texas profond avec Comancheria. Un virage à 180° pour l’écossais ? Peut-être pas tant que ça finalement, puisqu’il est aussi question d’enfermement avec ce nouveau long-métrage qui avait fait les belles heures de la sélection Un Certain Regard au dernier festival de Cannes. Cette fois-ci, il n’est pas question d’enfermement entre quatre murs chez McKenzie, mais plutôt d’enfermement social, ou comment chercher désespérément une issue à une vie de misère qui se perpétue de génération en génération. Visiblement inspiré par les différentes formes de violence qui règnent dans la suffocante Amérique sudiste, le réalisateur déploie une sorte de thriller aux accents westerniens dominé par une distribution prestigieuse composée de Chris Pine, Ben Foster et Jeff Bridges. Inscrit sur la fameuse blacklist des meilleurs scripts en attente de production, Comancheria est l’œuvre de Taylor Sheridan, le scénariste du grandiose Sicario de Denis Villeneuve, sauvé de l’anonymat par un Peter Berg qui a eu la très bonne idée d’en proposer la direction à un McKenzie signant là, l’une des sacrés pépites de la rentrée.

HR6A2902.CR2Le cinéma américain l’a compris depuis longtemps, il n’y a rien sur son sol de plus cinégénique que le fin fond du Texas. Ses immenses étendues poussiéreuses, son soleil de plomb, ses villes fantomatiques enlisées dans un faux rythme moribond, son mode de vie resté coincé dans un ancien temps révolu alors que les cow-boys ont troqué leurs chevaux contre des pickup, son excessive mentalité républicano-réactionnaire, ses rednecks improbables… Il n’y a qu’un Texas, mais mille façons de le filmer, et David McKenzie s’est inspiré de quelques-uns avant lui, pour en livrer un portrait entre désolation terrifiante et splendeur crépusculaire.comancheria_3Deux frères au bord de la faillite qui se lancent dans une série de braquages de banques, deux Rangers qui les traquent, et une cavale effrénée d’avance gravée dans la tragédie. Comancheria n’est pas original dans le fond, alors que sur la forme, il emprunte autant aux frères Coen qu’à des films comme Les Brasiers de la Colère et autres. Mais voilà, il se dégage une telle puissance iconique de chaque séquence, de chaque scène, de chaque plan, que Comancheria se démarque pour débarquer dans la cour fermée des très grands films de cette année 2016. Une puissance visuelle et émotionnelle, couplée à une intensité démente, qui offre au film une force motrice terriblement addictive, presque hypnotique. Le souffle coupé, on assiste à un spectacle dramatique dont il est impossible de s’échapper, comme si l’on était nous aussi piégés dans ce Texas infernal dévoreur d’âmes, comme si l’on était nous aussi coincé dans ce huis-clos à ciel ouvert, où la seule certitude est que le chemin vers la sortie sera douloureux.

1_8E9A8882.CR2La force indéniable de Comancheria est d’être un film complet, réussissant tout ce qu’il entreprend et sur tous les tableaux, avec un brio qui frôle le magistral foudroyant. Sur la forme, David McKenzie signe un coup double. D’abord, avec l’illustration d’un scénario joignant plusieurs genres avec une adresse sans faille. Comancheria est un drame familial, un thriller haletant, un western moderne, un film de gangster huilé, un survival implacable, un film d’action remuant, et même une comédie jubilatoire ! Car au milieu de cette composition mélancolique chargée d’une extrême pesanteur jouant de sa tension furieusement aiguisée, David McKenzie parvient à glisser des pointes d’humour aussi hallucinantes qu’irrésistibles. Ces envolées hilarantes viennent desserrer l’étau qui agrippe la gorge avec une pression maximale, et offre au film des respirations bienvenues tout en soutenant le discours global d’un film, qui se plaît à illustrer le surréalisme de ce Texas unique au monde, en jouant la carte d’un humour justement surréaliste. Et dans le même terriblement réaliste à la fois. De la dynamique de son fabuleux duo de policiers (Jeff Bridges est immense) qui s’écharpent à ces villes bouseuses truffées de figures humaines déroutantes, en passant par des restaurants miteux, des casinos étranges ou un Ben Foster magnifiquement déjanté, Comancheria déclenche une avalanche de rires impayables qui tranche avec la lourdeur émotionnelle d’une histoire sans cesse sur le fil tranchant d’un suspens captivant.comancheria_4Mais n’allez pas croire que Comancheria se limite à la réussite d’un script à l’équilibre parfait. Derrière, il y a cette mise en scène dont on tombe éperdument amoureux. Que ce soit dans les grands espaces, dans les villes stupéfiantes ou dans les espaces réduits, que ce soit dans les phases en mouvement ou dans les phases statiques, David McKenzie fait un perpétuel étalage de son talent de jeune cinéaste qui a digéré sa culture cinématographique évidente, pour mieux lui injecter désormais sa patte personnelle. Une patte sans arrêt créative, faisant du neuf avec du vieux, recyclant des motifs déjà vus sans pour autant tomber dans la photocopie. Superbement soigné dans son esthétique au service de son récit palpitant, Comancheria peut alors enclencher le troisième acte de sa magnificence, en affichant sa profondeur sondant une certaine Amérique loin de tout glamour.175307.jpg-r_1920_1080-f_jpg-q_x-xxyxxPointant du doigt cette Amérique à deux vitesses rongée par le cynisme du capitalisme banquier, Comancheria ne se limite pas à une aventure à la fois trépidante et oppressante. Désireux de dire des choses à travers le spectacle de cette course contre la montre aux allures de jeu du chat et de la souris entre flics sympathiques et voyous attachants, le cinéaste reprend à son compte des thématiques de longue date du cinéma américain, déjà présentes dans quelques classiques comme Massacre à la tronçonneuse. Ou comment l’argent des puissants a ruiné une contrée devenue une terre de désolation suffocante. « Il n’y a rien pour aider par ici » clame un Jeff Bridges déconfit devant un incendie faisant fuir des éleveurs de bétails. Tout est dit. Le fin fond du Texas est quasiment une zone oubliée de l’Amérique, où les lois qui prévalent sont désormais celles de la survie coûte que coûte. Dans Comancheria, on sent la poussière qui racle la gorge, on sent le désespoir, la misère, le poids de l’absence d’illusions, on sent que la vie s’est quasi-éteinte dans ce Texas mortifère. On sent surtout que l’Amérique y a opéré un massacre social et économique, consécutif à un massacre humain, celui évoqué de ces indiens jadis dépossédés de leurs terres. Aujourd’hui, ce sont les « blancs d’après » qui sont à leur tour dépossédés des leurs, cette fois par les banques cupides. Brillant sur le fond comme sur la forme, jamais manichéen et érigé sur une histoire forte soutenue par des personnages qui le sont tout autant, Comancheria est une claque à ne surtout pas manquer !

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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